Ce court texte de Kant répond à la question éponyme « qu’est-ce que les Lumières ? » Il s’agit d’une réécriture de plusieurs articles qu’il publie entre 1784 et 1786. Kant vit au XVIIIe siècle et fait partie de ce que l’on appelle aujourd’hui les philosophes des Lumières. Il explique dans son œuvre ce que signifie cette expression. Il assiste au despotisme éclairé de Fréderic II et a le sentiment que la progression humaine, politique et sociale que connaît le XVIIIe siècle vient essentiellement des Lumières. C’est dans ce texte qu’il utilise la maxime qui sera ensuite reprise comme celle définissant la philosophie, à savoir sapere aude » (« Ose savoir »), qu’il emprunte à Horace. Dans ce sens, il cherche à montrer que le principal trait caractéristique des philosophes des Lumières est d’engager les hommes à penser par eux-mêmes, en se détachant de leurs préjugés. Ce court écrit très compréhensible, a eu beaucoup de succès lors de sa publication.
Qu’est-ce que les Lumières ? est divisé en quatorze petits paragraphes qui traitent principalement de la sortie de ce que Kant appelle la « minorité ». Cette minorité consiste en un refus de prendre la responsabilité de penser par soi-même. Ceux qui restent dans la minorité ne cherchent pas à s’émanciper des « tuteurs » qui dicteraient la conduite et les décisions de chacun. Les « tuteurs » rendent ceux qui sont encore dans leur minorité complètement dépendants d’eux. Les principales causes de la minorité sont la paresse et la lâcheté. Ainsi, passer dans la majorité consiste à s’affranchir de la domination des « tuteurs » pour s’émanciper et avoir sa propre expérience. C’est à travers cette émancipation que les hommes pourront apprendre à penser par eux-mêmes. Il passe par l’exemple de la société ecclésiastique pour travailler sur les conditions de possibilité de l’émancipation de la pensée. Cependant, l’arrivée dans cette majorité n’est pas sans difficultés, et Kant souligne aussi ces difficultés. Selon lui, la liberté d’expression permet d’aider à atteindre la majorité, mais pour pouvoir répandre la pensée des Lumières, la liberté de publication doit s’allier à la liberté d’expression.
« Mais qu’un public s’éclaire lui-même, rentre davantage dans le domaine du possible, c’est même pour peu qu’on lui en laisse la liberté, à peu près inévitable. Car on rencontrera toujours quelques hommes qui pensent de leur propre chef, parmi les tuteurs patentés (attitrés) de la masse et qui, après avoir eux-mêmes secoué le joug de la (leur) minorité, répandront l’esprit d’une estimation raisonnable de sa valeur propre et de la vocation de chaque homme à penser par soi-même. »