Fiche de lecture
Le Roman de la Rose, Guillaume de Lorris et Jean de Meung
Contexte

La date d'écriture de ce récit poétique n'est pas certaine, mais on la situe vers la fin du règne de Louis IX. Il s'agit d'un long poème de presque 22 000 vers écrit par Guillaume de Lorris, probablement entre 1230 et 1235, qui en rédigea environ 4 000, puis complété quarante ans plus tard par Jean de Meung qui en écrivit la plus grande partie. Les deux sections sont donc de tailles inégales, mais également de propos et de tonalités très différentes.

On a retrouvé plus de 300 manuscrits de ce Roman, attestant de la très grande popularité dont a dû jouir le texte à une époque qui ne connaissait pas l'imprimerie. Son influence sur la littérature courtoise est certaine, mais il a également marqué les esprits par son contenu intellectuel, et notamment sa conception des femmes et de la religion.

Thèmes

L’amour : Le Roman de la Rose est avant tout un poème sur l’amour. La première partie reprend et renouvelle la conception de l’amour courtois : un jeune homme tombe amoureux d’une femme, cherche son amour, traverse pour cela une série d’épreuves, puis il est éloignée de l’objet de son amour. Ce récit, qui reprend le schéma idéalisé de l’amour courtois, est écrit avec une grande richesse allégorique qui propose de nouvelles images comme celle de la fontaine d’amour qui sera souvent reprise par la suite. Le recours à l’allégorie permet de raconter non pas une histoire singulière, celle d’un individu, mais de tenir un discours sur l’amour de manière générale.
La critique cynique de l’amour : La seconde partie semble contredire entièrement la première. Alors que Guillaume de Lorris présente une vision idéalisée de l’amour et un art d’aimer inspiré d’Ovide, dans un récit à la première personne du singulier, Jean de Meung expose un débat intellectuel qui construit une conception cynique et critique des sentiments amoureux. Mais en faisant pendant à la conception courtoise de l’amour, Jean de Meung poursuit malgré tout le lien que trace la Renaissance entre la littérature et le thème amoureux. Dans les deux cas, il s’agit bien de faire de l’amour un objet littéraire et poétique.
L’éloge de la liberté : Au-delà de la critique sociale, très antireligieuse et antiféministe, l’intérêt de la seconde partie est également de faire un éloge de la liberté humaine : c’est par l’entendement et la raison que l’être humain se distingue, et non par la soumission et l’obéissance aux lois.

Résumé

Première partie – Guillaume de Lorris

Dans un préambule, le narrateur explique qu’il va raconter un rêve qu’il a fait cinq ans auparavant et qui est devenu vrai.

Le récit se déroule dans un jardin clos où évoluent des personnages allégoriques : Amour, ainsi que certains vices et défauts. Le narrateur tombe amoureux d’une rose, décrite comme la plus belle perfection terrestre. La femme idéale est comme cette rose, mais sa quête reste vaine : ce rêve n’était qu’un mensonge qu’on ne peut réaliser.

L’amant est chassé hors des portes du jardin par d’autres personnages allégoriques : la Jalousie, le Danger, la Honte.

Deuxième partie – Jean de Meung

Jean de Meung a prolongé le texte de Guillaume de Lorris et transforme cette poésie allégorique en poème philosophique.

Le ton de cette partie est celui d’une satire plutôt qu’une description idéalisée de l’amour. On y entend une vieille femme parler avec cynisme de la jalousie des hommes et de la façon dont les femmes peuvent en profiter. Les femmes sont décrites de façon très critique, comme des rusées cherchant à manipuler les hommes.

Dépassant le seul sujet de l’amour, Jean de Meung fait également une description ironique des ordres monastiques, insistant sur l’hypocrisie des religieux.

Citation

« Je rêvais que c’était en mai – cela se passait il y a bien cinq ans ou plus – mon songe me plaçait au mois de mai, au temps des amours, plein de joie, au temps où toute chose se réjouit, car on ne voit buisson ou haie qui au mois de mai ne se veuille parer et se couvrir de feuilles nouvelles. Les bois, qui sont secs tant que dure l’hiver, retrouvent leur verdure. La terre elle-même est toute orgueilleuse, parce que la rosée la mouille, et elle oublie l’indigence qu’elle a connue tout l’hiver. C’est alors que la terre se fait faire si fière qu’elle veut avoir une nouvelle robe et elle s’en fait faire une si gracieuse que, de couleurs, il y en a des centaines : des herbes et des fleurs, blanches et bleues, et de bien d’autres couleurs variées, voilà la robe que je décris, et qui fait que la terre a plus haute opinion d’elle-même. »
« Mais celui qui veut se mettre en peine d’amour, il doit se conduire avec élégance. Un homme qui cherche à obtenir l’amour n’a aucune valeur sans élégance. Élégance n’est pas orgueil. »
« Un grand bien ne vient pas en peu de temps, il lui faut peine et patience. Attends et supporte l’angoisse qui en ce moment te pousse et te blesse, car je sais bien par quelle position tu seras conduit à la guérison. »
« Mais la fontaine que je vous décris, c’est une fontaine belle autant qu’on le souhaite. Dressez un peu les oreilles maintenant et vous m’en entendrez dire des merveilles. »