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Mémoires d’Hadrien est un roman historique en forme d’autobiographie fictive et épistolaire. Avec ce roman, Marguerite Yourcenar, qui vit alors aux États-Unis, connaît son premier grand succès. D’ailleurs, l’écrivaine sera élue à l’Académie française en 1980, notamment grâce au soutien de Jean d’Ormesson.
L’œuvre se présente sous la forme d’une longue lettre écrite au soir de sa vie par Hadrien à Marc Aurèle, son petit fils-fils adoptif et possible successeur. Au récit des événements de la vie d’Hadrien se succèdent des méditations sur les grands thèmes de l’existence comme l’amour, la mort, la guerre, la vieillesse…
Érudit, le roman retrace assez fidèlement la vie du véritable empereur Hadrien, connu pour son humanisme et sa politique pacifiste, tout en insérant des passages fictifs, notamment sur l’explication de la mort du compagnon d’Hadrien, Antinoüs.
Dans son « carnet de notes », Yourcenar évoque une citation de Flaubert comme origine de son livre :
« Retrouvé dans un volume de la correspondance de Flaubert, fort lu et fort souligné par moi vers 1927, la phrase inoubliable : “Les dieux n’étant plus, et le Christ n’étant pas encore, il y a eu, de Cicéron à Marc Aurèle, un moment unique où l’homme seul a été.” Une grande partie de ma vie allait se passer à essayer de définir, puis à peindre, cet homme seul et d’ailleurs relié à tout. »
C’est en effet en ce sens que le roman peut être qualifié d’humaniste : c’est bien l’homme qui est au cœur du récit et de la vision du monde. En utilisant les codes de l’autobiographie, le personnage d’Hadrien devient d’une certaine façon exemplaire, universel.
Hadrien : Narrateur du roman, il succède à Trajan à la tête de l’Empire romain. Il écrit ses mémoires à la fin de sa vie à l’intention de son petit-fils, et fait le bilan de sa vie et de ses actions. Passionné de culture grecque, c’est un pacifiste et un humaniste. Trajan : Juste avant sa mort, il adopte Hadrien pour qu’il puisse accéder au pouvoir. Hadrien a peu d’estime pour lui, le jugeant trop belliqueux. Plotine : Épouse de Trajan, elle restera une amie fidèle d’Hadrien durant toute sa vie. Antinoüs : Hadrien tombe très amoureux de ce jeune homme qui finira par se suicider par amour, croyant accomplir un noble sacrifice.
L’amour : Au centre de la vie d’Hadrien, l’amour qu’il porte à Antinoüs est d’abord source de bonheur, puis de tourment. Il s’agit peut-être du seul excès auquel l’empereur, d’un caractère égal par ailleurs, s’abandonne. À la mort d’Antinoüs, il crée même un culte autour de sa personne, et fonde une ville en son honneur. Le suicide : Ce thème est évoqué à plusieurs reprises au cours du roman. Dans une perspective stoïque, Hadrien le juge parfaitement acceptable. « Rien ne semblait plus simple : un homme a le droit de décider à partir de quel moment sa vie cesse d’être utile » (sixième partie). Cependant, il est aussi tragique quand Hadrien s’en sent responsable, notamment dans le cas d’Antinoüs, et il devient une impossibilité à la fin de sa propre vie, où il se voit contraint d’apprendre la patience. L’humanisme : Tout au long de sa vie, l’empereur s’efforce de gouverner avec équité. Sa compréhension de l’âme humaine lui donne une sagesse qui l’empêche de devenir colérique ou tyrannique. S’il lui arrive de se considérer comme un dieu, c’est surtout dans sa fonction d’empereur, et non dans son statut en tant qu’être humain.
L’œuvre se divise en six parties, dont chacune porte un intitulé latin. Hadrien y fait le bilan de sa vie depuis ses années de formation jusqu’à la vieillesse et l’approche de la mort. Le récit des événements de sa vie est émaillé de réflexions philosophiques venant enrichir le propos.
Première partie : Animula vagula blandula
Première partie : Animula vagula blandula
Le titre signifie « Âmelette, vaguelette, calinette ». Dans cette partie, Hadrien évoque les différents aspects de la vieillesse, tandis que son corps le trahit peu à peu. Une sensation de perte et de mélancolie domine cette partie : « Déjà, certaines portions de ma vie ressemblent aux salles dégarnies d’un palais trop vaste, qu’un propriétaire appauvri renonce à occuper tout entier. »
Le narrateur évoque également son mode de vie, juste équilibre entre l’excès et l’ascétisme, et le thème de l’amour, qui demeure un mystère et un objet de fascination pour l’empereur : « Et j’avoue que la raison reste confondue en présence du prodige même de l’amour, de l’étrange obsession qui fait que cette même chair dont nous nous soucions si peu quand elle compose notre propre corps […], puisse nous inspirer une telle passion de caresses simplement parce qu’elle est animée par une individualité différente de la nôtre, et parce qu’elle présente certains linéaments de beauté, sur lesquels, d’ailleurs, les meilleurs juges ne s’accordent pas. »
Ensuite, Hadrien examine sa propre fiabilité en tant que narrateur autobiographe : comment être juste et exhaustif quand on parle de soi ? « Comme tout le monde, je n’ai à mon service que trois moyens d’évaluer l’existence humaine : l’étude de soi, la plus difficile et la plus dangereuse, mais aussi la plus féconde des méthodes ; l’observation des hommes, qui s’arrangent le plus souvent pour nous cacher leurs secrets ou pour nous faire croire qu’ils en ont ; les livres, avec les erreurs particulières de perspective qui naissent entre leurs lignes. »
Deuxième partie : Varius multiplex multiformis
Deuxième partie : Varius multiplex multiformis
Le titre, « Varié, complexe, changeant » illustre bien le parcours d’Hadrien alors qu’il devient adulte, découvrant la complexité du monde et de l’Homme. Dans cette partie, Hadrien évoque sa formation en tant que juge à Rome, puis les années en tant que soldat jusqu’à la mort de Trajan, auquel il succède. Un certain mysticisme apparaît dans ces pages, où le narrateur décrit son amour pour les terres « barbares ». Sa curiosité naturelle le pousse à vouloir découvrir plus avant ces territoires, si différents de Rome.
Juste avant la mort de Trajan, alors qu’Hadrien est fonctionnaire en Syrie, de nombreuses révoltes éclatent dans l’Empire. Hadrien a alors près de quarante ans, il sait qu’il lui reste peu de temps pour s’accomplir. « J’ai compris que peu d’hommes se réalisent avant de mourir : j’ai jugé leurs travaux interrompus avec plus de pitié. Cette hantise d’une vie frustrée immobilisait ma pensée sur un point, la fixait comme un abcès. »
Troisième partie : Tellus stabilita
Troisième partie : Tellus stabilita
Là encore, le titre « La terre retrouve son équilibre » annonce la couleur : devenu empereur, Hadrien s’emploie à pacifier son empire et à négocier avec les chefs rebelles. Il assouplit également le droit, notamment le droit des esclaves et des femmes. Hadrien fonde de nombreuses villes et passe la plupart de son temps en voyage. Le mysticisme est toujours présent, puisque l’empereur se fait initier à Éleusis, lieu de cultes mystérieux.
Quatrième partie : Sæculum aureum
Quatrième partie : Sæculum aureum
Durant, cette période, ce « siècle d’or », Hadrien atteint l’apogée du bonheur en la personne d’Antinoüs, un jeune bythinien (la Bythinie est une région au nord de l’actuelle Turquie) dont il tombe passionnément amoureux. « Quand je me retourne vers ses années, je crois y retrouver l’âge d’or. Tout était facile : mes efforts d’autrefois étaient récompensés par une aisance presque divine. […] Ma vie, où tout arrivait tard, le pouvoir, le bonheur aussi, acquérait la splendeur de plein midi, l’ensoleillement des heures de la sieste où tout baigne dans une atmosphère d’or, les objets de la chambre et le corps étendu à mes côtés. » Cependant, Antinoüs, parfois négligé par l’empereur qui le tient pour acquis, terrifié à l’idée de vieillir, et désireux de s’attacher Hadrien pour l’éternité, décide de se suicider lors d’un sacrifice rituel censé apporter de nombreux bienfaits à Hadrien et à son Empire. « S’il avait espéré me protéger par ce sacrifice, il avait dû se croire bien peu aimé pour ne pas sentir que le pire des maux serait de l’avoir perdu. »
On reproche à l’empereur de se noyer dans sa douleur, une telle souffrance paraissant d’une certaine façon indécente et indigne de son statut.
Cinquième partie : Disciplina augusta
Cinquième partie : Disciplina augusta
La « discipline auguste » du titre renvoie à l’effort d’Hadrien pour reprendre le cours de sa vie et ses activités politiques, qui consistent notamment à négocier avec les représentants du christianisme et à endiguer une révolte juive.
Cependant, l’empereur se sent vieillir et est envahi d’une certaine lassitude. « Mon corps me craignait ; je sentais continuellement dans ma poitrine la présence obscure de la peur, un resserrement qui n’était pas encore la douleur, mais le premier pas vers elle. » La question de la succession se pose. Hadrien jette son dévolu sur un sénateur, Antonin, dont il admire la bonté et dont il adopte le fils, Marc Aurèle.
Sixième partie : Patientia
Sixième partie : Patientia
Cet ultime chapitre, intitulé « Patience », ou « Endurance », raconte la fin de la vie d’Hadrien, malade. Il passe par la tentation du suicide pour mettre fin à ses souffrances, puis décide que ce serait trahir les siens. Il atteint finalement une certaine sérénité résignée, et le roman se termine sur des considérations sur la relativité du pouvoir et des actions humaines : « Mais précisément parce que j’attends peu de chose de la condition humaine, les périodes de bonheur, les progrès partiels, les efforts de recommencement et de continuité me semblent autant de prodiges qui compensent presque l’immense masse des maux, des échecs, de l’incurie et de l’erreur. »
« Quand je considère ma vie, je suis épouvanté de la trouver informe. L’existence des héros, celle qu’on nous raconte, est simple ; elle va droit au but comme une flèche. »
Première partie« Considérée pour elle-même, cette jeunesse tant vantée m’apparaît le plus souvent comme une époque mal dégrossie de l’existence, une période opaque et informe, fuyante, fragile. »
Deuxième partie« Parfois, l’image jaillissait d’elle-même ; un flot de douceur m’emportait ; j’avais revu un verger de Tibut, l’éphèbe ramassant les fruits de l’automne dans sa tunique retroussée en guise de corbeille. […] La mort est hideuse, mais la vie aussi. Tout grimaçait. »
Quatrième partie« J’avais fini par faire de ma mortelle envie un rempart contre elle-même : la perpétuelle possibilité du suicide m’aidait à supporter moins impatiemment l’existence, tout comme la présence à portée de la main d’une potion sédative calme un homme atteint d’insomnie. »
Sixième partie