Le Roman expérimental regroupe des articles publiés en revues littéraires et dans lesquels Zola exprime sa conception du roman, ou plus exactement de ce qu’il nomme ici « roman expérimental ». On peut y lire une réflexion et une théorisation sur ce qu’est le naturalisme dans lequel Zola voit une méthode plutôt qu’un courant ou une école littéraires. Le Roman expérimental prend donc la forme d’un manifeste qui témoigne de la modernité du travail de Zola.
Le rejet du romantisme : Zola insiste ainsi sur le rejet du romantisme, qui est dénoncé comme illusoire et éloigné de la réalité. L’objectivité : Zola croit, au contraire, à l’importance de l’objectivité du romancier, qui ne travaille pas à partir de sa propre subjectivité mais en se confrontant aux faits. Le déterminisme social : Enfin, Zola témoigne d’une croyance très forte en l’existence de déterminismes sociaux, qui pour lui sont les principaux facteurs expliquant le cheminement d’un individu ; pour cette raison, le roman doit s’attacher à les décortiquer et à les mettre en évidence. La croyance en la science : Cette façon de voir la science de manière uniquement positive ne peut se comprendre qu’en se replaçant dans cette époque et semble aujourd’hui très naïve. Zola lui-même critiquera plus tard sa croyance inébranlable en la science.
Mais il s’agit aussi d’une croyance envers le roman et l’art, et plus encore d’un espoir même : Zola a la volonté non seulement de décrire le réel mais aussi de le changer.
Zola explique ici qu’il veut appliquer au roman la méthode que Claude Bernard a théorisé en médecine : il s’agit d’expérimenter et de réfléchir en termes de milieu et d’hérédité. Une fois les personnages construits, il faut donc les mettre à l’épreuve de leur milieu.
Zola s’intéresse aussi à l’actualité artistique de son époque et dans l’article « Lettre à la jeunesse », il commente une représentation de Ruy Blas à la Comédie-Française. À cette occasion, il critique la méthode et l’univers romantiques et idéalistes pour leur opposer et leur préférer la méthode de Claude Bernard. Cette méthode, une fois appliquée à la littérature, correspond à ce que Zola appelle le naturalisme et dans lequel il voit une « formule de la science moderne appliquée à la littérature ».
S’interrogeant au sujet de l’histoire du naturalisme, Zola en trouve l’origine dans les figures de Diderot, Balzac et Stendhal. Il regrette également l’absence d’un théâtre naturaliste.
Puis, Zola cherche à faire la sociologie des écrivains dans l’histoire. Par le passé, les auteurs dépendaient de protecteurs, alors qu’ils peuvent aujourd’hui gagner leur vie et leur autonomie par leur plume.
Zola s’intéresse également aux écrivains de son époque, et notamment à la jeune génération, ainsi qu’aux critiques.
Enfin, Zola étend sa réflexion sur le roman du domaine purement esthétique à celui de la politique. Il se montre ici fervent défenseur d’un État républicain.
« Le naturalisme, c’est le retour à la nature, c’est cette opération que les savants ont faite le jour où ils se sont avisés de partir de l’étude des corps et des phénomènes, de se baser sur l’expérience, de procéder par l’analyse. Le naturalisme, dans les lettres, c’est également le retour à la nature et à l’homme, l’observation directe, l’anatomie exacte, l’acceptation et la peinture de ce qui est. »« Le romancier naturaliste affecte de disparaître complètement derrière l’action qu’il raconte. Il est le metteur en scène caché du drame. Jamais il ne se montre au bout d’une phrase. »« Le charme de M. Alphonse Daudet, ce charme profond qui lui a valu une si haute place dans notre littérature contemporaine, vient de la saveur originale qu’il donne au moindre bout de phrase. Il ne peut conter un fait, présenter un personnage sans se mettre tout entier dans ce fait ou dans ce personnage, avec la vivacité de son ironie, la douceur de sa tendresse. On reconnaîtrait une page de lui entre cent autres, parce que ses pages ont une vie à elles. C’est un enchanteur, un de ces conteurs méridionaux qui jouent ce qu’ils content, avec des gestes qui créent et une voix qui évoque. Tout s’anime sous leurs mains ouvertes, tout prend une couleur, une odeur, un son. Ils pleurent et ils rient avec leurs héros, ils le tutoient, les rendent si réels, qu’on les voit debout, tant qu’ils parlent. Comment voulez-vous que de pareils livres n’émotionnent pas le public ? Ils sont vivants. »« Et j’arrive ainsi au gros reproche dont on croit accabler les romanciers naturalistes en les traitant de fatalistes. Que de fois on a voulu nous prouver que, du moment où nous n’acceptions pas le libre arbitre, du moment où l’homme n’était plus pour nous qu’une machine animale agissant sous l’influence de l’hérédité et des milieux, nous tombions à un fatalisme grossier, nous ravalions l’humanité au rang d’un troupeau marchant sous le bâton de la destinée ! Il faut préciser : nous ne sommes pas fatalistes, nous sommes déterministes, ce qui n’est point la même chose. »