Dans cet ouvrage important pour la philosophie politique, Rawls essaie d’apporter une réponse au problème de la justice. Philosophiquement, il se place dans la tradition kantienne et essaie de trouver une alternative au modèle utilitariste. La Théorie de la justice, très largement traduite, exerce encore aujourd’hui une influence considérable sur la philosophie, les sciences politiques et l’économie.
La thèse de Rawls est que le juste doit primer sur le bien, c’est-à-dire que la coopération entre nations ou individus doit suivre des principes de justice et non des valeurs religieuses, éthiques ou philosophiques. En rupture avec l’utilitarisme, Rawls réfléchit sur les individus et non sur la collectivité. Il cherche à concilier la notion de bien, qui est propre à chacun et nécessaire pour donner un sens à nos existences individuelles, avec la notion de juste, qui doit s’appliquer à tous. De plus, alors que les régimes socialistes ont favorisés l’égalité au détriment de la liberté, et les démocraties libérales la liberté au détriment de l’égalité, Rawls cherche à concilier ces deux principes.
Pour cela, il propose une méthode de prise de décision qu’il appelle « le voile d’ignorance » : le législateur doit prendre ses décisions sous un voile d’ignorance, c’est-à-dire comme s’il ignorait son origine sociale. Il doit donc décider non en fonction de ses propres intérêts, mais comme s’il était possible qu’il change un jour de position sociale. Ainsi, les lois seront favorables aux plus désavantagés, car le législateur est conscient qu’il peut lui-même se retrouver à leur place. De cette théorie du voile d’ignorance, Rawls déduit deux principes de justice :
- le principe de liberté : tous les citoyens doivent avoir accès aux mêmes libertés, et la libertés des uns doit être compatible avec celle des autres ;
- le principe de différence : une société juste peut tolérer certaines différences, à condition qu’elles soient compatibles avec l’égalité des chances (tout le monde peut accéder aux positions les plus hautes) ou qu’elles permettent d’améliorer la situation des plus défavorisés.
Pour Rawls, la situation la plus juste n’est pas celle qui avantage le plus grand nombre, mais celle qui permet d’améliorer la position des plus désavantagés.
« Si la liberté est inégale, la liberté de ceux qui ont le moins de liberté doit être mieux protégée ».