Les Lettres persanes sont publiées en 1721 à Amsterdam, sous couvert d’anonymat. Montesquieu est alors un magistrat de province, issu de la noblesse de robe. En faisant paraître son œuvre anonymement, il cherche à éviter la censure, très présente dans les milieux littéraires.
Le roman prend la forme d’un roman épistolaire, une forme peu connue à l’époque, qui sera très appréciée. Rousseau l’utilisera notamment pour La Nouvelle Héloïse en 1761. Son ouvrage se démarque également par la pluralité des correspondants et des styles employés : portraits, satires et réflexions philosophiques s’y côtoient.
Le roman connaît un succès immédiat. L’exotisme du livre, son intrigue parallèle dans le harem et sa joyeuse irrévérence expliquent cette réussite. Mais il ne s’agit pas d’une simple satire : Montesquieu y esquisse en effet les bases de la pensée qu’il développera notamment dans De l’Esprit des lois (1748).
Usbek : Usbek est l’un des personnages principaux du livre. C’est lui qui écrit le plus de lettres (83). Il s’agit d’un personnage réfléchi, souvent mélancolique. Rica : Rica, à l’origine de 46 lettres, est plus jeune qu’Usbek et possède un caractère beaucoup plus léger. Dépourvu d’attachement sentimental pour son pays natal, il se plaît en France et fait preuve de curiosité. Le premier eunuque : Ce personnage complexe, pris entre les caprices des femmes du harem et les ordres de son maître, apparaît plusieurs fois au cours du récit tandis que l’ambiance du sérail se dégrade en l’absence d’Usbek. Fatmé : Fatmé est l’une des favorites d’Usbek. Elle se distingue par sa sensualité et rédige des lettres enflammées à l’intention de son époux. Roxane : Personnalité passionnée et indépendante, Roxane se révolte contre la tyrannie exercée par Usbek. Insoumise, elle ira jusqu’au suicide pour se venger de son époux.
La politique : Les Lettres persanes sont l’occasion pour Montesquieu de réfléchir au système politique et de tenter de définir le meilleur régime possible. La religion : Passer par le regard de personnages musulmans sur la chrétienté permet à l’auteur de dénoncer les abus et les travers de l’Église. L’exotisme : À l’époque de la publication des Lettres persanes, la France s’intéresse de plus en plus à l’Orient. Montesquieu répond à cet attrait pour l’exotisme en mettant en avant des personnages et une société qui paraissaient étrangers aux lecteurs.
Les Lettres persanes sont composées de 161 lettres écrites par divers correspondants, dont les principaux sont Usbek et Rica, deux persans qui profitent d’un long séjour en France pour observer la société occidentale et la comparer avec la leur. Parallèlement aux réflexions des deux amis, une véritable intrigue romanesque parallèle se noue tandis que les femmes d’Usbek causent des troubles au sérail.
Lettres 1 à 23 : Voyage d’Ispahan à Paris
Lettres 1 à 23 : Voyage d’Ispahan à Paris
Durant ce chapitre, on apprend qu’Usbek s’exile parce qu’il a des ennemis dans son pays natal. Ses femmes se plaignent déjà de son absence. Usbek est déjà pris par le doute et demande de l’aide au mollak, Méhémet-Ali, qui incarne le rigorisme religieux. Le voyageur s’étonne de la liberté dont bénéficient les femmes en France.
Lettres 24 à 92 : Paris sous Louis XIV
Lettres 24 à 92 : Paris sous Louis XIV
Dans cette partie du livre, on trouve de nombreuses lettres de Rica, qui trouve les Français pressés, et pense qu’ils sont manipulés par le roi et le pape. Il décrit également les pièces auxquelles il a assisté au théâtre et à l’opéra, s’étonnant de ce qu’il voit. La religion est souvent évoquée. Usbek la trouve semblable à l’islam. À travers la confrontation des points de vue, de nombreux aspects de la société sont analysés.
Lettres 93 à 143 : La régence
Lettres 93 à 143 : La régence
La mort du roi est l’occasion pour Usbek de donner son avis sur la monarchie et sur le droit. Il critique la corruption dans le royaume, où le statut prime sur la vertu. Il compare différents systèmes de gouvernement, notamment celui des Anglais. Il évoque également les mœurs, le célibat des prêtres, et l’interdiction du divorce. Rica, qui évoque souvent des sujets plus légers, se contente quant à lui de s’amuser des changements de mode, de raconter quelques anecdotes et de s’étonner du comportement des gens autour de lui, et notamment des femmes.
Lettres 144 à 161 : Drame au sérail
Lettres 144 à 161 : Drame au sérail
L’un des eunuques écrit à Usbek pour l’informer du chaos qui règne au sérail. Usbek tente de rétablir l’ordre, et songe à rentrer chez lui. Les femmes se plaignent de leurs conditions de vie, et Roxane finit par tromper Usbek. Ayant pris du poison, elle lui écrit pour lui avouer son adultère et lui faire part de sa haine à son égard.
« […] j’ai ouï dire qu’en Espagne et en Portugal, il y a certains dervis qui n’entendent point raillerie, et qui font brûler un homme comme de la paille. Quand on tombe entre les mains de ces gens-là, heureux celui qui a toujours prié Dieu avec de petits grains de bois à la main, qui a porté sur lui deux morceaux de drap attachés à deux rubans, et qui a été quelquefois dans une province qu’on appelle la Galice ! »
Lettre 29« Je trouve les caprices de la mode, chez les Français, étonnants. Ils ont oublié comment ils étaient habillés cet été ; ils ignorent encore plus comment ils le seront cet hiver. Mais, surtout, on ne saurait croire combien il en coûte à un mari pour mettre sa femme à la mode. »
Lettre 99« Rien ne contribuait plus à l’attachement mutuel que la faculté du divorce : un mari et une femme étaient portés à soutenir patiemment les peines domestiques, sachant qu’ils étaient maîtres de les faire finir ; et ils gardaient souvent ce pouvoir en mains toute leur vie sans en user, par cette seule considération qu’ils étaient libres de le faire. »
Lettre 116« Il n’y a que deux sortes de guerres justes : les unes qui se font pour repousser un ennemi qui attaque ; les autres, pour secourir un allié qui est attaqué. »
Lettre 95