Crédit photo : Charles Mallison, 1984
Après des études de chimie qui ne l'intéressent guère, Michel Leiris, né à Paris, se met à fréquenter les surréalistes et à écrire. Parallèlement, il travaille d'abord comme secrétaire de missions ethnographiques puis comme ethnologue au Musée de l'Homme de la capitale française. Dans les années 30, il entame une psychanalyse, qui influencera grandement son écriture.
Très doué et bénéficiant de la bienveillance du milieu ethnographique comme littéraire, Michel Leiris occupe néanmoins une place à part en tant qu'autodidacte : il essaie de rectifier cette position en obtenant plusieurs diplômes universitaires. Il est aujourd'hui reconnu comme un ethnologue important qui a influencé la profession.
L'Afrique fantôme - (1934) L'Âge d'homme - (1939) La Règle du jeu - (1948-1976) Miroir de la tauromachie - (1938)
L'œuvre de Michel Leiris est d'abord placée sous le signe du surréalisme, qui l'influença durablement, mais qui n'empêcha pas la grande originalité de cet auteur, dont la voix se distingue de celle de ses contemporains. On peut identifier deux principaux pôles de son écriture : tout d'abord, l'ethnographie, qui constitue la matière de plusieurs de ses écrits, et notamment de L'Afrique fantôme, journal d'expédition critique sur les voyages et l'ethnologie de manière générale ; d'autre part, l'autobiographie, que Michel Leiris a poursuivie dès 1939 avec L'Âge d'homme et qu'il continua avec l'ample cycle de la Règle du jeu. C'est dans ce domaine que son écriture se fait la plus personnelle. Michel Leiris a toujours essayé de se détacher de la pudeur ou de la morale, et son ambition était de tout dire, y compris en levant le voile sur les parties les plus sombres de l'être humain. Cette démarche s'accompagne d'une expérimentation du langage, toujours poussé hors des limites de la narration traditionnelle.
« Mettre à nu certaines obsessions d’ordre sentimental ou sexuel, confesser publiquement certaines des déficiences ou des lâchetés qui lui font le plus honte, tel fut pour l’auteur le moyen – grossier sans doute, mais qu’il livre à d’autres en espérant le voir amender – d’introduire ne fût-ce que l’ombre d’une corne de taureau dans une œuvre littéraire. »
L’Âge d’homme , 1939
« Je ne conçois guère l’amour autrement que dans le tourment et dans les larmes. »
L’Âge d’homme , 1939
« Traîneur de sabre, de phrases mal affûtées qui ne coupent qu’un vide biseauté au lieu des têtes que je voudrais voir rouler et recueillir dans mon panier ; prophète, puisque burlesquement je vaticine et me lamente ; maquereau du monde, puisque j’affirme le haïr et que c’est lui qui m’entretient comme son amant, jusqu’au jour où il me jettera dans le fangeux ruisseau qui roule sans arrêt de vieux trognons de pommes avant d’être bu langoureusement par le sable sec qui compose les territoires jaunâtres de la mort. »
Aurora , 1977
« Je savais aussi que c’était en parlant de moi – de ce qui m’était malgré tout le plus proche et me concernait le plus directement – que j’avais chance de parler le mieux. »
Langage, tangage ou ce que les mots me disent__ , 1985