Crédit photo : Paul Nadar, 1890
Né en 1799 dans une famille de petite bourgeoisie enrichie de Tours, Honoré Balzac (qui s’attribua la particule plus tard) connaît l’enfance typique des enfants du XIXe siècle : mis en nourrice puis en pension, il fait de brillantes études au collège de Vendôme (1807-1813).
Il monte ensuite à Paris pour commencer des études de droit et travaille chez plusieurs notaires (1816-1819) sans grande conviction. En 1819, il s’intéresse à la philosophie et à la littérature, puis se lance dans les affaires en fondant une maison d’édition et une entreprise de fonderie de caractères. Dans les années 1830, il est introduit par la duchesse d’Abrantès dans les salons à la mode. Il fait la connaissance de Mme Hanska, une comtesse russe mariée qui l’admire.
En 1836, la Chronique de Paris, journal qu’il avait racheté, est mis en liquidation. Il tente d’échapper à ses créanciers en voyageant et en utilisant de fausses identités. En 1842, il apprend la mort du comte Hanska et met tout en œuvre pour épouser Mme Hanska. Mais sa santé se détériore et il ne parvient pas à rétablir sa situation financière. Il épouse Mme Hanska en Ukraine et revient avec elle à Paris en 1850 pour y mourir quelques semaines plus tard.
Les Chouans - (1829) La Peau de chagrin - (1831) Le Père Goriot - (1835) Splendeurs et misères des courtisanes - (1838-1848)
Après avoir écrit une tragédie mal accueillie, Balzac se tourne vers le roman et publie sous divers pseudonymes une série d’ouvrages répondant aux goûts du temps.
En 1829, Les Chouans est le premier roman qu’il signe de son nom. Suivent La Peau de chagrin (1831) et Eugénie Grandet (1833), qui lancent véritablement sa carrière d’écrivain. En 1833, il invente le principe du retour des personnages d’un roman à l’autre. Le personnage de Rastignac, qui apparaissait dans La Peau de chagrin, revient notamment dans Le Père Goriot (1835), roman d’éducation mettant en scène la vie privée et parisienne. Le Lys dans la vallée (1836) et Illusions perdues (1837-1843) consacrent leur auteur en maître du roman réaliste.
Balzac en vient à développer l’idée de constituer une grande fresque de la société française du début du XIXe siècle : La Comédie humaine. En 1847, il dresse un catalogue complet de la Comédie : 137 romans et près de 4 000 personnages ; 46 ouvrages resteront à l’état d’esquisses.
L’œuvre abondante de Balzac se caractérise par une volonté nouvelle de lucidité et d’explication dans la représentation de la réalité historique et sociale, qui révolutionne l’art du roman. Son style réaliste, fruit de l’observation de son temps et de ses contemporains, s’exprime dans les détails de ses multiples descriptions et les fins portraits physiques et psychologiques des personnages sortis de son imagination.
« Je vais vous révéler en peu de mots un grand mystère de la vie humaine. L’homme s’épuise par deux actes instinctivement accomplis qui tarissent les sources de son existence. Deux verbes expriment toutes les formes que prennent ces deux causes de mort : vouloir et pouvoir. […] Vouloir nous brûle et Pouvoir nous détruit ; mais savoir laisse notre faible organisation dans un perpétuel état de calme. »
La Peau de chagrin , 1831
« La duchesse de Langeais avait reçu de la nature les qualités nécessaires pour jouer les rôles de coquette, et son éducation les avait encore perfectionnées. […] Tout en elle s’harmoniait, depuis le plus petit geste jusqu’à la tournure particulière de ses phrases, jusqu’à la manière hypocrite dont elle jetait son regard. Le caractère prédominant de sa physionomie était une noblesse élégante, que ne détruisait pas la mobilité́ toute française de sa personne. Cette attitude incessamment changeante avait un prodigieux attrait pour les hommes. Elle paraissait devoir être la plus délicieuse des maitresses en déposant son corset et l’attirail de sa représentation. En effet, toutes les joies de l’amour existaient en germe dans la liberté de ses regards expressifs, dans les câlineries de sa voix, dans la grâce de ses paroles. Elle faisait voir qu’il y avait en elle une noble courtisane, que démentaient vainement les religions de la duchesse. Qui s’asseyait près d’elle pendant une soirée, la trouvait tour à tour gaie, mélancolique, sans qu’elle eut l’air de jouer ni la mélancolie ni la gaieté. Elle savait être à son gré affable, méprisante, ou impertinente, ou confiante. Elle semblait bonne et l’était. Dans sa situation, rien ne l’obligeait à descendre à la méchanceté […] Mais pour la bien peindre ne faudrait-il pas accumuler toutes les antithèses féminines ; en un mot, elle était ce qu’elle voulait être ou paraître. »
La Duchesse de Langeais , 1834
« Je veux mes filles ! je les ai faites ! elles sont à moi ! […] Si elles ne viennent pas ! répéta le vieillard en sanglotant. Mais je serai mort, mort dans un accès de rage, de rage ! La rage me gagne ! En ce moment, je vois ma vie entière. Je suis dupe ! elles ne m’aiment pas, elles ne m’ont jamais aimé ! cela est clair ! Si elles ne sont pas venues, elles ne viendront pas. Plus elles auront tardé, moins elles se décideront à me faire cette joie. »
Le Père Goriot , 1835
« Rastignac, resté seul, fit quelques pas vers le haut du cimetière et vit Paris tortueusement couché le long des deux rives de la Seine où commençaient à briller les lumières. Ses yeux s’attachèrent presque avidement entre la colonne de la place Vendôme et le dôme des Invalides ; là où vivait ce beau monde dans lequel il avait voulu pénétrer. Il lança sur cette ruche bourdonnante un regard qui semblait par avance en pomper le miel, et dit ces mots grandioses : “À nous deux maintenant !” »
Le Père Goriot , 1835