Fiche de lecture
« La Belle et la Bête », Jeanne Marie Leprince de Beaumont
Contexte

Le XVIIIe siècle a connu une vogue des contes moraux visant à instruire et éduquer les enfants, souvent publiés en magazines. Le temps du merveilleux n’a pas pour autant disparu, comme en témoigne l’histoire de « La Belle et la Bête ». Le première version de ce conte date de 1740 et a été écrite par Mme de Villeneuve. Mais c’est la version reprise et réécrite en 1757 par Mme Leprince de Beaumont qui a connu le plus grand succès et qui est encore lue aujourd’hui.

Bien qu’on retrouve dans cette trame narrative l’archétype des contes pour enfants, la profondeur de ce monde imaginaire a également fasciné les adultes. Jean Cocteau en a ainsi tiré un film en 1946. Cette histoire, qui a presque la portée d’un mythe, a été depuis reprise de nombreuses fois au cinéma.

Personnages

Le père : Un riche marchand devenu pauvre. Il a six enfants, trois filles et trois garçons, qu’il aime profondément.
La Belle : La fille cadette est belle, bonne et généreuse.
La Bête : Une créature très laide mais bonne.
Les deux sœurs aînées : Méchantes et sans cœur, elles ne sont jamais heureuses.

Thèmes

Le merveilleux : Ce conte reprend la tradition du conte de fée empreint de merveilleux. Sans indication spatio-temporelle, le récit pourrait se passer en tout temps et en tout lieu. Les événements surviennent sans être détaillés ni expliqués comme la perte de la fortune du père. La narration insiste en effet à la fois sur la dimension magique de cette histoire et sur son aspect moral.

Le palais est décrit comme un endroit ensorcelé et plein de beauté. Tous les désirs de la Belle sont exaucés, des coffres enchantés contiennent ce dont elle a besoin, la nourriture apparaît à table lorsqu’elle a faim… La Bête elle-même est une créature féérique puisque, par son apparence et par ses pouvoirs, elle est au-delà de l’humanité.
La morale : Mais le merveilleux est l’occasion de proposer une morale portant sur le caractère des êtres humains. L’orgueil, la méchanceté et l’envie y sont dénoncés à travers le personnage des deux sœurs aînées. Se trouve au contraire valorisé l’acceptation de la différence : Belle est celle qui voit la vraie nature des êtres, indépendamment de leur apparence, et qui peut véritablement les aimer pour eux-mêmes.

Résumé

Un riche marchand vit heureux avec ses enfants, trois garçons et trois filles, jusqu’à ce qu’il se retrouve ruiné. Ses filles aînées, orgueilleuses, n’avaient pas voulu se marier faute de trouver d’époux assez glorieux à leurs yeux. Une fois pauvres, personne ne veut plus les épouser. Quant à la cadette, Belle, qui était aussi belle que vertueuse, elle préfère rester auprès de son père.

La famille part vivre à la campagne et travailler la terre.

Un jour, le père a l’occasion de refaire fortune et il part en voyage pour acheter des marchandises, mais il ne rencontre pas le succès attendu.

Sur le trajet du retour, il est surpris par la neige et le froid et il trouve refuge dans un palais. Il n’y rencontre aucun habitant, mais il trouve de l’avoine pour son cheval, de la nourriture, du vin et un bon lit pour lui.

Avant de repartir, il cueille une rose pour Belle qui lui avait demandé de lui en rapporter une. Alors, une Bête horrible apparaît et lui reproche son ingratitude. La Bête veut le punir par la mort, mais apprenant qu’il a des filles, il propose qu’une de ses filles prenne volontairement sa place. Avant de le laisser repartir, il l’autorise à emporter autant d’or qu’il voudra.

La Bête surprend le marchand en train de voler une rose. Illustration du conte « La Belle et la Bête » par Walter Crane, 1874 La Bête surprend le marchand en train de voler une rose. Illustration du conte « La Belle et la Bête » par Walter Crane, 1874

Le père, qui ne veut pas sacrifier ses filles, veut les embrasser une dernière fois et leur laisser de quoi vivre. Aussi repart-il avec un coffre plein de pièces d’or.

De retour chez lui, il raconte son aventure et la Belle décide aussitôt de partir au palais prendre la place de son père auprès de la Bête. Comme elle s’obstine, le père est obligé d’accepter.

Au palais, la Bête tombe sous le charme de la Belle car elle est bonne et généreuse. Il lui offre tout ce qui peut la rendre heureuse, et elle voit qu’il est bon malgré sa laideur.

La Bête lui demande de l’épouser et la Belle refuse. Mais elle s’attache profondément à lui.

La Belle apprend à connaître la Bête. Illustration du conte « La Belle et la Bête » par Walter Crane, 1874 La Belle apprend à connaître la Bête. Illustration du conte « La Belle et la Bête » par Walter Crane, 1874

Chaque soir, dans un miroir, elle voit la maison de son père et prend des nouvelles de sa famille. Ses sœurs se sont mariées et ses frères sont partis à l’armée. Son père est resté seul, et elle voit un jour qu’il est malade. Elle demande à la Bête de la laisser aller lui rendre visite et jure qu’elle reviendra. Elle lui promet de ne rester partie qu’une semaine. La Bête lui donne une bague qui lui permet de voyager en un instant.

Son père est très heureux de la revoir.
Mais lorsque ses sœurs viennent la voir, elles sont étouffées par la jalousie. Elles décident alors de retenir Belle plus d’une semaine pour qu’elle perde les faveurs de la Bête. Belle accepte de rester plus longtemps pour faire plaisir à ses sœurs mais la Bête lui manque et elle souffre à l’idée de la rendre triste. Elle revient donc au dixième jour.

Au palais, elle ne trouve pas la Bête. Elle la cherche partout. Enfin, elle la trouve inanimée, étendue à terre. La Belle le ramène à la vie et lui promet de l’épouser.

La Belle trouve la Bête sans connaissance. Illustration de La Belle et la Bête de Walter Crane, 1874 La Belle trouve la Bête sans connaissance. Illustration de « La Belle et la Bête » de Walter Crane, 1874

Aussitôt, la Bête se transforme en un prince magnifique. Une fée l’avait enfermé dans cette apparence horrible et condamné à y rester jusqu’à ce qu’une jeune fille accepte de l’épouser.

La fée rend au prince sa couronne et accepte que Belle devienne reine. Elle condamne ses deux sœurs à devenir des statues aux portes du palais tout en conservant leur conscience, jusqu’à ce qu’elles reconnaissent leur erreur.

Citation

« Tout d’un coup, en regardant au bout d’une longue allée d’arbres, il vit une grande lumière, mais qui paraissait bien éloignée. Il marcha de ce côté-là et vit que cette lumière venait d’un grand palais, qui était tout illuminé. Le marchand remercia Dieu du secours qu’il lui envoyait et se hâta d’arriver à ce château ; mais il fut bien surpris de ne trouver personne dans les cours. »
« “Hélas ! disait-elle, c’est bien dommage qu’elle soit si laide, elle est si bonne !” Belle passa trois mois dans ce palais avec assez de tranquillité. Tous les soirs, la Bête lui rendait visite et parlait avec elle pendant le souper avec assez de bon sens, mais jamais avec ce qu’on appelle esprit dans le monde. Chaque jour, Belle découvrait de nouvelles bontés dans ce monstre : l’habitude de le voir l’avait accoutumée à sa laideur et, loin de craindre le moment de sa visite, elle regardait souvent sa montre pour voir s’il était bientôt neuf heures, car la Bête ne manquait jamais de venir à cette heure-là. Il n’y avait qu’une chose qui faisait de la peine à la Belle, c’est que le monstre, avant de se coucher, lui demandait toujours si elle voulait être sa femme et paraissait pénétré de douleur lorsqu’elle lui disait que non. Elle lui dit un jour :
“Vous me chagrinez, la Bête ! Je voudrais pouvoir vous épouser, mais je suis trop sincère pour vous faire croire que cela arrivera jamais : serai toujours votre amie ; tâchez de vous contenter de cela.
- Il le faut bien, reprit la Bête. Je me rends justice ! je sais que je suis horrible, mais je vous aime beaucoup. Aussi, je suis trop heureux de ce que vous vouliez bien rester ici. Promettez-moi que vous ne me quitterez jamais !” »
« Vous avez oublié votre promesse ! Le chagrin de vous avoir perdue m’a fait résoudre à me laisser mourir de faim ; mais je meurs content puisque j’ai le plaisir de vous revoir encore une fois.
- Non, ma chère Bête, vous ne mourrez point ! lui dit la Belle. Vous vivrez pour devenir mon époux. Dès ce moment, je vous donne ma main et je jure que je ne serai qu’à vous. Hélas ! je croyais n’avoir que de l’amitié pour vous, mais la douleur que je sens me fait voir que je ne pourrais vivre sans vous voir. »
« Vous allez devenir une grande reine : j’espère que le trône ne détruira pas vos vertus. Pour vous, mesdemoiselles, dit la fée aux deux sœurs de Belle, je connais votre cœur et toute la malice qu’il renferme. Devenez deux statues, mais conservez toute votre raison sous la pierre qui vous enveloppera. Vous demeurerez à la porte du palais de votre sœur, et je ne vous impose point d’autre peine que d’être témoins de son bonheur. Vous ne pourrez revenir dans votre premier état qu’au moment où vous reconnaîtrez vos fautes. Mais j’ai bien peur que vous ne restiez toujours statues. On se corrige de l’orgueil, de la colère, de la gourmandise et de la paresse, mais c’est une espèce de miracle que la conversion d’un cœur méchant et envieux. Dans le moment, la fée donna un coup de baguette qui transporta tous ceux qui étaient dans cette salle dans le royaume du prince. Ses sujets le virent avec joie, et il épousa la Belle, qui vécut avec lui fort longtemps, et dans un bonheur parfait, parce qu’il était fondé sur la vertu. »