Paru deux ans avant qu’Hemingway ne reçoive le prix Nobel de littérature, Le Vieil homme et la mer est le dernier roman qu’il publie de son vivant. Ce court roman écrit à Cuba est un bon exemple du style concis de l’auteur. Par sa forme, sa brièveté et la simplicité même de son intrigue, le roman s’apparente à une fable moderne mettant en scène le combat de l’homme contre la nature. Pour ce roman, Hemingway s’inspire de sa propre expérience de passionné de pêche et de ses années passées à Cuba. Le roman connaît un succès retentissant après un long passage à vide dans la carrière de l’écrivain : en effet, son roman précédent, Au-delà du fleuve et sous les arbres, paru en 1950 après dix ans de silence, est jugé comme très décevant, très loin de la précision du style des premières œuvres. Cependant, en dépit du succès du Vieil homme et la mer, la critique demeure partagée : certains y voient une œuvre pauvre et triviale, d’autres en admirent la sobriété et le symbolisme, et la classent parmi les grands classiques du genre, aux côtés de Moby Dick d’Herman Melville.
Santiago (le vieil homme) : Très rarement appelé par son prénom, ce personnage est peu caractérisé. Il pourrait être l’archétype du héros dans l’œuvre d’Hemingway : il ne s’avoue jamais vaincu, car, « un homme, ça peut être détruit, mais pas vaincu ». Après 84 jours sans avoir attrapé un seul poisson, le vieil homme refuse de renoncer, et tout au long du récit, il n’abandonne jamais la lutte. Manolin (le gamin) : Comme le vieil homme, le « gamin » est peu caractérisé. Il semble symboliser la jeunesse, par opposition à la vieillesse. Il représente la force, mais aussi l’espoir et la chance (au contraire de Santiago, Manolin fait de bonnes prises à chaque sortie en mer. « T’es sur un bateau qu’à de la veine. Faut y rester. » dit le vieil homme au gamin. Le gamin est lié à Santiago par une relation d’admiration et d’amitié.
Héroïsme : Par sa détermination et son courage, Santiago apparaît comme un héros intemporel, l’incarnation du combat entre l’homme et la nature. Bien que l’histoire racontée brille par sa simplicité, elle revêt néanmoins un aspect épique dans la lutte à mort, au grand large, entre le pêcheur et le marlin, puis avec les requins. Nature : Dans le roman, la nature apparaît comme cruelle, mais aussi source de vie. Mais elle est également vue avec respect. Santiago a conscience de la loi implacable qui la régit : il faut manger ou être mangé. L’homme n’est qu’une créature vivante parmi les autres, et doit lutter pour sa survie au même titre que les autres animaux.
Le roman se déroule sur la durée de quelques jours, et raconte une sortie en mer de Santiago, durant laquelle il attrapera son premier poisson depuis 84 jours. Le poisson en question est un très gros marlin (une espèce comparable à l’espadon) qui donnera bien du fil à retordre à Santiago.
Dans les premières pages du livre, on assiste à un dialogue entre Santiago et Manolin, durant lequel on apprend que le petit garçon n’est plus autorisé par ses parents à pêcher avec Santiago à cause de sa malchance. Les deux amis le regrettent, et Manolin fait de son mieux pour prendre soin du vieillard qui vit dans une grande pauvreté. Il lui apporte à manger et les deux amis évoquent leur passion commune, le base-ball.
Le lendemain, Santiago prend la mer avant l’aube, une nouvelle fois dans l’espoir de faire une grosse prise. Un marlin finit par mordre à l’hameçon, mais entraîne la barque de Santiago dans son sillage. Le vieil homme place la ligne dans son dos pour supporter la tension, et ainsi commence la lutte entre l’homme et l’animal. Durant deux jours et deux nuits, Santiago laisse le marlin l’emmener au grand large. Durant ce temps, il pense souvent à Manolin : « Si seulement le gamin était là », pense-t-il à de nombreuses reprises. En dépit de la fatigue et des coupures sur ses mains, Santiago éprouve une grande empathie et un grand respect pour l’animal, qu’il voit comme un « frère ».
Le troisième jour, le poisson s’approche suffisamment pour que Santiago puisse le harponner. En dépit de la fatigue et du manque de sommeil, le vieux pêcheur vient à bout du puissant marlin. Comme le poisson est trop gros pour le hisser sur sa barque, Santiago l’attache à son embarcation et se prépare à rentrer chez lui. Cependant, sur le trajet du retour, le marlin attire l’attention d’un requin mako, puis d’autres espèces de requins. Santiago livre alors une nouvelle bataille désespérée, et même s’il parvient à tuer plusieurs animaux, lorsqu’il arrive enfin au port, le marlin a été entièrement dévoré, ne laissant que le squelette, la tête et la queue. Épuisé, Santiago rentre chez lui en se reprochant d’être allé trop loin.
Le lendemain, le village découvre, stupéfait, la carcasse du poisson. Manolin se rend aussitôt chez le vieil homme, et lui apporte le journal et le café. Puis, les deux amis décident de pêcher à nouveau ensemble, et le vieil homme se rendort, rêvant à nouveaux des lions qu’il a vus dans sa jeunesse sur le littoral africain.
« Il avait choisi de rester dans les eaux profondes, dans le noir, loin des hameçons, loin des traîtres. Et puis voilà que moi j’ai choisi d’aller le chercher tout là-bas dans le fond, plus loin que tous les autres. Plus loin que tous les poissons du monde. Maintenant lui et moi on est uni. Depuis le milieu du jour on est accroché ensemble. Et personne peut nous aider, ni lui, ni moi. »« ‟Faut bien dire que c’est pas juste, pensa-t-il. Mais je lui ferai voir tout ce qu’un homme peut faire, et tout ce qu’un homme peut supporter. J’ai dit au gamin que j’étais un drôle de bonhomme, dit-il. C’est le moment ou jamais de le prouver.” Qu’il l’eût déjà prouvé mille fois fois, cela ne signifiait rien. Il fallait le prouver encore. Chaque aventure était nouvelle. Dans l’action le vieux ne pensait jamais au passé. »« Tu veux ma mort, poisson, pensa le vieux. C’est ton droit. Camarade, j’ai jamais rien vu de plus grand, ni de plus noble, ni de plus calme, ni de plus beau que toi. Allez, vas-y, tue-moi. Ça m’est égal lequel de nous deux tue l’autre. »« C’est pas parce que tu crevais de faim que tu l’as tué ce poisson-là, se dit-il. Ni pour le vendre. Tu l’as tué par orgueil. Tu l’as tué parce que t’es né pêcheur. Ce poisson-là tu l’aimais quand il était en vie, et tu l’as aimé aussi après. Si tu l’aimes, c’est pas un péché de l’avoir tué. Ou c’est-y encore plus mal ? »