L’Encyclopédie est un projet de très longue haleine. Elle voit le jour dans un contexte de remise en cause des modèles médiévaux de représentation du monde. Le 18e siècle est qualifié de siècle des Lumières pour cette raison : il s’agit d’un moment fondateur et essentiel pour la science moderne. Dans ce cadre, le projet de l’Encyclopédie fait parfaitement sens. Au départ, il ne devait s’agir que d’une traduction de la Cyclopædia du savant anglais Ephraïm Chambers, mais de nombreuses difficultés éditoriales vont amener l’éditeur André Le Breton a faire évoluer l’ouvrage. Il recrute Denis Diderot (qui co-traduisait déjà le Dictionnaire Universel de Médecine de Robert James) et Jean le Rond d’Alembert. Ils vont s’entourer d’une « société de gens de lettres » composée de plus de 150 personnes, et qui constituera l’ensemble des rédacteurs de la future Encyclopédie. Parmi eux, le chevalier de Jaucourt (spécialiste de l’économie) et l’éditeur lui-même, André Le Breton.
Le premier volume paraît finalement en 1751, et contient un « Discours préliminaire » signé par d’Alembert. L’œuvre connaîtra une publication progressive de ses 28 volumes (17 volumes de textes et 11 volumes d’illustrations) sur les 22 années suivantes. Les interdictions et oppositions sont nombreuses (procès, mise à l’Index…), la censure est à l’affût, mais Diderot et d’Alembert réussissent à passer outre. C’est une œuvre fondatrice, la première tentative francophone de centralisation de l’ensemble du savoir de l’époque.
Principaux rédacteurs :
- Denis Diderot (1713-1784) : Directeur du projet et défenseur de ce dernier. Il rédige sur un grand nombre de sujets : économie, mécanique, politique, religion… Les articles essentiels « Autorité Politique » et « Encyclopédie » sont de sa main.
- Jean le Rond D’Alembert (1717-1783) : Auteur du « Discours préliminaire » (qui explique la nature et la structure détaillée de l’Encyclopédie). Il traitera des mathématiques, sujet à l’abri des considérations éthiques et religieuses qui agitent le reste de l’œuvre.
- Chevalier de Jaucourt (1704-1779) : Spécialiste de la médecine et des sciences, c’est un homme de grande culture et un universitaire de renom connu dans toute l’Europe.
- Voltaire (1694-1778) : Grand penseur des Lumières, il participera à la rédaction de l’Encyclopédie à hauteur de 45 articles, avant de prendre ses distances. En effet, pour lui, un ouvrage aussi conséquent perd forcément en efficacité, là où il convient de livrer le savoir à tous, de manière accessible. Cette idée l’amènera à rédiger le Dictionnaire Philosophique quelques années plus tard.
Politique : Les rédacteurs souhaitent faire un inventaire de tous les systèmes existants à l’époque. L’objectif est avant tout de cerner les failles de chaque forme de gouvernement et les dérives qu’ils engendrent. Les diverses sensibilités des auteurs transparaissent dans leurs écrits. Sciences : Là encore, il s’agit de faire un bilan. Pour les rédacteurs, il faut que la science s’affranchisse de l’Église et soit accessible à tous. Par conséquent, les divers articles s’y rapportant vont tordre le cou à toute forme de croyance ou superstition. Religion : Diderot et ses collègues sont profondément opposés à toute forme de religion organisée. Par conséquent, l’existence de Dieu(x) est systématiquement remise en question, les dogmes déconstruits et les écrits sacrés passés au crible. La raison doit l’emporter sur la foi et la croyance aveugle en des conceptions anciennes est désormais dépassées. Économie : L’économie est devenue à cette époque une science importante, et le libéralisme étant sur le point d’émerger, il convenait de prendre ce domaine à cœur. Ainsi, les prêts à taux abusifs, les monopoles et la domination de la bourgeoisie sont présentés comme des obstacles à la bonne santé financière d’un État. Arts et artisanats : Le sous-titre de l’ouvrage est Dictionnaire raisonné des arts, sciences et métiers, et par conséquent, l’art et l’artisanat y tiennent une place centrale. On y trouve donc des textes historiques sur l’évolution de l’art et de son corollaire artisanal. Il est aussi question de l’état de ces deux secteurs à l’époque.
Il s’agit d’une série de volumes contenant des articles classés par ordre alphabétique. Elle comprend 28 volumes auxquels il faut ajouter un Supplément de 8 volumes (quatre de textes, deux de tables et un de planches). L’édition originale dite de Paris comporte donc 35 volumes. Un grand nombre de thèmes sont abordés, l’objectif étant d’être exhaustif et de rassembler tout le savoir de l’époque, dans tous les domaines : politique, économie, religion sciences, arts… le tout rassemblé dans ce gigantesque opus.
« Le but d’une encyclopédie est de rassembler les connaissances éparses sur la surface de la terre ; d’en exposer le système général aux hommes avec qui nous vivons, et de le transmettre aux hommes qui viendront après nous ; afin que les travaux des siècles passés n’aient pas été inutiles pour les siècles qui succéderont ; que nos neveux devenant plus instruits, deviennent en même temps plus vertueux et plus heureux ; et que nous ne mourions pas sans avoir bien mérité du genre humain. »
Denis Diderot, article « Encyclopédie » « Dieu. Créature mythique et fictive à la base de toute conception religieuse. »
Denis Diderot, article « Dieu » « [Barbares], c’est le nom que les Grecs donnaient par mépris à toutes les nations, qui ne parlaient pas leur langue, ou du moins qui ne la parlaient pas aussi bien qu’eux. Ils n’en exceptaient pas même les Égyptiens, chez lesquels ils confessaient pourtant que tous leurs philosophes et tous leurs législateurs avaient voyagé pour s’instruire. »
François-Vincent Toussaint, article « Barbares » « Un état peut être fort riche, et les citoyens mourir de faim, si l’argent ne circule pas. L’usure et les monopoles, et les banqueroutes font plus de ravages, que les brigands de la mer et des forêts. »
Louis de Jaucourt, article « État »