Jacques Réda est un poète français né en 1929, qui a également exercé le métier d'éditeur. Il a notamment dirigé la NRF de 1987 à 1996 et il est membre du comité de lecture de Gallimard. Passionné par le jazz, il est également chroniqueur dans des magazine musicaux.
Les ruines de Paris - (1977) Hors les murs - (1982) Retour au calme - (1989) La physique amusante - (2009)
La poésie de Jacques Réda s'est accompagnée à ses débuts d'une grande inventivité formelle, bien qu'il soit revenu ensuite à une conception plus traditionnelle de la poésie, fondée sur la versification et la rime.
Une de ses sources d'inspiration plonge dans les lieux qu'il traverse et surtout dans Paris qu'il explore à pied, en bus ou en cyclomoteur, déambulations dont il ramène des poèmes quotidiens. Sa poésie est indissociable de la promenade urbaine et il s'est fait le poète de la magie quotidienne.
« Tout le monde sait que l’ancienne gare de la rue de Boulainvilliers est occupée par une dame dentiste, mais lui appartient-elle vraiment ? Un stand de tir a sa plaque aussi plus loin sur la grille, et je me perds en corrélations. Jamais je n’ai perçu les vrombissements de la fraise, des détonations de carabines ; tout se passe peut-être dans l’obscurité des tunnels… »
Les ruines de Paris , 1977
« Et je rôde ce soir à l’orée indécise
Où se rencontrent l’univers et son rébus
Lequel méduse l’autre, et lequel s’exorcise
Tandis que je vais d’abribus en abribus »
Hors les murs , 1982
« Pareils aux inquiets, aux longs velléitaires
Qui n’auront jamais su choisir un seul chemin,
Tous ceux que j’aperçois, lorsque je passe en train,
Filer à travers bois, dans l’épaisseur des terres,
Me paraissent chacun devenir, tour à tour,
Celui que j’aurais dû suivre sans aucun doute.
Je me dis : la voici, c’est elle, c’est la route
Certaine qu’il faudra revenir prendre un jour.
Mais aussitôt après, sous la viorne et la ronce,
Un sentier couleur d’os ou d’orange prononce
Sa courbe séduisante au détour d’un bosquet,
Et c’est encore un des chemins qui me manquaient.
Puis le bord d’un canal donne une autre réponse
À ce perpétuel élan vers le départ.
Mais je vous aime ainsi, chemins, déserts et libres.
Et tandis que les rails me tiennent à l’écart,
Vous venez vous confondre au réseau de mes fibres. »
Retour au calme , 1989
« Ce gros boum qui nous sert à présent de balise
Pour que notre univers ait un commencement,
L’Espace ni le Temps — rien ne le localise
Puisqu’il les a créés par le même firman.
Mais où donc s’est-il fait ensuite la valise
Et comment se peut-il que cet événement
Sans espace ni temps les matérialise
S’il n’en contenait pas un minime ferment ?
Qu’est-ce que ce petit noyau d’énorme masse
Qui sur soi se concentre encore et se fracasse
Faute de supporter la charge de son poids,
Et, comme un fruit, éclate et répand la semence
Des éléments pressés de tenir leurs emplois,
Quand sa fin est le sens d’un drame qui commence ?
La physique amusante , 2009