Citoyenneté et démocratie à Athènes aux VIe et Ve siècles av. J.-C.
Introduction :
Ce cours va plonger dans les origines des notions de citoyenneté et de démocratie. C’est le peuple athénien, au Ve siècle avant J.-C., qui va poser les bases de ces termes, dans un contexte politique troublé.
Attention aux anachronismes : même si les mêmes termes sont employés, et même s’il existe des ressemblances dans leurs définitions, les notions de citoyenneté et de démocratie grecque s’éloignent sur certains points fondamentaux de notre citoyenneté et de notre démocratie contemporaine.
C’est en définissant le citoyen athénien que l’on peut comprendre ce que les Grecs entendaient par démocratie au Ve siècle av. J.-C. On parle de démocratie athénienne, et non pas grecque. Pour en comprendre la raison, nous allons dans une première partie présenter le monde grec au Ve siècle av. J.-C. Nous étudierons ensuite la définition de la citoyenneté athénienne, et nous terminerons ce cours par une présentation des débats qui ont traversé la société athénienne dès le Ve siècle av. J.-C.
Présentation du monde grec au Ve siècle av. J.-C.
Présentation du monde grec au Ve siècle av. J.-C.
Les polis grecques
Les polis grecques
Le monde grec au Ve siècle est constitué d’une multitude de polis.
Carte des principales cités grecques
Polis :
Les polis sont des cités-États. Des cités qui possèdent leur propre droit, leur propre constitution, leur propre religion, leur propre dialecte et qui sont autonomes par rapport aux autres cités voisines.
Les historiens ne savent pas encore avec précision à quelle date les polis sont apparues en Grèce. On s’accorde en tout cas généralement pour dire qu’au VIe siècle av. J.-C., le monde grec s’organise intégralement autour du modèle de la cité-État.
- Une polis est constituée d’une ville entourée de murailles, et d’un territoire rural.
La polis athénienne est parfaitement bien connue par les historiens. Comme toute cité-État, elle est composée d’un centre urbain, que l’on nomme en grec l’asty, d’un territoire rural, la chôra, et d’un accès direct à la mer, par l’intermédiaire du port du Pirée.
Le centre urbain est lui-même composé d’une agora, ou place publique.
C’est dans l’agora que se trouvent les principaux lieux de réunion des citoyens. Dans le centre urbain, on trouve la fameuse acropole, située sur une colline. Celle-ci est avant tout un lieu de réunion religieuse des athéniens.
Le Parthénon, qui trône sur l’acropole, est un temple dédié à la déesse protectrice de la ville : Athéna.
Contexte politique de la création de la démocratie
Contexte politique de la création de la démocratie
Au VIe siècle avant J.-C., le monde grec, organisé en polis, vivait la plupart du temps sous un régime tyrannique.
Il ne faut pas confondre la tyrannie grecque et la tyrannie moderne.
Tyrannie (grecque) :
La tyrannie grecque est un régime politique dominé par un seul homme qui a pris le pouvoir par la force. Mais le tyran grec est généralement très populaire, contrairement au tyran moderne.
En 507 av. J.-C., un évènement capital intervient à Athènes : un aristocrate, du nom de Clisthène, s’oppose au retour de la tyrannie et propose une série de lois « révolutionnaires ».
- Celles-ci vont donner, petit à petit, naissance au système démocratique.
Clisthène propose de confier des fonctions de commandement et de décision à l’intégralité des Athéniens, qu’ils soient riches ou pauvres. Dans le monde antique, seuls les plus riches, c’est-à-dire l’aristocratie, avaient jusqu’alors leur mot à dire sur les représentants et sur la gestion quotidienne de la cité.
Clisthène réforme également l’organisation de l’Attique, la région autour d’Athènes, permettant ainsi aux citoyens les plus démunis d’accéder au droit de vote. Les réformes de Clisthène donnent naissance à ce que les historiens nomment la « période classique ».
Malgré les tentatives de l’aristocratie pour reprendre le pouvoir à la fin du Ve siècle avant J.-C., la démocratie athénienne va se développer tout au long du IVe siècle av. J.-C. et s’institutionnaliser davantage.
En parallèle à la mise en place d’un système démocratique au Ve siècle, Athènes connait deux violentes guerres.
- La première est une guerre contre les Perses, que l’on appelle les guerres médiques, au début du Ve siècle av. J.-C. Tout le monde grec, et pas seulement Athènes dans ce cas, s’oppose aux tentatives d’invasions des Perses. Les Athéniens joueront pour beaucoup dans la victoire définitive des cités grecques.
- La deuxième guerre, c’est celle du Péloponnèse qui oppose les Athéniens à la fameuse cité guerrière de Sparte à la fin du Ve siècle av. J.-C. La défaite des Athéniens marque aussi une défaite de la démocratie.
La citoyenneté et la démocratie athénienne
La citoyenneté et la démocratie athénienne
Institutions démocratiques
Institutions démocratiques
Le demos en grec, c’est le peuple. À partir des réformes de Clisthène, le demos possède la souveraineté : le peuple est source du droit.
Ce peuple est constitué des citoyens et non pas de la population dans son intégralité. Les femmes, les esclaves et les étrangers sont exclus de la citoyenneté.
Les institutions athéniennes
- L’ecclésia : c’est l’ Assemblée qui possède le pouvoir législatif, c’est-à-dire qu’elle vote les lois. C’est à l’ecclésia que les citoyens décident de la guerre ou de la paix, et qu’ils punissent les citoyens jugés dangereux pour le système démocratique. L’ecclésia peut en effet, une fois par an, décider d’exiler une personne pour une durée de 10 ans : c’est l’ostracisme.
- L’héliée : c’est le tribunal populaire de la cité. Elle est composée non pas d’experts en droits mais de citoyens tirés au sort, que l’on nomme les héliastes.
- La boulê : c’est un conseil, composé de 500 personnes tirées au sort que l’on nomme les bouleutes. C’est la boulê qui prépare les sessions de l’Assemblée, notamment en décidant de l’ordre du jour ou en proposant une ébauche des lois qui seront votées.
- Le pouvoir exécutif est représenté par des magistrats. Les plus importants sont les archontes, qui président les fêtes religieuses et qui sont tirés au sort, ainsi que les stratèges, qui sont les chefs de l’armée.
La plupart des charges sont tirées au sort. Cela renforce le système démocratique, car cela permet à n’importe qui d’occuper des charges de gestion de la cité. Les Athéniens se méfiaient des élections, qui étaient souvent truquées.
- La charge de stratège est la seule charge qui est soumise à une élection.
Qui est citoyen ?
Qui est citoyen ?
On estime qu’il y avait au Ve siècle av. J.-C. environ 40 000 citoyens, sur une population totale d’environ 350 000 habitants. Tout le monde n’était donc pas considéré comme citoyen.
Le demos, le peuple, favorisé par les réformes de Clisthène, n’est qu’une minorité composée par des hommes majeurs, libres, nés de père athénien, et ayant réalisé leur service militaire.
La citoyenneté est donc réservée aux hommes qui ont atteint leur majorité. Il faut également avoir un père athénien. À partir de 451 av. J.-C., il faut également avoir une mère athénienne pour être citoyen.
- Les femmes sont exclues de la vie politique, même si elles jouent un rôle religieux important.
- Les étrangers, que l’on appelle en grec les « métèques », sont des hommes libres qui sont en général commerçants et artisans et souvent installés à Athènes de manière temporaire.
- Les esclaves représentent une très grande partie de la population. Ils sont considérés comme des objets, et sont soit des prisonniers de guerre, soit des enfants d’esclaves.
La différence entre la démocratie actuelle et la démocratie athénienne est que, si le pouvoir revient au peuple dans les deux cas, ce « peuple » ne représente finalement qu’une minorité de la population dans la démocratie athénienne.
Le métier de citoyen
Le métier de citoyen
Le citoyen athénien est obligé d’assister aux séances de l’ecclésia quatre fois par mois. Lorsqu’il est tiré au sort comme bouleute, c’est-à-dire membre de la boulé, il doit alors passer un mois entier à s’occuper de ces tâches. De même, lorsqu’il est juré au sein de l’héliée, le tribunal populaire, il doit y consacrer le temps nécessaire.
- La démocratie athénienne est une démocratie directe.
Il faut également souligner que les plus riches d’Athènes devaient contribuer au fonctionnement de la cité, par une politique d’impôts que l’on appelle les liturgies. Ils devaient financer des œuvres publiques, que ce soit par exemple un spectacle de théâtre ou la construction d’un navire de guerre.
- Les citoyens les plus riches occupent dans l’armée des grades élevés : les triérarques, par exemple, doivent payer l’entretien des navires et fournir l’équipement des bateaux.
- Les citoyens issus de la classe moyenne sont des hoplites : des soldats armés d’un équipement lourd et couteux, qu’ils se paient eux-mêmes.
- Mais les plus pauvres participent également à la défense de la cité : ce sont les rameurs, ceux qui ne possèdent finalement que la richesse de leur bras pour défendre la ville. Et lorsque les victoires d’Athènes seront des victoires navales, les rameurs, les plus pauvres des Athéniens, deviendront les héros de la démocratie.
Être citoyen c’est donc de nombreuses contraintes. Pourtant la citoyenneté a toujours été perçue comme un privilège, parce que le citoyen a aussi des droits : il a le droit de participer aux décisions de la cité ; le droit d’acheter une maison, ou d’acheter une terre, et le droit de participer aux banquets religieux.
La démocratie et ses limites
La démocratie et ses limites
Le misthos
Le misthos
La démocratie athénienne permettait aux personnes les plus pauvres d’accéder à des fonctions de décision.
C’est une réelle nouveauté dans le monde antique, davantage habitué à laisser les fonctions de commandement aux mains de l’aristocratie.
- Comment un paysan ou un pêcheur par exemple, qui est tiré au sort pour remplir des fonctions en ville, fait-il pour faire vivre sa famille en attendant ?
Après 451, un stratège du nom de Périclès propose d’instaurer le misthos.
Misthos :
Le misthos est une compensation monétaire, une sorte de salaire, donnée par journée de travail perdue aux plus pauvres des citoyens, afin que ceux-ci puissent participer à la vie de la cité.
Le pouvoir du stratège
Le pouvoir du stratège
La seconde critique que les opposants au régime démocratique proclament est le pouvoir du stratège. Le stratège était le chef des armées et sa magistrature était élue et renouvelable.
Au cours du Ve siècle av. J.-C., le stratège Périclès a été réélu 22 ans d’affilée !
Alors que le système se veut égalitaire et s’oppose au pouvoir personnel, Périclès a dominé Athènes pendant plus de 20 ans. Une contradiction surprenante, même si, de la bouche des défenseurs de Périclès, il aurait pu ne pas être réélu : s’il l’a été, c’est parce que le peuple le soutenait.
Conclusion :
La démocratie athénienne provoque un véritable changement dans le monde antique car pour la première fois, ceux qui n’ont pas de biens (fonciers ou matériels) peuvent participer à la vie de la cité. Ce privilège de la citoyenneté est accompagné de devoirs contraignants qui obligent les citoyens à se consacrer pleinement à la vie de la cité.
La citoyenneté est cependant réduite aux seuls hommes, majeurs libres et athéniens, excluant ainsi de la citoyenneté une majorité de la population.
Cette démocratie a connu de nombreuses critiques tout au long du Ve et du IVe siècle av. J.-C. Elle n’en reste pas moins fondatrice, au moins dans les idées, d’une certaine égalité civique. Le modèle de la démocratie se répandra dans beaucoup de cités de la Grèce antique, s’opposant alors au système oligarchique dont le plus fidèle représentant est la terrible Sparte.