La Condition de l’homme moderne est un livre de résistance, dans lequel Hannah Arendt analyse la situation de l’homme dans la modernité pour chercher comment celui-ci peut lutter contre les maux propres à son époque : le totalitarisme, l’individualisme et la perte du sens politique. Cette lutte est d’autant plus nécessaire que, pour Arendt, le développement des sciences et des techniques, qui aurait pu permettre d’élever la dignité humaine, annonce en réalité un avenir de barbarie.
La Condition de l’homme moderne montre comment la science et la technique ont transformé la vision que l’homme a du monde et de lui-même, et modifié jusqu’à sa vie politique. Arendt y analyse la condition humaine à travers plusieurs couples d’opposition.
- Arendt oppose d’abord la vie active, propre au travail, à l’œuvre et à l’action, et la vie contemplative. L’homme est tourné essentiellement vers la vie active, mais les progrès techniques tendent à le délivrer du travail : cependant, l’homme ne saura que faire de cette liberté, car il ne sera pas capable de se tourner vers une activité plus enrichissante.
- Arendt distingue également le domaine public, celui de l’action, et le domaine privé. Le domaine public est celui de l’échange, des affaires publiques, de la communauté, de la vie politique. Or la distinction entre les deux domaines s’efface sous l’influence des sciences sociales. Le travail, qui appartenait au domaine privé, devient ainsi une affaire publique.
- Le travail doit être distingué de l’œuvre. Le travail, propre à l’Homo laborans, est une nécessité biologique qui n’a jamais de fin. Au contraire, l’œuvre, propre à l’Homo faber, exprime l’humanité de l’homme ; c’est un processus unique par lequel on produit des objets. Mais la modernité tend à les confondre, notamment dans l’industrie capitaliste. Avec la mécanisation du travail, l’homme travaille et produit des objets qui ne sont plus des œuvres pour lui et dont il ne perçoit plus la finalité.
Le propre de l’homme est d’être tourné vers l’action et la parole, qui sont indissociables pour Arendt : l’action humaine est toujours guidée par la parole et par l’échange, qui permettent à l’homme de communiquer sur ses actions et de les expliquer, à la différence des machines. C’est la sphère de l’action qui permet de construire un espace public dans lequel les hommes peuvent vivre ensemble, c’est elle aussi qui peut les sauver de l’inertie, de la domination et du totalitarisme.
« Être politique, vivre dans une polis, cela signifiait que tout se décidait par la parole et la persuasion et non par la force ni par la violence. »