Fiche de lecture
Pierre et Jean, Guy de Maupassant
Contexte

Maupassant écrit Pierre et Jean à un moment de crise pour le naturalisme, qui semble un mouvement littéraire dépassé. Étant lui-même un ancien romancier naturaliste, il souhaite rechercher une forme de réalisme plus fine, comme il l’explique dans l’essai Le Roman, qui paraît dans le même ouvrage que Pierre et Jean. Pour Maupassant, reproduire exactement la vie comme veulent faire les naturalistes est impossible, mieux vaut mettre en avant la manière originale dont on perçoit les choses. Contrairement à Zola, il pense que le roman doit exposer la pensée de l’écrivain. Aussi, le personnage n’a plus à être un héros qui évolue selon la logique du caractère qu’on lui a donné, créant l’illusion naturaliste d’êtres ayant une vie propre que le romancier se borne à observer. Dans Pierre et Jean, Maupassant cherche à illustrer cette nouvelle forme de réalisme.

Personnages

Pierre Roland : Homme de 30 ans, médecin, il est jaloux de son frère Jean.
Jean Roland : Homme de 25 ans, avocat, il apprend au cours du roman qu’il est le fils biologique de Léon Maréchal qui lui a légué sa fortune. Il épousera Mme Rosémilly.
Louise Roland : Mère de Pierre et de Jean, elle a eu une relation extraconjugale avec Léon Maréchal pendant une dizaine d’années.
Gérôme Roland : Mari de Louise Roland, il ignore que Jean n'est pas son fils.
Léon Maréchal : Ancien ami de Gérôme et amant de Louise, il meurt en léguant toute sa fortune à Jean, dont il est le père.
Mme Rosémilly : Jeune veuve de 23 ans, elle deviendra l’épouse de Jean.
Marowsko : Pharmacien polonais et ami de Pierre, il a des doutes sur les raisons de l’héritage de Jean et en parle à son ami.

Thèmes

La rivalité fraternelle : Pierre et Jean reprend le mythe de la rivalité entre deux frères, présent dans la Bible à travers les personnages de Caïn et Abel, fils d’Adam et Ève. La jalousie de l’aîné envers son cadet est liée à un sentiment d’injustice et finit par détruire la fraternité. L’issue est la même pour Pierre que pour Caïn : il est « condamné à [une] vie de forçat vagabond » (chapitre IX).
L’argent : L’argent s’impose d’emblée comme vecteur de division : c’est l’héritage l’événement majeur du roman, qui va semer le trouble dans la famille. Il provoque à la fois convoitise et hypocrisie : son désir occulte tous les autres sentiments humains.
La famille : Ce sont les dysfonctionnements de la famille qui sont mis en avant. Les parents Roland, dont le mariage est entaché par l’adultère secret de l’épouse, préfèrent leur cadet à leur aîné, Pierre aime sa mère d’une manière étouffante et méprise son père ; Jean se sent soulagé de ne pas être le fils de cet homme qui l’a pourtant élevé. Ce père porte d’ailleurs peu d’intérêt à ses fils. Quant à la mère, même si elle apparaît rongée de remords à la fin du roman, elle a quand même œuvré à éloigner Pierre.
L’amour : La passion amoureuse existe puisque Mme Roland l’a connue, comme elle le confesse finalement. Mais elle est présentée comme fragile, comme le prouve l’abandon de son amant ainsi que cette phrase de Pierre : « Le baiser frappe comme la foudre, l’amour passe comme un orage, puis la vie, de nouveau, se calme comme le ciel, et recommence ainsi qu’avant. Se souvient-on d’un nuage ? » (chapitre V)

Résumé

La famille Roland s’est installée au Havre après avoir vécu à Paris. Les deux fils, Pierre et Jean, respectivement diplômés en médecine et en droit, envisagent d’y créer leur cabinet. L’équilibre familial, déjà fragilisé par la jalousie des deux frères l’un envers l’autre, est bouleversé par la visite du notaire : il annonce que Léon Maréchal, un ancien ami de la famille, lègue toute sa fortune au fils cadet, Jean. Petit à petit, Pierre va découvrir que cet homme est un ancien amant de sa mère et le père biologique de son frère.

Chapitre I

Dès le début du roman, la jalousie de Pierre envers son frère se fait sentir lors d’une partie de pêche en présence d’une jeune veuve, Mme Rosémilly. De retour chez eux, la famille Roland apprend qu’un ami perdu de vue, Léon Maréchal, est mort, léguant tout son argent à Jean.

Chapitre II

Sorti prendre l’air, Pierre analyse la contrariété qu’il ressent depuis l’annonce de l’héritage perçu par son frère : « C’est donc de la jalousie gratuite, l’essence même de la jalousie, celle qui est parce qu’elle est ! Faut soigner cela ! » Croisant son frère, il s’efforce néanmoins de le féliciter et de l’assurer de son amour. Puis il va chercher du réconfort chez son ami Marowsko : en apprenant la nouvelle de l’héritage, celui-ci a tout de suite des soupçons qu’il insinue sans que Pierre ne comprenne.

Chapitre III

Pierre raconte la nouvelle à une serveuse qu’il fréquente de temps en temps. Quand celle-ci fait les mêmes insinuations que Marowsko, évoquant le peu de ressemblance entre les deux frères, Pierre comprend que Jean est le fils biologique de Léon Maréchal.

Chapitre IV

Pierre apprend que sa mère a loué pour Jean l’appartement que lui-même convoitait pour en faire son cabinet de médecin, ce qui réveille une nouvelle fois sa jalousie. Il cherche dans ses souvenirs de Maréchal des preuves de la filiation de son frère avec l’ami de ses parents.

Chapitre V

Pierre demande à sa mère de lui donner le portrait de Léon Maréchal qui était auparavant exposé chez eux, prétendant vouloir l’offrir à Jean en souvenir de son généreux bienfaiteur. Elle lui fait croire qu’elle ne sait plus où il est, mais c’est finalement le père Roland qui lui indique où il est. Pierre peut ainsi voir les ressemblances physiques entre Léon Maréchal et Jean.

Chapitre VI

Les relations se détériorent entre Pierre et sa mère. Jean, quant à lui, s’installe dans son appartement et demande Mme Rosémilly en mariage.

Chapitre VII

Pierre révèle à Jean le secret de sa naissance, lui reproche d’avoir accepté l’héritage et s’enfuit. Mme Roland, qui a tout entendu, avoue la vérité à son fils qui lui pardonne et lui promet de la protéger de Pierre.

Chapitre VIII

Jean décide de garder l’héritage de Léon Maréchal et de laisser l’intégralité de celui du père Roland à Pierre. Afin d’éloigner son frère, il lui suggère de devenir médecin naval sur un paquebot. Jean cache le portrait du maréchal que sa mère lui a apporté : le secret est préservé.

Chapitre IX

Pierre embarque sur un transatlantique.

Citation

« Mais une vague jalousie, une de ces jalousies dormantes qui grandissent presque invisibles entre frères ou entre sœurs jusqu’à la maturité et qui éclatent à l’occasion d’un mariage ou d’un bonheur tombant sur l’un, les tenait en éveil dans une fraternelle et inoffensive inimitié. »

Chapitre I


« C’est donc de la jalousie gratuite, l’essence même de la jalousie, celle qui est parce qu’elle est ! Faut soigner cela ! »

Chapitre II


« Et Pierre se leva, frémissant d’une telle fureur qu’il eût voulu tuer quelqu’un ! Son bras tendu, sa main grande ouverte avaient envie de frapper, de meurtrir, de broyer, d’étrangler ! Qui ? tout le monde, son père, son frère, le mort, sa mère ! »

Chapitre IV


« Le baiser frappe comme la foudre, l’amour passe comme un orage, puis la vie, de nouveau, se calme comme le ciel, et recommence ainsi qu’avant. Se souvient-on d’un nuage ? »

Chapitre V


« Sa famille ! Depuis deux jours une main inconnue et malfaisante, la main d’un mort, avait arraché et cassé, un à un, tous les liens qui tenaient l’un à l’autre ces quatre êtres. »

Chapitre V