Diderot a écrit Le Neveu de Rameau, récit dialogué philosophique, entre 1761 et 1772 (la date exacte reste floue). Le sous-titre est « satire seconde ». Il ne sera pas publié de son vivant (Diderot est mort en 1794).
En effet, la première édition française de 1821 n’est pas la version originale de Diderot, mais une traduction de la traduction allemande de Goethe réalisée en 1805. Le manuscrit français fut finalement retrouvé et publié un siècle plus tard.
Diderot a en fait caché cette œuvre, soit par désir de discrétion pour éviter la prison, soit parce qu’il souhaitait que son œuvre soit publiée uniquement après sa mort.
Un philosophe : Le personnage qui s’exprime (« moi ») est souvent appelé « monsieur le philosophe ». Jean-François Rameau : Désigné par « lui », c’est le neveu du musicien et théoricien de la musique de Jean-Philippe Rameau. Il incarne la folie et la déraison. Il se décrit même à un moment du dialogue comme « un ignorant, un sot, un fou, un impertinent, un paresseux, ce que nos Bourguignons appellent un fieffé truand, un escroc, un gourmand… »
Discontinuité : Le lecteur peut avoir le sentiment que la conversation est décousue. Pourtant, il existe bien un fil conducteur : les malheurs du neveu de Rameau. Et cela amène les deux hommes à réfléchir sur des thèmes essentiels. Valeurs morales : L’éducation des filles, la morale, la place de l’homme de génie dans la société, et le bonheur sont des thèmes abordés tout au long de l’œuvre. « Lui » prône le vol, le crime, l’or, tandis que « moi » a un rôle plus didactique : il défend la vertu et l’honnêteté. Diderot, avec ces deux personnages, propose de réfléchir sur la vie et la morale. Il s’interroge sur le rôle et les pouvoirs du philosophe.
Le philosophe (« moi ») rencontre le neveu du compositeur Rameau (« lui ») dans un café du Palais-Royal où il aime errer pour observer les joueurs d’échec et les marginaux.
Il fait la connaissance d’un original, le neveu de Rameau, le célèbre compositeur. C’est un artiste philosophe, original et cynique. Une longue conversation débute entre les deux hommes.
Ils commentent tout d’abord le jeu des joueurs d’échecs, puis parlent du génie : « Un sot sera plus souvent un méchant qu’un homme d’esprit ». Pour le neveu de Rameau, le génie est une source de bienfaisance et de progrès pour la société entière, mais une malédiction pour le génie. Le philosophe est d’accord.
Le neveu débute un air de musique en s’imaginant être un célèbre musicien. Ensuite, sorti de ses rêveries, il raconte au philosophe une anecdote qui lui est arrivé chez la comédienne Mlle Hus. Les deux hommes débattent alors de la dignité de l’homme, de la flatterie et de la difficulté d’être pauvre dans la société.
Ensuite, le neveu interroge le philosophe sur l’éducation des filles. Ce dernier souhaite préparer l’enfant à devenir un être de raison, mais le neveu n’est pas d’accord. Pour lui, l’essentiel est de savoir plaire et non de savoir raisonner : « Et laissez-la déraisonner, tant qu’elle voudra. Pourvu qu’elle soit jolie, amusante et coquette. »
De plus, le riche est estimé alors que le vertueux n’est jamais riche. Le philosophe est choqué.
Pour le neveu, l’hypocrisie est partout dans la société et voler aux riches pour redonner aux pauvres est inévitable : « Suffit que si je deviens jamais riche, il faudra bien que je restitue, et que je suis bien résolu à restituer de toutes les manières possibles, par la table, par le jeu, par le vin, par les femmes ». Le philosophe a une vision moraliste du monde : vivre honnêtement dans le plaisir du devoir accompli. « Lui : Mais à votre compte, il faudrait donc être d’honnêtes gens ? Moi : Pour être heureux ? Assurément. »
Le neveu rejette la conception manichéenne des individus et de l’existence.
Après quelques désaccords, les deux hommes débattent sur la musique. Pour le neveu, la musique doit exprimer l’intensité de la passion. Le philosophe pointe du doigt la contradiction : le neveu sublime la musique, mais ne sait pas apprécier sa beauté morale.
Ce dernier acquiesce. Il explique qu’il éduque son fils dans le respect de l’argent, source de bonheur et de plaisir.
Le philosophe conclut sur le fait que le neveu est un homme comme les autres, car il a les mêmes vertus et les mêmes vices que tout le monde, mais que la seule différence est sa franchise. Le neveu admet que c’est sa nature et qu’il ne peut pas aller contre. Le philosophe trouve tout de même regrettable que le neveu n’ait pas envie de changer.
« Lui : Mes pensées, ce sont mes catins. »« Lui : Je m’entretiens avec moi-même de politique, d’amour, de goût ou de philosophie. J’abandonne mon esprit à tout son libertinage. Je le laisse maître de suivre la première idée sage ou folle qui se présente. »« Lui : On avale à pleine gorgée le mensonge qui nous flatte ; et l’on boit goutte à goutte une vérité qui nous est amère. »« Lui : Je vois une infinité d’honnêtes gens qui ne sont pas heureux ; et une infinité de gens qui sont heureux sans être honnêtes. »