La Comtesse de Tende a été publiée de façon posthume, en 1723, mais a été écrite vers 1664. Madame de La Fayette a alors déjà écrit et fait publier La Princesse de Montpensier, qui a connu un grand succès et imposé une nouvelle approche de la narration littéraire. Avec La Comtesse de Tende, elle se ressaisit des thèmes qui lui sont chers, ceux de la passion amoureuse, de la culpabilité, de l'honneur et de la pression sociale, mais en les condensant dans une très courte nouvelle. Cette brièveté souligne la perfection formelle de son récit et accentue le caractère implacable de la destinée de la comtesse de Tende.
L'intrigue se déroule pendant la régence de Catherine de Médicis, en 1560.
La comtesse de Tende : « Mademoiselle de Strozzi, fille du maréchal, et proche parente de Catherine de Médicis ».
Elle épouse très jeune le comte de Tende et découvre ensuite la passion amoureuse.
Le comte de Tende : « De la maison de Savoie, riche, bien fait, le seigneur de la cour qui vivait avec le plus d’éclat, et plus propre à se faire estimer qu’à plaire ».
Mari de la comtesse de Tende.
La princesse de Neufchâtel : « Jeune, belle, et veuve du prince de ce nom, qui lui avait laissé, en mourant, cette souveraineté, qui la rendait le parti de la cour le plus élevé et le plus brillant ».
Elle est l’amie de la comtesse.
Le chevalier de Navarre : « […] descendu des anciens souverains de ce royaume, [il] était aussi alors jeune, beau, plein d’esprit et d’élévation ».
Le chevalier n’a que sa naissance pour lui et il est par ailleurs dépourvu de fortune. Pour cette raison, il veut épouser la princesse de Neufchâtel, qui lui donnera une position.
La passion : L’amour et les ravages de la passion amoureuse sont une fois de plus le thème dominant de ce récit. Comme dans ses autres écrits, madame de La Fayette s’attache à décrire comment la passion s’oppose à la raison et conduit les êtres qui sont sous son emprise à agir de façon contraire à leurs intérêts. L’amour est décrit comme un événement extérieur qui, telle une maladie, emporte les personnages malgré eux. La jalousie : La jalousie est l’une des facette de la passion amoureuse. Dévorante et torturante, elle nourrit toujours les sentiments amoureux de ceux qui les éprouve, conduisant à un cercle vicieux : plus on aime, plus on est jaloux, et plus on est jaloux, plus on aime. L’ambition : Madame de La Fayette propose une nouvelle analyse, absente de ses autres récits, en décrivant le conflit qui oppose l’amour et l’ambition à travers le personnage du chevalier de Navarre. Puisque l’amour est du côté de la passion et s’oppose à la raison, il représente un frein à toute stratégie sociale et à tout calcul raisonné. Le secret : Si l’amour est source de malheur, c’est aussi parce qu’il creuse dans ceux qui aiment un écart entre ce qu’ils montrent d’eux-mêmes et ce qu’ils éprouvent profondément, entre le paraître et l’être. L’amour représente donc la part la plus secrète, la plus intime et peut-être la plus profonde de l’individu, ce par quoi il se détache d’un monde socialement très rigide. Mais ce détachement est aussi la cause de son malheur et de sa perte.
La comtesse de Tende est peu heureuse dans son mariage : le comte, qui a pourtant de l’estime pour elle, la considère comme une enfant et ne s’intéresse pas à elle.
La comtesse se lie d’amitié avec la princesse de Neufchâtel.
Par ambition, le chevalier de Navarre veut s’attacher la princesse de Neufchâtel, sans en être amoureux. Le comte de Tende connaît ses projets et comme il apprécie le chevalier, il cherche à l’aider et pousse sa femme à le faire aussi.
Mais le chevalier tombe amoureux de la comtesse, et celle-ci ne tarde pas à partager ses sentiments.
Elle éprouve alors de cruels remords : elle aime celui que sa meilleure amie va épouser, et qu’elle laisse épouser, alors que ce n’est pas son intérêt puisque le chevalier n’aime pas la princesse de Neufchâtel et que personne n’approuve ce mariage. Par ailleurs, elle est rongée par la jalousie.
Le jour du mariage, la comtesse n’a pas le courage de s’y rendre. Le chevalier la rejoint chez elle en cachette et lui dit qu’il veut renoncer à ce mariage puisqu’il lui fait de la peine.
Elle lui promet son amour mais le conjure d’aller au mariage. Le chevalier est partagé entre le bonheur de voir son amour partagé et l’affliction de devoir épouser une autre.
Un écuyer va désormais leur servir d’intermédiaire.
Au matin, elle reçoit une lettre du chevalier, écrite après sa nuit de noce et lui confiant qu’il ne pense qu’à elle et regrette son mariage.
Le soir, elle se rend chez la princesse de Neufchâtel, devenue princesse de Navarre, qui l’a invitée. Celle-ci lui raconte ses tourments : elle a épousé par passion un homme qui ne l’aime pas et qui pense manifestement à une autre à qui il écrit des lettres en secret.
La comtesse écrit au chevalier pour lui faire part des soupçons de sa femme.
Après quelques temps de correspondance, le chevalier vient la voir en secret. Ils discutent longuement. Le chevalier est à genoux devant la comtesse lorsque le comte entre. Le chevalier garde son sang-froid : « Venez, venez, dit-il au comte de Tende, m’aider à obtenir une grâce que je demande à genoux, et que l’on me refuse. »
« Le ton et l’air du prince de Navarre suspendirent l’étonnement du comte de Tende. Je ne sais, lui répondit-il, du même ton qu’avait parlé le prince, si une grâce que vous demandez à genoux à ma femme, quand on dit qu’elle dort, et que je vous trouve seul avec elle, et sans carrosse à ma porte, sera de celles que je souhaiterais qu’elle vous accordât. »
Le chevalier raconte alors qu’il aime une femme en secret, que sa femme a des soupçons, et qu’il a prétexté pour la voir s’être rendu chez la maréchale de Saint-André ; il prétend qu’il supplie maintenant la comtesse de confirmer son alibi.
La comtesse est désormais déchirée entre le sentiment de culpabilité que lui inspire son amie, et la jalousie. Pour ajouter à son malheur, le comte, son mari, s’éprend d’elle et ne la quitte plus. Mais elle le repousse durement.
Alors que la guerre reprend, la comtesse se rend compte qu’elle est enceinte du chevalier. Puisqu’elle a repoussé son mari, celui-ci saura qu’elle a un amant.
Son malheur touche à la folie lorsqu’elle apprend la mort du chevalier, tué le dernier jour des combats.
Elle écrit à son mari pour lui confier son état et remettre la décision entre ses mains : elle ne veut pas le déshonorer publiquement. Celui-ci accepte qu’elle rende publique sa grossesse et de passer pour le père. Mais tourmentée par la culpabilité et la honte, la comtesse meurt après avoir accouché prématurément d’un enfant promis, lui aussi, à la mort.
« Le chevalier la vint voir, il prit des liaisons et des mesures avec elle ; mais, en la voyant, il prit aussi pour elle une passion violente. Il ne s’y abandonna pas d’abord : il vit les obstacles que ces sentiments partagés entre l’amour et l’ambition apporteraient à son dessein : il résista ; mais, pour résister, il ne fallait pas voir souvent la comtesse de Tende, et il la voyait tous les jours, en cherchant la princesse de Neufchâtel ; ainsi il devint éperdument amoureux de la comtesse. Il ne put lui cacher entièrement sa passion : elle s’en aperçut ; son amour-propre en fut flatté, et elle se sentit un amour violent pour lui. »« Pour récompense du service que nous vous allons rendre, aux dépens de la vérité, apprenez-nous du moins quelle est cette aimable maîtresse : il faut que ce ne soit pas une personne fort estimable de vous aimer et conserver avec vous un commerce, vous voyant embarqué avec une personne aussi belle que madame la princesse de Navarre, vous la voyant épouser, et voyant ce que vous lui devez. Il faut que cette personne n’ait ni esprit, ni courage, ni délicatesse : et, en vérité, elle ne mérite pas que vous troubliez un aussi grand bonheur que le vôtre, et que vous vous rendiez si ingrat et si coupable. Le prince ne sut que répondre : il feignit d’avoir hâte. »« Cette lettre me va coûter la vie ; mais je mérite la mort, et je la désire. Je suis grosse ; celui qui est la cause de mon malheur n’est plus au monde, aussi bien que le seul homme qui savait notre commerce ; le public ne l’a jamais soupçonné : j’avais résolu de finir ma vie par mes mains ; mais je l’offre à Dieu et à vous, pour l’expiation de mon crime. Je n’ai pas voulu me déshonorer aux yeux du monde, parce que ma réputation vous regarde ; conservez-la pour l’amour de vous : je vais faire paraître l’état où je suis ; cachez-en la honte, et faites-moi périr, quand vous voudrez, et comme vous le voudrez. »« Le désir d’empêcher l’éclat de ma honte l’emporte présentement sur ma vengeance ; je verrai, dans la suite, ce que j’ordonnerai de votre indigne destinée ; conduisez-vous comme si vous aviez toujours été ce que vous deviez être. »« […] elle sentit bien que la honte est la plus violente de toutes les passions. »