Jean Anouilh naît en 1910 à Bordeaux. Dès l’adolescence, il se passionne pour le théâtre, et il est particulièrement marqué par la lecture de Cocteau, puis de Jean Giraudoux. En 1930, il devient secrétaire général de la comédie des Champs-Élysées, alors dirigée par Louis Jouvet. En 1931, Jean Anouilh effectue son service militaire, mais il est réformé et revient à Paris. Il s’installe avec la comédienne Monelle Valentin, qui incarnera le rôle d’Antigone en 1944. Le couple a un enfant, Catherine, qui deviendra elle aussi comédienne. Monelle et Jean se séparent en 1953, et l’écrivain épouse Nicole Lançon, une autre actrice. Elle devient sa collaboratrice et met en scène plusieurs de ses pièces.
Jean Anouilh est un écrivain très prolifique (il écrit environ une pièce par an) jusqu’en 1980, où il est atteint d’une maladie touchant la tyroïde, et puis est victime d’une crise cardiaque. Il s’installe alors en Suisse pour se rétablir. Il écrit une autobiographie, et décède à l’hôpital quelques années plus tard, en 1987.
Antigone - (1944) Cécile ou l’école des pères - (1951) Becket ou l’honneur de Dieu - (1959) Cher Antoine ou l’amour raté - (1969)
Jean Anouilh est l’auteur de nombreuses pièces de théâtre qu’il a lui-même classifiées selon les dénominations suivantes : les pièces noires, les pièces roses, les pièces brillantes, les pièces grinçantes, les pièces costumées, les pièces baroques, les pièces secrètes, et les pièces farceuses.
Après des débuts difficiles, il remporte un grand succès avec ses deux pièces noires, Eurydice (1941) et Antigone (1944), qui reprennent toutes deux un sujet de tragédie antique. Antigone est jouée plus de 220 fois en l’espace d’un an.
En 1964, Peter Glenville adapte Becket ou l’honneur de Dieu (une « pièce costumée ») dans un film avec Richard Burton et Peter O’Toole.
L’œuvre d’Anouilh met souvent en scène des personnages révoltés face à l’ordre établi. Son style très varié s’étend de la satire et de la comédie jusqu’à la tragédie, en passant par des pièces d’inspiration historique.
« Comprendre… Vous n'avez que ce mot-là dans la bouche, tous, depuis que je suis toute petite. Il fallait comprendre qu'on ne peut pas toucher à l'eau, à la belle et fuyante eau froide parce que cela mouille les dalles, à la terre parce que cela tache les robes. Il fallait comprendre qu'on ne doit pas manger tout à la fois, donner tout ce qu'on a dans ses poches au mendiant qu'on rencontre, courir, courir dans le vent jusqu'à ce qu'on tombe par terre et boire quand on a chaud et se baigner quand il est trop tôt ou trop tard, mais pas juste quand on en a envie ! Comprendre. Toujours comprendre. Moi, je ne veux pas comprendre. Je comprendrai quand je serai vieille. »
Antigone à Ismène
Antigone , 1944
« Oui, je t'oublierai. Oui, je vivrai, et malgré la trace sanglante de ton passage à coté de moi, je referai demain, avec patience, mon pauvre échafaudage d'homme sous l'œil indifférent des dieux. Il faut vivre maintenant, assurer l'ordre, donner des lois à Corinthe, et rebâtir sans illusion un monde à notre mesure pour y attendre de mourir. »
Médée , 1946
« Oui, il y a un mais ! Il y a toujours un mais dans la vie, quand on gratte un peu la surface des choses…
Ne vous livrez jamais à ce petit travail, c'est dangereux. Ne grattez pas, Mademoiselle, ne grattez surtout pas ! Les apparences suffisent largement à faire un monde. »
Le Rendez-vous de Senlis , 1941
« […] il faut être très bon chimiste pour analyser une peine d'amour. Et on l'est rarement, pour soi. Ce sont les autres, qui ont de meilleurs yeux, qui voient les traces de dépit ou de dépôt noir de l'orgueil au fond d'une éprouvette de larmes. »
Cher Antoine ou l’amour raté , 1969