Fiche de lecture
La Machine à explorer le temps, H. G. Wells
Contexte

L’inspiration d’H. G. Wells naît en partie de ses études assez brèves de chimie et de biologie. C’est à ce moment-là, à 21 ans, qu’il rédige la première version de La Machine à explorer le temps, qu’il publiera dans la revue de son université. Cette première étape est encore très différente de celle que nous connaissons aujourd’hui. Dans les années suivantes, plusieurs autres versions voient le jour, qui n’ébauchent que peu à peu la trame définitive.

L’intérêt de cette histoire de science-fiction et de proposer une conception du temps comme une quatrième dimension. On voit apparaitre ici l’une des premières occurrences du thème du voyage temporel, thème qui deviendra par la suite l’une des ressources les plus exploitées de la science-fiction.

Personnages

L’explorateur : C’est un scientifique et inventeur dont on ne connait pas le nom. On ne sait d’ailleurs rien de lui et il n’existe que par les aventures qu’il traverse.

Thèmes

La science et la technologie : La science et la technologie sont à la source de l’inspiration de La Machine à explorer le temps. La société britannique de la fin du XIXe siècle est façonnée et déterminée par l’industrialisation et les bonds technologiques qui constituent la toile de fond de ce récit d’anticipation.
Le questionnement philosophique : Comme toute histoire de science fiction, l’enjeu est en réalité politique voire philosophique. La question posée ici est celle de la place de la technologie et de l’avenir de l’humanité. Wells évoque ici une peur moderne qui est celle de ce que l’espèce peut se faire à elle-même. Le voyage dans le temps nous montre en effet la disparition de l’humanité telle qu’on la connait et son remplacement par deux facettes possibles de l’être humain, finalement aussi peu plaisantes l’une que l’autre.
La satire sociale : La Machine à explorer le temps est également une satire sociale. On y voit une société répartie en deux castes, celle du haut et celle du bas, celle de la lumière et celle de l’ombre, celle des maîtres et celle des esclaves. Mais les exclus peuvent dévorer à leur tour ceux qui vivent dans la lumière. C’est que les deux castes vivent dans une interdépendance cruelle et ironique : des êtres frivoles et paresseux sont servis par des esclaves consentants qui se nourrissent de leurs maitres.

Résumé

À Londres, un homme raconte à ses amis le voyage dans le temps qu’il a effectué et qui l’a conduit en l’an 802 701 de notre ère.

Le climat a changé, la terre est un vaste jardin presque paradisiaque, sans mauvaises herbes et rempli de plantes luxuriantes et nourrissantes, de fruits délicieux qui poussent dans le climat méridional qui est désormais celui de l’Angleterre. La Terre semble n’être plus peuplée que par une seule espèce animale, les Éloïs, descendants des hommes, créatures douces, un peu simplettes, délicates, aimant s’habiller de couleurs vives et occupant leur temps par le jeu et d’autres activités paisibles. Chacun se nourrit en cueillant aux arbres de quoi apaiser sa faim. Les Éloïs ne connaissent pas la politique ni même la cellule familiale et ne se rassemblent que pour dormir ou se nourrir dans de magnifiques constructions en ruine.

Mais ils ne vivent pas dans un bonheur parfait. Une peur de l’obscurité gâche leur tranquillité. L’explorateur découvre ce qui les terrorise : d’autres descendants des hommes, les Morlocks, vivent sous terre. Ce sont des hommes tout blanc et aux yeux rouges, incapables de supporter la lumière. La nuit, ils montent à la surface de la terre et enlève des Éloïs afin de s’en nourrir. Auparavant, les Éloïs étaient les maitres et les Morlocks leurs esclaves. Mais les Morlocks, qui ressemblent davantage aux hommes, sont plus violents et plus malins.

L’explorateur doit affronter les Morlocks et descendre sous terre afin de regagner sa machine et rentrer chez lui. Il parvient à les éloigner en grattant des allumettes et la flamme les fait reculer. Il peut ainsi les voir et il trouve leur physique répugnant.

La machine l’emmène à quelques millénaires de là : la Terre est couverte de glaces et plus aucune vie ne subsiste.

Après avoir terminé son récit, l’explorateur part pour un nouveau voyage temporel et ne revient jamais.

Citation

« Je crois qu’aucun de nous ne crut alors à la machine. Le fait est que notre ami était un de ces hommes qui sont trop intelligents, trop habiles ou trop adroits pour qu’on les croie ; on avait avec lui l’impression qu’on ne le voyait jamais en entier ; on suspectait toujours quelque subtile réserve, quelque ingénuité en embuscade, derrière sa lucide franchise. »
« Je m’attristais à mesurer en pensée la brièveté du rêve de l’intelligence humaine. Elle s’était suicidée ; elle s’était fermement mise en route vers le confort et le bien-être, vers une société équilibrée, avec sécurité et stabilité comme mots d’ordre ; elle avait atteint son but, pour en arriver finalement à cela. Un jour, la vie et la propriété avaient dû atteindre une sureté presque absolue. Le riche avait été assuré de son opulence et de son bien-être ; le travailleur, de sa vie et de son travail. Sans doute, dans ce monde parfait, il n’y avait eu aucun problème inutile, aucune question qui n’eût été résolue. Et une grande quiétude s’était ensuivie. »
« Je songeai à la délicatesse physique de ces gens, à leur manque d’intelligence, à ces ruines énormes et nombreuses, et cela confirma mon opinion d’une conquête parfaite de la nature. Car après la lutte vient la quiétude. L’humanité avait été forte, énergique et intelligente et avait employé toute son abondante vitalité à transformer les conditions dans lesquelles elle vivait. Et maintenant les conditions nouvelles réagissaient à leur tour sur l’humanité. »
« Lui, je le sais – car la question avait été débattue entre nous longtemps avant qu’il inventât sa Machine –, avait des idées décourageantes sur le progrès de l’Humanité, et il ne voyait dans les successives transformations de la civilisation qu’un entassement absurde destiné, à la fin, à retomber et à détruire ceux qui l’avaient construite. »