À l’ombre des jeunes filles en fleurs est le deuxième tome du roman À la recherche du temps perdu (qui en compte sept), écrit par Marcel Proust en 1919. Pour cet ouvrage, l’écrivain reçoit le prix Goncourt en 1919.
En plus d’une trame dramatique qui file le long des différents tomes, Marcel Proust mène une réflexion sur l’art, la littérature, la mémoire et le temps. Il met brillamment en scène une sorte de comédie humaine dans le milieu de la haute bourgeoisie cultivée.
La production littéraire de Proust occupe une place bien à part dans la littérature française.
Le narrateur : Il est aussi le héros du roman. Il aspire à l’art, à la littérature, et mène une difficile quête de l’amour. Gilberte Swann : Elle est la fille de Charles Swann et d’Odette de Crécy. Le narrateur est amoureux d’elle au début du récit, mais leur relation s’effrite. Le narrateur l’oublie lorsqu’il part pour Balbec. Odette Swann : C’est la mère de Gilberte. L’auteur met à l’honneur son merveilleux salon. Elle permet à l’auteur de pénétrer les cercles les plus hauts de l’art et de la littérature. Bergotte : Écrivain réputé, il est la figure de l’écrivain idéal. Mais le Bergotte réel n’est pas à la hauteur du Bergotte rêvé par le narrateur, qui se retrouve quelque peu déçu lors de leur rencontre. Elstir : Elstir est un peintre renommé. Il permet la rencontre entre le héros et la bande des jeunes filles en fleur. Albertine Simonet : Elle est l’une des jeunes filles de la bande et est aimée par le narrateur. Albertine est homosexuelle, ou du moins bisexuelle, ce qui déroute le narrateur. Robert de Saint-Loup : Il devient l’ami du narrateur après une rencontre à Balbec.
L’art et la littérature : C’est l’évocation d’une philosophie et d’un esthétisme qui ne peuvent pas être sortis du contexte de son époque. C’est-à-dire la philosophie de Bergson, l’impressionnisme, la musique de Debussy, l’Affaire Dreyfus. Il y a un décalage entre les idéaux et la réalité (déception de l’actrice idéale, de l’écrivain idéal, du peintre idéal, déception architecturale de l’église de Balbec). Le narrateur mène une recherche incessante sur l’art tout au long du récit. Le temps : Il se traduit par les réminiscences qui sont causées par une sensation, un mot, un air de musique. Les souvenirs surgissent et apportent avec eux la senteur du passé. Pour Proust, seul le passé est intelligible à l’âme humaine. La mémoire est celle qui sacralise les événements et marque le temps.
À l’ombre des jeunes filles en fleurs est la suite de Du côté de chez Swann. L’ouvrage s’ouvre sur l’évocation de l’amour blessé du narrateur pour Gilberte et amorce l’arrivée de nombreux autres personnages.
Première partie : « Autour de Mme Swann »
Première partie : « Autour de Mme Swann »
Le narrateur cherche les mystères de l’art dans le Paris de la fin du XIXe siècle notamment en se rendant pour la première fois au théâtre, mais l’actrice Berma le déçoit. Il décide de se consacrer à la littérature et fait part de son ambition à sa famille et aux amis de sa famille qui lui dressent un portrait abîmé de son auteur préféré, Bergotte. Il rêve d’atteindre le salon des Swann. Le narrateur est enfin accueilli chez les parents de Gilberte Swann, son amante. Par leur biais, il rencontre Bergotte, figure idéal de l’écrivain selon lui et sa déception est grande. Celui qu’il imagine comme un divin vieillard est un jeune myope qui a le nez en coquille d’escargot. Il vaut d’ailleurs mieux le lire que l’entendre, témoigne le narrateur qui ne supporte pas les paroles de l’écrivain. Néanmoins, sa recherche sur l’art s’approfondit. La relation avec Gilberte s’effrite. Malgré leur séparation, le narrateur continue de rendre visite à Mme Swann. Le narrateur finit par se détacher complètement de Gilberte.
Deuxième partie : « Nom de pays : le pays »
Deuxième partie : « Nom de pays : le pays »
Deux ans ont passé, le narrateur part pour Balbec, en Normandie, avec sa grand-mère et Françoise. L’église de Balbec, qu’il imaginait très belle, le déçoit. Le narrateur fréquente le Grand Hôtel. Une vieille connaissance de la grand-mère est retrouvée, la marquise de Villeparisis, et le narrateur commence à fréquenter l’aristocratie. Il rencontre Robert de Saint-Loup, le neveu de Mme de Villeparisis et M. de Charlus, l’oncle de Saint-Loup. Bloch, le camarade juif du narrateur est aussi présent. Il rêve d’intégrer les sphères les plus fermées, malgré l’obstacle de sa religion, car l’affaire Dreyfus a éclaté et les Israélites restent entre eux. Mais ce qui subjugue avant tout le narrateur, c’est l’apparition d’un groupe de sept jeunes filles qu’il n’ose tout d’abord pas approcher et qu’il voit souvent sur la plage. Il rencontre également le grand peintre Elstir et croise dans son atelier Albertine, l’une des sept jeunes filles. Comme il est introduit dans leur petit groupe, celui-ci perd de son charme et de son aspect surnaturel. Il finit par tomber amoureux d’Albertine mais ne parvient pas à l’embrasser. La réalité envisagée le trahit encore une fois. Son attention se porte alors sur Andrée, puis Rosemonde, etc. Au temps des pluies, les clients quittent l’Hôtel. Le narrateur et sa grand-mère sont parmi les derniers occupants.
« Dès son arrivée, je saluai Mme Swann, elle m’arrêtait et me disait « Good morning » en souriant. Nous faisions quelques pas. Et je comprenais que ces canons selon lesquels elle s’habillait, c’était pour elle-même qu’elle y obéissait, comme à une sagesse supérieure dont elle eût été la grande prêtresse : car s’il lui arrivait qu’ayant trop chaud, elle entrouvrît, ou même ôtât tout à fait et me donnât à porter sa jaquette qu’elle avait cru garder fermée, je découvrais dans la chemisette mille détails d’exécution qui avaient eu grande chance de rester inaperçus, comme ces parties d’orchestre auxquelles le compositeur a donné tous les soins, bien qu’elle s ne doivent jamais arriver aux oreilles du public ; ou dans les manches de la jaquette pliée sur mon bras je voyais, je regardais longuement, par plaisir ou par amabilité, quelque détail exquis, une bande d’une teinte délicieuse, une satinette mauve habituellement cachée aux yeux de tous, mais aussi délicatement travaillée que les parties extérieures, comme ces sculptures gothiques d’une cathédrale dissimulées au revers d’une balustrade à quatre-vingts pieds de hauteur, aussi parfaites que les bas-reliefs du grand porche mais que personne n’avait jamais vues avant qu’au hasard d’un voyage, un artiste n’eût obtenu de monter se promener en plein ciel, pour dominer toute la ville, entre deux tours. »
« Autour de Mme Swann »« La manière chercheuse, anxieuse, exigeante, que nous avons de regarder la personne que nous aimons rend notre attention en face de l’être aimé trop tremblante pour qu’elle puisse obtenir de lui une image bien nette. »
« Autour de Mme Swann »« Empourpré des reflets du matin, son visage était plus rose que le ciel. Je ressentis devant elle ce désir de vivre qui renaît en nous chaque fois que nous prenons de nouveau conscience de la beauté et du bonheur. Nous oublions toujours qu’ils sont individuels et, leur substituant dans notre esprit un type de convention que nous formons en faisant une sorte de moyenne entre les différents visages qui nous ont plu, entre les plaisirs que nous avons connus, nous n’avons que des images abstraites qui sont languissantes et fades parce qu’il leur manque précisément ce caractère d’une chose nouvelle, différente de ce que nous avons connu, ce caractère qui est propre à la beauté et au bonheur. »
« Nom de pays : le pays »« La possession d’un peu plus de la femme que nous aimons ne ferait que nous rendre plus nécessaire ce que nous ne possédons pas, et qui resterait, malgré tout, nos besoins naissant de nos satisfactions, quelque chose d’irréductible. »
« Nom de pays : le pays »