Fiche de lecture
Ravage, René Barjavel
Contexte

Ravage est un récit d’anticipation décrivant la chute de la société humaine et se rattachant ainsi à ce qu’on a appelé par la suite le courant post-apocalyptique. H.G. Wells, dont Barjavel fut un grand lecteur, constitue une source d’inspiration possible de ce roman.

Barjavel présente ici une dystopie, c’est-à-dire un récit de fiction décrivant une société imaginaire dans laquelle, à l’inverse d’une utopie, tout contribue à rendre les hommes malheureux. Comme toute dystopie, il s’agit avant tout d’une critique de la société, et principalement des nouvelles technologies et des progrès scientifiques. Mais Barjavel dénonce également la société de son époque. En effet, Ravage est écrit pendant la Seconde Guerre mondiale et l’occupation allemande, et reflète le pessimisme de son auteur. S’y trouvent repris, dans une perspective critique, certains thèmes propres au régime de Vichy : le retour à la terre et le culte du chef et de l’autorité.

Il s’agit donc non seulement d’un récit de science-fiction mettant en garde le lecteur sur l’avenir mais aussi une critique du présent dans lequel écrit Barjavel.

Personnages

François Deschamps : Jeune homme de 22 ans au début du roman, il est courageux et volontaire. Assez charismatique pour devenir le chef de sa communauté, il se démarque par la sagesse de son jugement. Il est plus que centenaire lorsqu’il meurt.
Blanche Rouget : Originaire du même village que François, elle est influençable et cède rapidement aux promesses de plaisirs faciles, mais elle reviendra dans le droit chemin.
Jérôme Seita : Producteur et directeur d’une société de radio, c’est un homme riche qui n’hésite pas à utiliser son influence. Il meurt à la moitié du roman.
Narcisse, Georges, André, Martin, Pierre et Teste : Ce sont les compagnons de fuite de François. Pierre et Narcisse seront les seuls survivants de leur périple.
Paul : Descendant de Narcisse, c’est un homme raisonnable et prudent. Il épousera la fille de François et prendra la suite de son beau-père.
Denis : Jeune inventeur talentueux, il n’apparaît qu’à la fin du roman.

Thèmes

La modernité : La modernité est présentée dans toutes ses dérives, et plus particulièrement à travers tout ce qui est nouveau et futuriste : les matières artificielles et notamment le plastique, l’alimentation de synthèse, les villes immenses couvertes de gratte-ciel…
La ville : La ville est le lieu de la décadence moderne par excellence : pour faire face à la surpopulation, les anciens quartiers ont été rasés et remplacés par des immeubles futuristes.
La science : Le culte de la science domine cette société. Tout fonctionne grâce à l’électricité, et l’agriculture est entièrement chimique.
La politique : Le système politique est en grande partie responsable de ces dérives. Le gouvernement est totalitaire, organisé en ministères chargés de contrôler les actions et pensées de la population.

Résumé

Première partie : Les Temps nouveaux

L’action se déroule en France en juin 2052.
François Deschamps, jeune homme de la campagne, arrive à Paris où il attend les résultats de son test d’entrée dans une grande école de chimie agricole. Il profite de sa présence dans la capitale pour voir Blanche, une amie d’enfance.

Blanche, qui souhaite devenir actrice et mannequin, rencontre Jérôme Seita, un producteur influent. Celui-ci décide de se débarrasser de François en qui il voit un rival : il fait en sorte que François soit refusé à son concours et que son approvisionnement en électricité, en eau et en lait chimique soit interrompu. Puis il charme Blanche, fait étalage de ses richesses et la demande en mariage, ce que la jeune femme accepte. François est très abattu par ces événements.

Deuxième partie : La Chute des villes

À la suite de relations tendues, un empire Sud-américain (qui n’est pas nommé) déclare la guerre aux États-Unis. Ce conflit provoque la disparition brutale de l’électricité en Europe. Les nombreuses technologies fonctionnant grâce au courant électrique sont dès lors hors d’usage et la population ne peut plus se nourrir ni se déplacer. Peu à peu, le chaos se propage et la population semble prise de folie.

François traverse la métropole au bord de l’explosion et parvient à rejoindre Blanche, qui est atteinte d’une maladie inexpliquée. Il regroupe autour de lui quelques personnes qui cherchent à quitter la région. Alors qu’un incendie particulièrement meurtrier éclate, le groupe parvient in extremis à quitter la ville.

Troisième partie : Le Chemin de cendres

Le pays est en proie au choléra, d’autant plus virulent que l’eau potable est devenue rare. Cependant, Blanche parvient à guérir.

Le groupe continue sa progression, sans cesse menacé par d’autres fuyards. Ils vivent dans la faim et la peur. Enfin, ils parviennent à rejoindre le village natal de François et Blanche, au sud du Dauphiné.

François organise la vie du village et des quelques survivants. Grâce à son courage et à sa sagesse, le village reprend confiance.

Quatrième partie : Le Patriarche

L’action se déroule quelques années plus tard. François est devenu un homme important et gère une large région partant du sud de Lyon et s’étendant jusqu’à la Méditerranée. Il réorganise l’agriculture selon des principes sains qui garantissent une autonomie en nourriture. Grâce à ces mesures, la population a augmenté et les gens vivent heureux.

La fin du roman introduit un nouveau personnage, Denis, jeune inventeur d’une machine à moteur qu’il présente fièrement à François. Mais celui-ci est furieux de cette invention dans laquelle il voit un risque de reproduire les catastrophes passées. Denis s’emporte à son tour et tue François. Paul, un collaborateur et fidèle de François, prend sa relève : sa clairvoyance laisse espérer un avenir heureux.

Citation

« Un soleil énorme, curieusement aplati, roulait à une vitesse folle sur l’horizon. Des toits en dents de scie l’entamèrent. Une colline le happa. Il reparut, à moitié rongé, dans une gorge, heurta une cheminée, et sombra. La rougeur du couchant envahit le véhicule. Celui-ci était fait d’une seule pièce de plastic, moulé sous pression. Cette matière remplaçait presque partout le verre, le bois, l’acier et le ciment. Transparente, elle livrait aux regards des voyageurs tout le ciel et la terre. Dure et souple, elle réduisait au minimum les risques d’accident. »

Première partie


« L'humanité ne cultivait presque plus rien en terre. Légumes, céréales, fleurs, tout cela poussait à l'usine, dans des bacs. Les végétaux trouvaient là, dans l'eau additionnée des produits chimiques nécessaires, une nourriture bien plus riche et plus facile à assimiler que celle dispensée chichement par la marâtre Nature. Des ondes et des lumières de couleur et d'intensité calculées, des atmosphères conditionnées accéléraient la croissance des plantes et permettaient d'obtenir, à l'abri des intempéries saisonnières, des récoltes continues, du premier janvier au trente et un décembre. L'élevage, cette horreur, avait également disparu. »

Première partie


« Tout ce que le peuple connaissait, ce qu'il aimait, ce qu'il touchait, ce qu'il mangeait, chair, étoffes, bois, murs, la terre, l'air, tout, transformé en flamme, en lumière, était dans cette odeur. Une odeur dont nul ne pourra se souvenir, car rien ne la rappelle, mais que personne n'oubliera, car elle a brûlé les narines, séché les poumons. C'était une odeur de monde qui naît ou qui meurt, une odeur d'étoile. »

Deuxième partie


« Je ne vous demande pas d'oublier nos morts, mais de penser d'abord à vous et à vos camarades vivants. Nous reprendrons le souvenir de ceux tombés en cours de route quand nous aurons atteint le but. »

Troisième partie