Ce livre, composé de trois volumes, remporte un grand succès lors de sa parution. Hannah Arendt entreprend de rechercher les caractéristiques du totalitarisme ainsi que sa genèse. Si elle montre les traits communs au fascisme et au système stalinien, elle en souligne également les différences. C’est son troisième volume, « Le système totalitaire », qui est le plus commenté, mais il est préparé par les deux premiers : « Sur l’antisémitisme » et « L’impérialisme ».
Hannah Arendt voit dans la forme moderne de l’antisémitisme une des racines du totalitarisme. Pour elle, l’antisémitisme traduit la volonté qu’a le peuple de se rassembler derrière des idéologies fortes. Ce désir de puissance se manifeste également dans la politique impérialiste. Ces deux phénomènes, antisémitisme et impérialisme, sont les symptômes d’une crise du modèle de l’État-nation. Ils montrent également la montée du racisme en Europe, avant même le nazisme.
Dans ce contexte, la première caractéristique du totalitarisme est qu’il correspond à l’irruption des masses sur la scène historique, ou plus exactement de ce qu’Arendt appelle la « populace ». La crise des élites, le ressentiment à l’égard de la civilisation, le modèle forgé par les conquêtes coloniales et les guerres conduisent à l’alliance de la populace et de l’élite, caractéristique des totalitarismes. L’objectif final de ces mouvements est de transformer la nature humaine, ce qui se manifeste par le fanatisme des foules embrigadées.
Politiquement, le totalitarisme vise une accumulation de pouvoir illimitée : élimination de l’opposition et parti unique entraînent un déchaînement de la terreur, affranchie de toutes règles. Le régime totalitaire se distingue des régimes tyranniques classiques en ce qu’il est prêt à éliminer également les hommes qui ne s’opposent pas à lui. L’État totalitaire présente une forme radicalement nouvelle, qui fait éclater l’opposition entre régime sans loi et régime soumis à la loi : s’il ne respecte pas les lois positives, y compris celles qu’il a édicté, il prétend souvent suivre les lois de la nature ou de l’Histoire. En cela, il relève du scientisme. La terreur totalitaire atteint son apogée lorsque les individus sont isolés et coupés de toute vie politique. Le totalitarisme a alors réussi son entreprise de destruction du corps politique et de l’État-nation.
« La lutte pour la domination totale de toute la population terrestre, l’élimination de toute réalité non totalitaire rivale, est inhérente aux régimes totalitaires eux-mêmes : s’ils ne s’assignent pas pour but ultime le gouvernement de l’univers, c’est qu’ils sont déjà bien près de perdre tout le pouvoir dont ils ont déjà bien pu s’emparer. »