Fiche de lecture
Nouvelles histoires extraordinaires, Edgar Allan Poe
Contexte

Nouvelles histoires extraordinaires est un recueil de textes fantastiques et/ou horrifiques parus aux États-Unis dans divers magazines à différentes époques de la vie d'Edgar Allan Poe. Leur édition française en recueil est le résultat du travail du poète Charles Baudelaire, qui a traduit une grande partie des œuvres de l'écrivain américain, permettant ainsi de le faire connaître largement en France et en Europe. La traduction de Baudelaire reflète avant tout le sens de l'esthétique du traducteur qui n'a pas hésité à prendre des libertés avec le texte d'origine. Pourtant, c'est la traduction la plus connue, et qui sert encore aujourd'hui de référence. On y retrouve ainsi l'esthétique romantique du poète mais aussi l'inventivité et la technique de Poe. Baudelaire était en effet fasciné par l'esprit analytique de l'écrivain, admirant la façon dont ses nouvelles étaient agencées sans laisser un seul mot au hasard.

Thèmes

La peur de la mort : De nombreux récits mettent en scène l'agonie, toujours associée à un sentiment d'effroi. Cette épouvante se manifeste également par la figure du revenant. En effet, dans les Nouvelles histoires extraordinaires, les morts trouvent toujours un moyen de revenir hanter les personnages.
La maladie : Liée au thème de la mort, la maladie, qu’elle soit physique ou mentale, occupe une place importante dans l’œuvre. La maladie est une porte ouverte pour le fantastique : que ce soit à travers la perte de l’être aimé, qui devient étranger dans la maladie (comme dans « Bérénice »), ou à travers la maladie mentale qui empêche de distinguer le réel du faux (« Le Cœur révélateur »), la maladie brouille les repères et transforme le réel, permettant l’intrusion du surnaturel.

Résumé

« Le Démon de la perversité »

Cette petite nouvelle illustre le concept de la « perversité », qui serait une impulsion à faire le mal (y compris envers soi-même) en dépit de tout bon sens. La nouvelle est racontée du point de vue d’un meurtrier qui explique avoir tué sous l’influence de cette perversité et s’être ensuite dénoncé pour la même raison, aboutissant ainsi à sa condamnation à mort.

« Le Chat noir »

Le narrateur adore les chats mais, son alcoolisme empirant, il devient violent et tue son chat Pluton. La nuit suivante, la maison prend feu et il s’enfuit avec sa femme. En revenant, il voit l’image du chat imprimée sur les murs calcinés. Plus tard, se sentant coupable, il recueille un chat qui ressemble à Pluton exceptée une tache blanche sur la poitrine. En descendant visiter la cave de leur nouvelle maison, le narrateur trébuche sur le chat et tombe dans l’escalier. Furieux, il tente de le tuer, mais lorsque sa femme cherche à l’en empêcher, le narrateur perd le contrôle et l’assassine d’un coup de hache. Il dissimule son corps dans un mur. Les voisins, qui ont entendu des cris, appellent la police. Celle-ci ne trouve rien, mais au moment où les policiers s’apprêtent à partir, ils entendent des bruits étranges provenant du mur. Ils découvrent alors le cadavre de la femme que le narrateur avait emmuré avec le chat par mégarde.

« William Wilson »

William Wilson, le narrateur relate sa rencontre, dans sa jeunesse, avec un jeune homme lui ressemblant en tous points et portant le même nom que lui. Celui-ci devient vite son grand rival. Après l’école, ils se perdent de vue pour se retrouver à l’université. Le double du narrateur dénonce alors sa tricherie aux jeux d’argent. Renvoyé de l’université, William Wilson s’enfuit en Europe, mais retrouve son rival à Rome. Il le tue d’un coup d’épée mais se retrouve face à un miroir : le double lui explique alors qu’il vient de s’assassiner lui-même.

« L’Homme des foules »

Dans cette nouvelle, le narrateur observe les gens passer depuis la terrasse d’un café londonien. Il repère un vieil homme dont l’expression l’intrigue et décide de le suivre. Après l’avoir traqué dans tout Londres, il finit par se placer en face du vieil homme et le regarder dans les yeux, mais l’homme le ne voit pas. Le narrateur le laisse alors tranquille, en concluant que c’est un « homme des foules », terrifié par la solitude.

« Le Cœur révélateur »

Cette histoire a une intrigue assez similaire à celle du « Chat noir ». Le narrateur, obsédé par l’œil étrange (un « œil de vautour ») de son colocataire, décide un soir de le tuer. Tout au long du texte, il insiste pour convaincre le lecteur qu’il n’est pas fou mais qu’il est rongé d’un mal étrange qui « aiguise ses sens ». Après le meurtre, il dissimule le corps sous le plancher. Quand la police, alertée par un voisin, fouille l’appartement, elle ne trouve rien. Mais le narrateur se persuade petit à petit qu’on peut entendre les battements du cœur du vieil homme sous le plancher, sans comprendre qu’il s’agit seulement de ses propres pulsations cardiaques. Soumis à une pression impossible, il craque et révèle le meurtre aux policiers.

« Bérénice »

Une nouvelle fois, ce texte est narré à la première personne par un personnage (Egaeus) atteint d’une forme de folie. Ici, c’est ce qu’il appelle la « monomanie », une forme d’obsession qui s’attache à certains objets de façon apparemment aléatoire. Egaeus épouse sa cousine Bérénice qui tombe rapidement malade. Au cours de sa maladie, le narrateur, qui voit désormais sa femme comme une idée, une abstraction, commence à être obsédé par ses dents. Bérénice finit par décéder et est aussitôt mise en bière. Mais la nuit suivante, un domestique vient réveiller le narrateur, lui expliquant qu’ils ont trouvé Bérénice, blessée mais vivante, dans son cercueil ouvert. Le narrateur réalise alors qu’il est couvert de sang, et il découvre près de lui des outils de dentistes et une boîte contenant des dents.

« La Chute de la maison Usher »

Le narrateur rend visite à son ami Roderick Usher,qui est malade. Son hôte lui explique alors que sa maison est vivante. Peu après, Roderick lui annonce que sa sœur jumelle, Madeline, qui était également malade, est décédée et qu’il souhaite conserver son corps dans un caveau pendant 15 jours avant les funérailles. Une semaine plus tard, Roderick lui rend visite, très agité. Dans la soirée, il confie au narrateur qu’il a compris quelques jours auparavant que sa sœur a été enterrée vivante. Il est persuadé qu’elle est sortie de son tombeau. C’est alors que la porte s’ouvre sur Madeline, dans son suaire. Elle rend son dernier souffle dans les bras de son frère, qui en meurt d’épouvante. Le narrateur s’enfuit et en se retournant, voit une immense fissure parcourir le mur. La maison finit par s’effondrer dans l’étang voisin.

« Le Puits et le pendule »

Le narrateur est condamné à mort par l’Inquisition espagnole. Emprisonné dans un cachot obscur, il découvre un large puits dans le sol. Il s’évanouit et se réveille étroitement ligoté, allongé sur le dos. Au-dessus de lui, un pendule composé d’une lame tranchante oscille en descendant très doucement. Il parvient à se libérer en déposant de la nourriture sur ses liens pour que les rats les rongent. C’est alors que les murs s’illuminent, chauffés à blanc, et se mettent à bouger, le forçant à se rapprocher du puits. Il est finalement sauvé à la dernière minute par un général dont l’armée vient de conquérir la ville.

« Hop-Frog »

Hop-Frog, un nain boiteux, est enlevé pour devenir le bouffon du roi. Il s’éprend d’une naine, Tripetta. Un jour, le roi le fait boire contre sa volonté. Lorsque Tripetta intervient, il la frappe et l’humilie devant ses conseillers. Hop-Frog suggère alors que pour le prochain bal, le roi et ses conseillers se déguisent en orangs-outans enchaînés les uns aux autres. Amusé à l’idée de faire peur à ses invités, le roi accepte. Lors de la fête, le nain se débrouille pour accrocher leurs chaînes au lustre, puis les soulève avec un système de poulie avant de mettre le feu à leur costume. Hop-Frog s’échappe ensuite avec Tripetta, non sans avoir révélé aux invités les raisons de son action.

« La Barrique d’amontillado »

Le narrateur, Montresor, raconte sa vengeance contre son ennemi, un noble nommé Fortunato. Un soir, il le rencontre au carnaval et lui propose de goûter un tonneau d’amontillado qu’il a reçu afin de s’assurer de sa provenance. Fortunato accepte et le suit dans sa cave, où Montresor parvient à l’enchaîner. Il commence alors à l’emmurer, puis jette sa torche dans l’ouverture restante. Le motif du meurtre n’est jamais réellement expliqué.

« Le Masque de la mort rouge »

Lors d’une épidémie de Mort Rouge, une maladie qui ravage le pays, le prince Prospero et ses courtisans se réfugient dans une abbaye fortifiée et y mènent une vie de plaisirs. Un soir, Prospero organise un bal et décore sept pièces avec sept couleurs différentes. La dernière, peinte en noir et éclairée par une lumière rouge, effraie les invités. Une horloge y sonne toute les heures, provoquant le silence dans le bal. Dans la soirée, Prospero voit un invité vêtu d’un linceul et portant un masque représentant une victime de la Mort Rouge. Offensé, il poursuit l’inconnu jusqu’à la dernière pièce mais lorsque celui-ci se retourne vers lui, Prospero tombe raide mort. Les invités arrachent alors son masque à l’inconnu et découvrent qu’il n’y a personne en-dessous. C’est la Mort Rouge elle-même qui est venue les poursuivre. L’horloge s’arrête tandis que le sol se recouvre du sang des courtisans.

« Le Roi Peste »

En Angleterre, à l’époque d’Édouard III, deux matelots, Legs et Hugh Tarpaulin, s’enivrent dans une taverne. Sans le sou, ils s’enfuient de la taverne car ils n’ont pas de quoi payer. Ils arrivent jusqu’à un quartier pauvre condamné par le roi à cause de la peste et se cachent dans un atelier de pompes funèbres. Ils y rencontrent un étrange groupe de nobles se donnant des titres relatifs à la peste, comme le Roi Pest 1er, le duc Pest-Ilentiel, ou encore le duc Tem-Pestueux. Ils sont invités à se joindre à la fête, mais leur grossièreté manque de les faire tuer par leurs hôtes outrés. Les deux compères parviennent de justesse à s’échapper.

« Le Diable dans le beffroi »

Dans un étrange village d’habitants ponctuels et obsédés par les horloges, la tranquillité est troublée par un démon qui joue du violon. Le démon se précipite dans le beffroi, attaque le sonneur de coche et fait sonner treize coups, effrayant les habitants.

« Lionnerie »

Il s’agit d’un court texte satirique dans lequel le personnage principal a un nez exceptionnel et consacre sa vie à la « nosologie », ou l’étude des nez. Il devient célèbre et réclamé par toute la bonne société en raison de son nez jusqu’à ce qu’un gentilhomme l’insulte. En duel, le narrateur lui coupe le nez. Cela est perçu comme une grave offense car dans cette société, le mérite se mesure au nez.

« Quatre bêtes en une »

Il s’agit à nouveau d’un récit satirique, situé dans la cité d’Antioche, une ville antique de Syrie. Deux personnages s’y promènent, l’un servant de guide à l’autre. Ils assistent au défilé du roi qui parade en ville. Le roi est un « caméléopard », un assemblage hybride et grotesque de plusieurs animaux et la foule le vénère comme un dieu.

« Petite discussion avec une momie »

Le narrateur est invité par le docteur Ponnonner à admirer une momie récemment découverte. Après avoir enlevé les bandelettes, les deux hommes sont surpris de trouver la momie pratiquement intacte. Ils lui donnent un choc électrique et la momie se réveille. Il s’agit d’un ancien égyptien, Allamistakeo, qui leur explique que son peuple vivait très longtemps et pouvait préserver les corps à travers les âges. Après avoir discuté de religions (selon Allamistakeo, les dieux païens représentent les différents aspects d’un dieu unique) et comparé l’Égypte antique et l’Amérique moderne, la momie avoue son ignorance sur l’origine du monde et des hommes et la discussion se clôt.

« Puissance de la parole »

Il s’agit d’un dialogue philosophique entre deux personnages dans l’au-delà, Agathos et Oinos, qui discutent de la connaissance en tant que bien désirable même si tout connaître serait une malédiction, puis évoquent la puissance de la parole qui aurait le pouvoir de créer.

« Colloque entre Monos et Una »

Avec de nouveaux personnages, cette nouvelle reprend la forme du dialogue entre deux âmes dans l’au-delà qui s’interrogent cette fois au sujet de la mort.

« Conversation d’Eiros avec Charmion »

Troisième dialogue dans l’au-delà. Cette fois, Eiros explique à Charmion comment s’est produit l’apocalypse : une comète, en s’approchant de la terre, provoque un changement de la composition de l’atmosphère, ne laissant que de l’oxygène qui s’enflamme lorsque la comète passe à côté de la Terre.

« Ombre »

Dans cette nouvelle, toujours sur le thème de l’au-delà, Oinos s’adresse au lecteur et fait le récit d’un épisode de sa vie (peut-être celui qui précède sa mort), à l’époque de la Grèce antique. Après une année de mauvais présages, lui et ses amis s’enivrent, angoissés, au fond de leur palais. Au cours de la soirée, une ombre apparaît, terrifiant les convives parce que sa voix est faite de mille voix, la voix des innombrables morts.

« Silence »

Il s’agit de nouveau d’un récit symbolique, où un démon essaie de perturber la méditation d’un homme assis sur un rocher où est gravé le mot « désolation ». N’y parvenant pas, il finit par maudire la contrée en la rendant entièrement silencieuse. Le mot « silence » s’imprime alors sur le rocher, et l’homme, qui n’avait pas été troublé jusque-là, s’enfuit terrifié.

« L’Île de la fée »

Dans cette autre nouvelle allégorique, le narrateur découvre une île dont la moitié est plongée dans l’ombre et l’autre dans la lumière. Il observe une fée qui fait le tour de l’île dans une barque, paraissant plus fatiguée et triste à chaque tour, jusqu’à ce qu’elle entre dans les ténèbres pour ne plus en ressortir.

« Le Portrait ovale »

Le narrateur passe la nuit dans un château dans lequel il trouve le portrait d’une jeune fille. Fasciné, il lit l’analyse du tableau dans un recueil qu’il a trouvé sur son oreiller. Il découvre alors que l’auteur du tableau a peint son épouse, qui s’étiolait à mesure qu’il progressait vers la fin de son œuvre. En l’achevant, sa femme décède, et l’artiste imagine qu’il a peint la vie elle-même, le tableau se nourrissant de la vitalité de sa femme.

Citation

« Et alors apparut, comme pour ma chute finale et irrévocable, l’esprit de PERVERSITÉ. De cet esprit la philosophie ne tient aucun compte. Cependant, aussi sûr que mon âme existe, je crois que la perversité est une des primitives impulsions du cœur humaine, une des indivisibles premières facultés ou sentiments qui donnent la direction au caractère de l’homme. »

« Le Chat noir »
« Si jamais il y eut sur la terre un despotisme suprême et sans réserve, c’est le despotisme d’un enfant de génie sur les âmes moins énergiques de ses camarades. »

« William Wilson »
« Savoir pour toujours, c’est l’éternelle béatitude, mais tout savoir, ce serait une damnation de démon. »

« Puissance de la parole »
« Celui-là qui ne s’est jamais évanoui n’est pas celui qui découvre d’étranges palais et des visages bizarrement familiers dans les braises ardentes ; ce n’est pas lui qui contemple, flottantes au milieu de l’air, les mélancoliques vision que le vulgaire ne peut apercevoir : ce n’est pas lui qui médite sur le parfum de quelque fleur inconnue, ce n’est pas lui dont le cerveau s’égare dans le mystère de quelque mélodie qui jusqu’alors n’avait jamais arrêté son attention. »

« Le Puits et le pendule »