Lors de ses études, Joachim du Bellay fit la connaissance de Ronsard, et les deux jeunes hommes, partageant un même amour et une même conception de la poésie, forgèrent le projet d’écrire en français des œuvres poétiques d’aussi grande valeur que celle des Latins et des Grecs. Cette alliance, bientôt rejointe par quelques autres poètes, devient par la suite le groupe de la Pléiade.
L’Olive est le premier recueil de du Bellay et il y explore le genre du sonnet. Son ambition est de forger une langue poétique française toute en sensibilité et en virtuosité mêlées. Mais son inspiration puise très nettement du côté de l’italien Pétrarque, qui est alors un grand représentant du sonnet.
Le recueil comporte 50 sonnets en 1549 lors de la première publication. Un an plus tard, il sera augmenté et contiendra 115 sonnets.
La création poétique : Si l’amour est le thème explicite de ce recueil, son intention profonde est de rendre compte des possibilités de création poétique de la langue française. L’Olive paraît en effet très peu de temps après Défense et illustration de la langue française, manifeste signé par du Bellay et dans lequel est exposée la volonté de défendre le français qui n’est pas encore considéré comme une langue littéraire. Il y a donc ici une vraie stratégie argumentative et poétique. Le modèle ancien : Mais du Bellay ne prétend pas inventer cette langue littéraire de toute pièce. Au contraire, il souhaite la forger au modèle des anciens, et le grand mot d’ordre de la Pléiade est l’imitation. Aussi L’Olive est-elle très marquée par des motifs mythologiques ainsi que par le modèle de Pétrarque. La création du monde : L’inspiration n’est pas uniquement amoureuse : plus le recueil progresse, plus il se dirige vers des motifs comme la création du monde, né de l’accouplement d’Éros et de Chaos, et la formation d’un être qui, par le sentiment amoureux, sort de l’enfance.
Reprenant la trame thématique et narrative du Canzoniere de Pétrarque, du Bellay célèbre ici une femme aimée qui, contrairement à ce qui se passe chez son prédécesseur italien, semble totalement imaginaire. Du Bellay la nomme Olive et l’associe à l’olivier, comme Pétrarque avait associé Laure au laurier.
Une introduction au lecteur présente son projet : ayant déjà gaspillé sa jeunesse, du Bellay ne peut plus prétendre égaler les Grecs et les Latins en poésie car il n’en aurait plus le temps. Il se tourne alors vers la langue française, qui est encore récente et n’a pas encore atteint toute sa perfection. Du Bellay espère ainsi y contribuer.
Le recueil s’ouvre sur des évocations mythologiques qui convergent vers la description du dieu Amour frappant le poète de sa flèche.
Tout au long de L’Olive, l’évocation de l’amour passe d’abord par une description à la fois idéalisée et passionnée de la femme aimée. C’est essentiellement sa beauté qui est évoquée ici, ses qualités personnelles n’apparaissant guère. Plutôt que de portrait, il faudrait parler ici de « blason » selon une tradition poétique déjà existante et consistant à évoquer la femme aimée à travers quelques traits physique. L’Olive aimée de du Bellay est ainsi incarnée essentiellement à travers ses cheveux blonds, les « cheveux d’or » étant un motif récurrent du recueil. Son regard est un autre signe distinctif, regard qui frappe comme des flèches amoureuses.
C’est en effet de la beauté de la femme aimée que provient l’amour du poète. Suivant à la fois la tradition courtoise et l’inspiration pétrarquiste, l’amour est un embrasement et une violence, atténuée cependant par le caractère assez rhétorique et métaphorique de l’exercice. Reprenant le motif courtois du martyr d’amour, l’amoureux ne demande rien, mais il est néanmoins par essence malheureux, puisque soumis à la femme aimée et toujours vaincu dans ce combat d’amour. Cette souffrance est aussi un bonheur, d’autant plus qu’elle est essentiellement un prétexte au jeu poétique.
Le jeu de métaphores et d’analogies entraîne du Bellay également sur le terrain de la cosmogonie, c’est-à-dire la théorie de la création du monde, du « Père océan, commencement des choses ». La figure de l’amour n’est pas seulement celle du sentiment qu’un homme éprouve pour une femme, mais également la force qui fait naître et tourner le monde. Ainsi, le sonnet 64 décrit « l’âme de l’univers » qui forge la terre par amour, « courbant sur nous son temple aux yeux ouverts » et créant ainsi toutes les choses terrestres.
« Comme on ne peut d’œil constant soutenir
Du beau Soleil la clarté violente,
Aussi qui voit vôtre face excellente,
Ne peut les yeux assez fermes tenir. »« Ces cheveux d’or sont les liens Madame,
Dont fut premier ma liberté surprise,
Amour la flamme autour du cœur éprise,
Ces yeux le trait, qui me transperce l’âme. »« La nuit m’est courte, et le jour trop me dure,
Je fuis l’amour, et le suis à la trace,
Cruel me suis, et requiers votre grâce,
Je prends plaisir au tourment, que j’endure.
Je vois mon bien, et mon mal je procure,
Désir m’enflamme, et crainte me rend glace,
Je veux courir, et jamais ne déplace
L’obscur m’est clair, et la lumière obscure. »