Mephisto est le sixième roman de Klaus Mann et a été publié en 1936 à Amsterdam, où l’auteur s’était exilé pour fuir le nazisme. En effet, ce roman, qui est une critique ironique du régime nazi et de ceux qui se compromettent, ne pouvait pas paraître en Allemagne. Le personnage principal a été très nettement inspiré par l’ancien mari de la sœur de Klaus Mann, considéré comme un très grand acteur et qui fit carrière dans l’Allemagne nazie, notamment grâce à ses relations et compromissions. Le titre du roman fait allusion à la légende de Faust qui pactise avec le diable, représenté par l’esprit diabolique Méphistophélès.
Le livre ne fut publié en Allemagne que dans les années 1960 et connut un grand succès.
Hendrik Höfgen : Acteur, il a 39 ans au début du roman et vit à Hambourg. D’abord plutôt à gauche politiquement, il sympathise avec le nazisme par opportunisme. C’est sa carrière qui compte pour lui avant tout. C’est un personnage ambigu, pas entièrement mauvais puisqu’on le voit à certaines occasions essayer d’aider ses amis. Otto Ulrichs : Vieil ami de Höfgen, il est communiste, idéaliste et engagé. Hans Miklas : Ami de Höfgen. Son antisémitisme et son sens de l’ordre le font d’abord apprécier le nazisme, mais il s’en détourne par la suite.
Le théâtre : Le théâtre et le métier d’acteur forment la toile de fond de ce roman. Klaus Mann décrit la vie d’acteur, les doutes et les réflexions propres à ce métier, il évoque également l’ambiance des répétitions et des représentations et fait ressurgir l’atmosphère à la fois artistique et mondaine qui entoure le monde théâtral. On y retrouve le goût de l’auteur pour le théâtre et plus généralement pour les spectacles. Le nazisme : La politique et la montée du nazisme sont bien sûr les thèmes principaux de Mephisto. Dans ces sombres années qui suivirent l’arrivée au pouvoir d’Hitler, Klaus Mann ne se sentait pas capable d’écrire un roman qui n’aurait aucun lien avec l’actualité et il lui semblait important de plonger dans l’histoire allemande. La collaboration : Il a cherché à montrer comment les compromissions d’un individu, pourtant pas fondamentalement mauvais ni immoral, pouvaient le conduire à renoncer à ses idéaux et même à ses amitiés. Le désir de gloire et de reconnaissance forment la passion dominante de Höfgen qui leur préfèrera toute autre valeur.
À l’opéra de Berlin, en 1936, une fête somptueuse est donnée pour le 43e anniversaire du Premier ministre prussien.
Le ministre de la propagande vient d’arriver et se dirige vers le directeur du théâtre, Hendrik Höfgen. Il ne l’aime pas mais devant les photographes, il joue la sympathie.
Le Premier ministre arrive à son tour avec sa femme, Lotte Lindenthal.
Le récit fait un retour en arrière jusqu’au milieu des années 1920 et suit Hendrik Höfgen, Otto Ulrichs et Hans Miklas, qui font partie du théâtre de Hambourg. Höfgen est acteur et directeur, et son ami Otto et lui parlent souvent de l’idée d’ouvrir un jour un « théâtre révolutionnaire ». Höfgen est un travailleur acharné, passant parfois 16 heures par jour au théâtre. Il essaie de prendre le pas sur ses collègues et de se distinguer. Il prend soin par exemple de féliciter chaudement l’actrice Dora Martin alors qu’il n’a pas assisté à sa performance.
Hans Miklas fait partie du NSDAP, c’est-à-dire le parti nazi, et il critique Dora Martin parce qu’elle est juive.
Höfgen rencontre Juliette Martins, une danseuse métisse, qui lui donne des leçons de danse et devient sa maîtresse.
Au théâtre, on répète la pièce L’Éveil du printemps. Höfgen se comporte en tyran. Il annule des répétitions pour suivre ses leçons de danse. Juliette est la seule personne autorisée à l’appeler par son prénom.
Höfgen fait la connaissance de Barbara Bruckner, la fille de Geheimrat Bruckner, par l’intermédiaire de sa collègue Nicoletta von Niebuhr. Celle-ci l’encourage à courtiser Barbara, ce qu’il fait. Ils se marient, le couple passe sa lune de miel dans les grands lacs de Bavière où Nicoletta se joint à eux. Presque chaque jour, celle-ci reçoit la visite de l’écrivain excentrique Theophil Marder.
Après ce séjour, et bien que Theophil ait trente ans de plus que Nicoletta, ils se marient. Quant à Höfgen, il recommence à voir Juliette.
En 1928, Höfgen est engagé pour un rôle dans une pièce à Vienne grâce aux recommandations de Dora Martin, Geheimrat Bruckner et Theophil Marder. Il quitte le théâtre de Hambourg après une dispute avec Hans Miklas.
Plus tard, grâce à Dora Martin, il est engagé au théâtre national de Berlin : sa carrière commence réellement et il se met à gagner plus d’argent.
Geheimrat Bruckner et sa fille Barbara viennent de moins en moins à Berlin et évitent Höfgen.
Il loue une chambre pour Juliette dans un quartier reculé de Berlin.
En 1932, on joue Faust pour célébrer les 100 ans de la mort de Goethe. Höfgen joue le rôle de Mephisto et remporte un très grand succès.
En janvier 1933, quand Hitler arrive au pouvoir, Höfgen est à Madrid pour le tournage d’un film. Dora Martin émigre en Amérique. Après le tournage, Höfgen ne retourne pas en Allemagne mais part à Paris : en effet, on lui a dit qu’il était sur la liste noire des nazis. Mais grâce à ses relations, l’actrice Lotte Lindenthal le choisit pour jouer avec elle à Berlin. Höfgen est à nouveau dans les bonnes grâces du Premier ministre et peut retourner en Allemagne.
Grâce à Lotte, Höfgen joue à nouveau le rôle de Mephisto.
Höfgen parvient à faire libérer Otto Ulrichs, enfermé en camp de concentration pour opinions communistes.
Hans Miklas se sent trahi par le nazisme, qu’il pense être une erreur.
Höfgen veut cacher sa liaison avec Juliette parce qu’elle est noire. Il la supplie de quitter l’Allemagne et d’aller à Paris. Comme elle refuse, Höfgen la laisse se faire arrêter. Lorsqu’elle est en prison, il lui dit qu’il va l’aider à rejoindre Paris et la soutenir financièrement.
En 1934, Barbara et Höfgen divorcent. Barbara vit à Paris. Nicoletta se sépare de son mari et retourne à Berlin pour travailler à nouveau comme actrice.
Le Premier ministre et le ministre de la propagande ne sont pas d’accord sur le choix du nouveau directeur du théâtre national de Berlin. Finalement, le Premier ministre a gain de cause et c’est Höfgen qui est choisi. Cäsar von Muck, qui était pressenti, est donc écarté. À Paris, von Muck fait la connaissance de Juliette, et pour se venger de Höfgen, il décide de révéler leur liaison.
Höfgen a acheté une grande maison à Grunewald, un quartier élégant de Berlin. Il épouse Nicoletta afin de faire taire les rumeurs quant à sa liaison avec Juliette.
Otto Ulrichs a compris que Höfgen avait renoncé à ses idéaux et qu’il n’œuvrait plus que pour sa propre gloire. Il travaille clandestinement dans des cercles communiste et finit par être arrêté à nouveau. Höfgen implore l’aide du Premier ministre mais celui-ci refuse sa demande.
Höfgen joue mal le rôle de Hamlet, il se sent vide. Il comprend que ce n’est plus son talent qui est admiré par les critiques mais seulement ses relations.
« Hendrik Höfgen – spécialiste des crapules élégantes, des assassins en frac, des intrigants historiques – ne voit rien, n'entend rien, ne remarque rien. Il ne vit absolument pas dans la ville de Berlin, pas plus qu'il n'a jamais vécu dans la ville de Hambourg. Il ne connaît que des scènes, des studios de cinéma, des loges, quelques boîtes de nuit, quelques salles des fêtes et des salons affolés de snobisme. Se rend-il compte du changement des saisons ? »« Barbara dit lentement, sans le regarder : “À Dieu ne plaise que ces déments viennent jamais au pouvoir ! Alors je ne voudrais plus vivre dans ce pays.” Elle frissonna un peu, comme si elle sentait déjà l'ignoble contact de la brutalité et du mensonge qui prévaudraient en Allemagne, si les nazis y régnaient. “Le monde des bas-fonds ! dit-elle en frémissant. C'est le monde infernal qui réclame le pouvoir…” »« Benjamin Pelz, petit homme trapu aux doux yeux bleus et froids, aux joues tombantes et à la bouche épaisse, cruellement sensuelle, déclarait dans les conversations entre intimes qu’il adorait le national-socialisme parce que celui-ci anéantirait complètement une civilisation dont l’ordre mécanique lui était devenu insupportable, parce que le national-socialisme entraînait vers l’abîme, avait déjà une odeur de mort, et répandrait des souffrances incommensurables sur le continent qui avait été en passe de dégénérer pour devenir en partie une usine impeccablement organisée, en partie un sanatorium pour gens débiles. »« Malheur, le ciel au-dessus de ce pays est devenu sombre. Dieu a détourné son visage de ce pays, un flot de sang et de larmes se déverse dans les rues de toutes ses cités.
Malheur, ce pays est souillé et nul ne sait quand il pourra jamais se purifier. Par quelle pénitence et quel formidable apport au bonheur de l’humanité pourra-t-il expier une honte aussi immense ? Avec le sang et les larmes, l’ordre éclabousse les rues de toutes ses villes. La beauté a été profanée, la vérité diffamée par le mensonge. »