L’essai Totalité et infini constitue la thèse universitaire de Lévinas. Marqué par l’expérience des guerres mondiales, Lévinas veut montrer que le rapport à l’autre à toujours été régi par la volonté d’assimiler l’autre, de le rapprocher de soi et de ce qu’on connaît. Le génocide hitlérien est, selon lui, l’aboutissement extrême de cette volonté d’assimilation.
Lévinas propose une analyse de la subjectivité et de l’infini : pour lui, les deux concepts sont intimement liés. L’infini naît du rapport entre soi et les autres, il est donc la source du rapport entre les hommes et le fondement de la morale.
L’infini est une notion complexe pour Levinas, et ne peut pas être réduit à un savoir. L’idée de l’infini serait une idée innée en tout homme, déterminée dès la naissance de l’individu, et dont la caractéristique est de « contenir plus que ce qu’elle est capable de contenir ». C’est-à-dire que les choses dépassent en vérité toujours l’idée que nous nous en faisons. Avoir l’idée de l’infini est penser quelque chose qui, paradoxalement, reste toujours au-delà de la pensée. Ainsi, avoir l’idée de l’infini est ce que la religion appelle Dieu, un Dieu que l’homme ne peut que désirer. Ce désir pour Lévinas n’est satisfait que dans la mesure où il ne sera jamais satisfait.
Pour Lévinas, l’homme n’est pas moral par nature. Il faut l’éveiller à l’éthique. L’éthique, le rapport et le désir d’autrui sont la base et le but de toute philosophie.
Il montre ensuite que depuis toujours, le processus de connaissance consiste à rapprocher ce que l’on ne connaît pas de ce que l’on connaît, amener l’inconnu vers le connu pour mieux le comprendre : ramener le différent au même. Ainsi l’Autre, en tant qu’être différent et singulier, unique, est ramené, rapproché d’un groupe de choses que l’on connaît, et donc intégré au même. L’esprit crée ainsi une totalité, dans laquelle il a identifié ce qu’il ne connaissait pas, en le rapprochant de l’identique.
Lévinas cherche à dépasser cet enfermement, pour créer la possibilité d’un « Tout Autre », qui ne peut pas rentrer dans cette totalité, et qui est lié à l’idée d’infini.
« Il faut observer que, dans la relation, quelque chose demeure autre, sans jamais se convertir en “mien” ».