En 1659, bien avant Le médecin malgré lui et Le Malade imaginaire, le jeune Molière monte Le Médecin volant, pièce en un acte qui met en scène un faux médecin et une jeune fille qui joue les malades. Dans la tradition de la farce et de la commedia dell’arte, qui avaient déjà fait la satire des médecins, Molière compose une pièce qui annonce ses prochaines comédies : des jeunes gens qui s’aiment, un père égoïste et avare qui refuse leur mariage, un valet débrouillard qui ne manque pas d’imagination, des jeux de scène qui sont parfois de vraies acrobaties, une touche de satire…
Lucile : Lucile est amoureuse de Valère, mais son père veut la marier à Villebrequin. Valère : Valère est amoureux de Lucile. Gorgibus : Gorgibus est le père de Lucile. Il veut que sa fille épouse Villebrequin. Sganarelle : Sganarelle est le valet de Valère : il joue le rôle du faux médecin. Sabine : Sabine est la cousine de Lucile. Villebrequin : Vieil homme qui doit épouser Lucile. Gros-René : Gros-René est le valet de Gorgibus.
Le père s’opposant au mariage de sa fille : De nombreuses comédies de Molière déclinent le thème du père s’opposant au mariage de sa fille. Et comme ici, c’est souvent un valet qui réussit, par la ruse, à rendre ce mariage possible. Dans cette pièce, le dénouement est heureux, ce qui n’est pas toujours le cas, puisque Gorgibus finit par autoriser le mariage de Lucile et Valère. Le valet rusé : C’est un personnage de valet, Sganarelle, qui tient le premier rôle. Il se distingue par sa ruse : il parvient à se faire passer pour un médecin auprès de Gorgibus et, au moment où il manque d’être démasqué, réussit même à lui faire croire qu’il a un frère jumeau, jouant alors deux rôles à la fois. Gros-René, lui aussi valet, mais au rôle secondaire, se montre lui aussi plus malin que son maître Gorgibus : il comprend dès le début de la pièce que Lucile cherche à échapper au mariage voulu par son père et c’est lui qui démasquera Sganarelle. La satire : « Castigat ridendo mores » (« Elle corrige les mœurs par le rire »), demandait déjà la comédie latine. Chez Molière, la satire a une portée sociale : ici elle se moque des barbons avares et stupides. Mais elle est avant tout mise au service du comique. La médecine: Les médecins et leur science sont souvent l’objet de la satire de Molière. Il se moque de leur manque d’efficacité et de leur prétention à travers le personnage de Sganarelle : ce faux médecin se donne l’air savant en parlant latin et en enchaînant les phrases compliquées, et il invente de curieuses méthodes pour soigner Lucile.
Lucile et Valère s’aiment, mais le père de la jeune fille veut la marier au vieux Villebrequin. Elle décide de jouer la malade afin de différer la noce. Valère confie le rôle du médecin à son valet Sganarelle : il doit conseiller à Gorgibus de mettre sa fille au repos à la campagne, où les deux amants pourront se voir en toute discrétion. La véritable identité de Sganarelle finit par être découverte. Les deux jeunes gens demandent pardon à Gorgibus qui les autorise finalement à se marier.
Exposition (scènes I à III)
Exposition (scènes I à III)
Afin de repousser son mariage avec Villebrequin, voulu par son père, Lucile a imaginé un stratagème. Sabine, sa cousine, l’expose à Valère, l’amant de Lucile : la jeune fille va faire semblant d’être malade et un faux médecin lui prescrira du repos à la campagne, là où son amant pourra la rejoindre discrètement. Valère demande à son valet Sganarelle de jouer le faux médecin auprès de Lucile.
Péripéties (scènes IV à XV)
Péripéties (scènes IV à XV)
Comme prévu dans le plan des deux cousines, Sganarelle se fait passer pour un médecin et demande à Gorgibus, le père de Lucile, de mettre sa fille au repos à la campagne. Surpris par Gorgibus sans sa robe de médecin, le valet fait croire qu’il est Narcisse, le jumeau du médecin. Pour sauver son mensonge, il joue les deux personnages et, forcé de faire quelques allers-retours par la fenêtre, il devient le « médecin volant ».
Dénouement (fin scène XV et scène XVI)
Dénouement (fin scène XV et scène XVI)
Gros-René découvre la fourberie de Sganarelle, qui avoue la vérité. Gorgibus menace de pendre le faux médecin. Valère et Lucile demandent alors pardon au père de la jeune fille, qui leur pardonne ainsi qu’à Sganarelle et autorise les deux jeunes gens à se marier.
« GROS-RENÉ :
Que diable aussi ! pourquoi vouloir donner votre fille à un vieillard ? Croyez-vous que ce ne soit pas le désir qu’elle a d’avoir un jeune homme qui la travaille ? »
Scène III
« SABINE :
Hé ! ce n’est pas lui qui est malade, c’est sa fille.
SGANARELLE :
Il n’importe : le sang du père et de la fille ne sont qu’une même chose ; et par l’altération de celui du père, je puis connaître la maladie de la fille. »
Scène IV
« SGANARELLE :
Voilà de l’urine qui marque grande chaleur, grande inflammation dans les intestins : elle n’est pas tant mauvaise pourtant.
GORGIBUS :
Hé quoi ? Monsieur, vous l’avalez ?
SGANARELLE :
Ne vous étonnez pas de cela ; les médecins, d’ordinaire, se contentent de la regarder ; mais moi, qui suis un médecin hors du commun, je l’avale, parce qu’avec le goût, je discerne bien mieux la cause et les suites de la maladie. »
Scène IV
« SGANARELLE :
Quoi ? Monsieur Gorgibus, votre fille ne pisse que des gouttes ? Voilà une pauvre pisseuse que votre fille ; je vois bien qu’il faudra que je lui ordonne une potion pissative. »
Scène IV
« SGANARELLE :
Y a-t-il ici quelqu’un qui sache écrire ?
GORGIBUS :
Est-ce que vous ne le savez point ?
SGANARELLE :
Ah ! je ne m’en souvenais pas ; j’ai tant d’affaires dans la tête, que j’oublie la moitié… »
Scène V