Comment réguler les réseaux sociaux ?
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Introduction :
Selon une étude menée par l’INSEE en 2024, les 15-24 ans passent en moyenne 3 h 50 par jour sur Internet et dédient plus de la moitié de ce temps à l’usage des réseaux sociaux. Les réseaux sociaux apparaissent désormais comme étant en effet le medium préféré des jeunes qui les utilisent pour communiquer, se divertir et s’informer.
Les réseaux sociaux peuvent toutefois représenter un danger en favorisant un phénomène d’addiction, en diffusant de fausses nouvelles (fake news) ou en exposant les jeunes à un risque accru de harcèlement.
C’est pourquoi nous nous demanderons quels sont les risques liés aux réseaux sociaux et comment réguler ceux-ci et leur pratique ?
Dans un premier temps, nous nous intéresserons au fonctionnement et aux enjeux des réseaux sociaux. Puis nous analyserons les risques liés à leur utilisation en lien avec l’information, avant d’aborder la question de leur nécessaire régulation.
Les réseaux sociaux : fonctionnement et enjeux
Les réseaux sociaux : fonctionnement et enjeux
Historiquement, la notion de réseau social désigne un ensemble d’individus qui interagissent ensemble.
Cependant, avec l’essor d’Internet et des nouvelles technologies de l’information et de la communication dans les années 2000, cette notion a fortement évolué.
Définition et fonctionnement
Définition et fonctionnement
Aujourd’hui, les réseaux sociaux désignent avant tout les plateformes numériques spécialisées dans la mise en relation des internautes entre eux.
Réseau social :
Communauté d’internautes reliés entre eux par des liens (amicaux, professionnels, etc.) à travers une plateforme numérique qui favorise l’interaction sociale, la création et le partage d’informations et de contenus.
L’histoire des réseaux sociaux est récente. Elle a débuté avec Classmates en 1995, puis Myspace et LinkedIn en 2003, Facebook en 2004, X (anciennement Twitter) en 2006, Instagram en 2010 et TikTok en 2016.
graphique sur les réseaux sociaux – en cours de réalisation
Les réseaux sociaux ont pour principales fonctions d’échanger des informations et des données de natures très différentes, comme des textes, des photographies, des bandes son ou encore des vidéos. Pour permettre ces échanges, les plateformes numériques qui hébergent ces réseaux sociaux utilisent des bases de données volumineuses. Ces données sont alors conservées.
En théorie, l’utilisation des réseaux sociaux est gratuite, du moins pour les applications les plus basiques. En apparence, cette gratuité permet de favoriser l’accès du plus grand nombre et offre un espace de liberté d’expression, y compris dans des États adeptes de la censure.
Après la mort en garde à vue de Mahsa Alimi, jeune étudiante iranienne arrêtée en 2022 à Téhéran par la police des mœurs, les réseaux sociaux ont joué un rôle considérable dans la mobilisation de la jeunesse contre le pouvoir absolu des ayatollahs.
Néanmoins, la gratuité de ces réseaux n’est qu’apparente. En effet, elle dissimule une économie basée sur la vente et l’exploitation des données des utilisateurs, notamment à des annonceurs publicitaires.
Les enjeux des réseaux sociaux
Les enjeux des réseaux sociaux
Les réseaux sociaux fonctionnent sur la base d’algorithmes. Ces algorithmes permettent d’analyser les comportements, les habitudes et les opinions des utilisateurs grâce à l’analyse de leurs données à des fins commerciales mais parfois aussi politiques.
Algorithme :
Description d’une suite d’étapes informatiques permettant d’obtenir un résultat à partir d’éléments fournis en entrée (les données des utilisateurs dans le cas des réseaux sociaux).
Des algorithmes de suggestions sont donc utilisés par les entreprises des plateformes de réseaux sociaux. Ces algorithmes recommandent aux utilisateurs des amis, des produits ou des informations en fonction de leurs points communs. Ils contribuent ainsi à créer des bulles informationnelles, c’est-à-dire que les réseaux sociaux proposent automatiquement aux utilisateurs des contenus conformes à leurs préférences. C’est par exemple le cas avec les actualités et les informations politiques qui leur sont suggérées. Les réseaux sociaux peuvent alors former une chambre d’écho médiatique.
Chambre d’écho médiatique :
Environnement dans lequel une personne ne rencontre que des opinions et croyances conformes à ses propres opinions et croyances ce qui l’encourage à rejeter toute alternative.
Paradoxalement, alors que les utilisateurs des réseaux sociaux ont l’impression de naviguer au cœur d’une large communauté, ils sont en réalité isolés virtuellement dans des communautés de pensées ou d’habitudes de consommation. Ce phénomène peut donc enfermer les utilisateurs des réseaux sociaux dans leurs certitudes et tend à affaiblir l’exercice de l’esprit critique et de la pensée contradictoire.
Le mouvement conspirationniste d’extrême-droite QAnon, venu des États-Unis, a ainsi prospéré sur les réseaux sociaux au point de pouvoir s’apparenter à une secte. Né vraisemblablement d’un simple canular, la mouvance QAnon forme aujourd’hui une communauté numérique regroupant des milliers d’individus particulièrement actifs sur les réseaux sociaux. Par exemple, ces derniers ont refusé de reconnaître la défaite de Donald Trump aux élections présidentielles de 2020 et ont multiplié les tentatives de renversement de l’élection, notamment avec la prise du Capitole, le 6 janvier 2021, qui a provoqué la mort de 4 manifestants et d’un policier.
Enfin, les réseaux sociaux accentuent la constitution de « petits mondes » pour reprendre la terminologie employée en 1967 par le sociologue américain Milgram. D’après ce dernier, n’importe quel individu dans le monde peut être relié à une courte chaîne de relations sociales constituée au plus de six liens, c’est-à-dire de six personnes intermédiaires au plus. Ils ne participent donc que peu à une plus grande ouverture sur le monde.
Naïs connaît Julie par leur activité commune, le volley.
Julie connait Ryan, qui vit aux États-Unis, parce qu’ils se sont rencontrés à l’occasion d’un échange scolaire.
Ryan connaît Serena qui a été sa voisine pendant quelques années.
Serena a un lien avec Barack Obama, parce qu’elle a été son médecin à un moment donné.
Les risques liés aux réseaux sociaux en lien avec l’information
Les risques liés aux réseaux sociaux en lien avec l’information
Les réseaux sociaux présentent de nombreux risques de manipulation de l’information ou de diffusion de fausses informations. C’est à ces dangers que nous allons nous intéresser ici, bien qu’il ne s’agisse pas des seuls : le cyberharcèlement, la violence en ligne sont des problématiques également très importantes, favorisées par l’impression de distance et d’anonymat générée par les réseaux sociaux.
Les réseaux sociaux et les désordres de l’information
Les réseaux sociaux et les désordres de l’information
Les réseaux sociaux offrent un nouveau modèle d’expression dans lequel ce n’est pas toujours l’expertise de la personne mais souvent sa popularité qui donne de la valeur à ses publications.
L’idée principale est que les réseaux sociaux permettent de donner directement la parole aux citoyens sans passer par l’intermédiaire des médias classiques. Par conséquent, les risques liés à la mésinformation ou à la désinformation sur ces plateformes sont nombreux, puisque l’information n’y est pas vérifiée (ce qui est une obligation de l’information journalistique).
Mésinformation :
Fait de diffuser de fausses informations sans mauvaises intentions.
Désinformation :
Fait de diffuser de fausses informations dans le but de manipuler ou de tromper des personnes, des organisations ou des États, voire leur causer du tort.
Les informations diffusées sur les réseaux sociaux ne respectent donc pas toujours les critères de vérification de l’information, même si elles peuvent émaner d’une autorité. Ces critères sont les suivants :
- la crédibilité, l’expertise et l’utilisation de sources fiables ;
- leur objectivité et leur exactitude ;
- l’accessibilité, la pertinence et la compréhensibilité de l’information.
Entre le mois de novembre 2020, date de l’élection présidentielle américaine remportée par Joe Biden, et le moment de l’investiture de ce dernier (en janvier 2021), Donald Trump, président américain sortant, a multiplié les retweets d’allégations de fraude électorale à son encontre. Du fait de ses millions de followers, Donald Trump a donné une visibilité hors norme à ces fausses informations ou fake news, contribuant à l’assaut lancé par ses partisans sur le capitole le 6 janvier 2021 et donc, indirectement, à la mise en danger des institutions démocratiques américaines.
Pendant la pandémie de Covid, la mésinformation a également été promue par de nombreux acteurs sur les réseaux sociaux. Par exemple, des informations farfelues ont été relayées, expliquant qu’en lieu et place d’un vaccin, une puce informatique était implantée dans le corps des individus afin de lire leurs données biologiques. Cependant, cette mésinformation a aussi été alimentée par le caractère inédit de l’épidémie (à l’époque contemporaine) et par les désaccords entre professionnels de santé sur la meilleure stratégie vaccinale à adopter.
Réseaux sociaux et manipulation
Réseaux sociaux et manipulation
Du fait de leur fonctionnement, les réseaux sociaux sont des instruments susceptibles de déstabiliser, voire de manipuler les opinions publiques.
C’est notamment le cas au niveau politique où certaines plateformes ont été accusées d’influencer le comportement électoral de leurs utilisateurs.
En 2014, une société de conseil privée, Cambridge Analytica, a commencé à exploiter les données personnelles de 87 millions d’utilisateurs de Facebook, dont 70 millions d’Américains. Ces informations ont ensuite été utilisées par Cambridge Analytica afin d’influencer les intentions de vote en faveur de femmes et d’hommes politiques qui ont acheté ce service. Par exemple, le comité de campagne de Donald Trump a été accusé d’avoir recouru à ce service pour modifier les intentions de vote d’électeurs américains dans certains États clé lors de l’élection présidentielle américaine de 2016.
Au-delà de la mésinformation et de la manipulation à des fins commerciales ou politiques, certaines plateformes de réseaux sociaux sont également accusées d’espionnage et de propagande au service d’États.
C’est notamment le cas du géant chinois du numérique TikTok.
Application mobile de partage de courtes vidéos et réseau social, TikTok, dont la maison-mère se trouve en Chine, a été créée en 2016 et comptait 1 milliard d’utilisateurs en 2021, majoritairement âgés de 15 à 24 ans. Néanmoins, ce développement spectaculaire s’accompagne de nombreuses critiques. L’application est notamment accusée de propagande et d’espionnage de ses utilisateurs au profit de l’État chinois : en 2022 par exemple, des journalistes américains ont démontré que l’application espionnait des journalistes à travers la géolocalisation et la collecte de données. C’est pourquoi elle a été interdite dans de nombreux pays, comme en Inde, au Népal et dans la plupart des États américains.
Face à ces dérives, il apparaît important de réguler les réseaux sociaux.
La nécessaire régulation des réseaux sociaux
La nécessaire régulation des réseaux sociaux
Face aux désordres de l’information et aux risques que ces derniers font encourir à leurs utilisateurs et à la démocratie, les États de l’Union européenne ont développé des outils de régulation.
La régulation des réseaux sociaux au niveau européen
La régulation des réseaux sociaux au niveau européen
Les deux tiers des populations résidant dans les pays membres de l’Union européenne utilisent les réseaux sociaux.
En juillet 2022, le Parlement européen s’est doté d’un nouveau règlement afin d’essayer d’en réguler les activités. Il s’agit du Digital Services Act (DSA). Néanmoins, ce dernier ne comprend que peu de dispositions contraignantes afin de ne pas prêter le flanc aux accusations de censure. Or, certains des géants du numérique disposent d’un pouvoir, notamment économique, très important.
Digital Services Act (DSA) :
Règlement européen entré en vigueur en 2024 qui vise à lutter contre les dérives en ligne (désinformation, haine en ligne, etc.), notamment sur les réseaux sociaux.
Concrètement, le DSA oblige les plateformes numériques à supprimer les contenus illégaux en ligne. Cette régulation passe par les signalements effectués par les utilisateurs. Afin de rendre cette procédure plus efficace, le DSA oblige les plateformes à coopérer prioritairement avec des « signaleurs de confiance », par exemple des associations de protection de l’enfance ou de prévention de la désinformation.
Néanmoins, le DSA n’étant pas véritablement contraignant, les plateformes rechignent à le mettre en application. Il est donc important de faire preuve de recul critique face à des informations qui circulent sur les réseaux.
Le 18 octobre 2023, Thierry Breton, commissaire européen, a dénoncé devant le Parlement européen les fausses informations et les images violentes du pogrom du 7 octobre 2023 diffusées sur certaines plateformes, comme X.
Dans le cadre d’un conflit, il est important de rappeler que la propagande et les fake news sont très présentes (contexte de guerre informationnelle) et qu’il faut donc se méfier des images (certaines sont générées par des IA), des vidéos (certaines sont sorties de leur contexte, proviennent d’un évènement passé…), des témoignages que l’on peut voir sur Internet.
Au niveau français
Au niveau français
Le DSA n’impose pas de délais brefs aux plateformes pour retirer les contenus illégaux. Or, en 2020, la France avait essayé, avec la loi Avia, d’imposer aux plateformes en ligne un délai maximum de 24 heures après notification pour retirer ces contenus. Cependant, cette disposition ayant été jugée contraire à la Constitution, elle a été censurée.
En France, depuis 2018, la loi fait obligation aux plateformes numériques de rendre accessible et visible aux utilisateurs un dispositif de signalement des contenus illégaux. L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) est chargée de veiller à l’existence de ces dispositifs.
Enfin, la CNIL (Commission nationale informatique et libertés), autorité administrative indépendante créée en 1978, est amenée à intervenir dans la régulation des réseaux sociaux. Initialement créée pour mettre l’informatique au service du citoyen et de la citoyenne, son champ d’action s’est élargi avec le développement d’Internet.
La CNIL veille à garantir que les données personnelles soient protégées, et à ce que toute forme d’expression numérique soit respectueuse des personnes et en aucun cas discriminatoire.
L’action de la CNIL a connu une forme de reconnaissance en 2016 lorsque le Parlement européen a adopté la loi RGPD (Règlement général sur la protection des données).
- La CNIL est donc une vigie du numérique.
Renforcée par la loi RGPD de 2016, elle a toute latitude pour servir de bouclier virtuel face aux dérives du numérique. Néanmoins, ses pouvoirs, comme ceux de l’ARCOM, demeurent très limités en matière de prévention et de régulation de la désinformation sur les réseaux sociaux.
Conclusion :
Initialement, l’essor des réseaux sociaux promettait d’élargir l’horizon des citoyens en créant de vastes espaces numériques de débat et de diffusion de l’information. Cependant, du fait de leur fonctionnement, les réseaux sociaux s’avèrent être aussi de puissants vecteurs de mésinformation, voire désinformation. Utilisés sans avoir à l’esprit les risques qu’ils représentent, ils peuvent alors altérer l’esprit critique des citoyens. À ce titre, ils représentent une menace et doivent être régulés. Plusieurs initiatives ont été prises en ce sens, que ce soit au niveau européen ou au niveau national. Néanmoins, leur portée reste limitée, et la sensibilisation et l’éducation aux médias demeurent les moyens les plus efficaces de réguler leur usage par les plus jeunes.