Quelles sont les causes des crises financières ?
Introduction :
Ce cours analyse les différentes crises qui ont affecté l’économie mondiale ces dernières décennies : celle de 1929, celle de 1974 ou plus récemment celle de 2008. Ces grandes crises ont à chaque fois touché l’ensemble des agents économiques : les entreprises (entraînant des faillites), les ménages (réduisant leur pouvoir d’achat ou faisant croitre le chômage), les banques (les rendant plus réticentes à financer les projets), les États et les finances publiques.
Dans un monde où les économies nationales sont de plus en plus interconnectées et liées à la finance internationale, les probabilités d’étendue d’une crise à l’échelle mondiale sont immenses. Si on analyse les crises qui se sont déroulées depuis le milieu des années 1980, on se rend compte que ce sont surtout les crises bancaires et financières qui ont tendance à se multiplier. Ces crises s’expliquent en particulier par un phénomène qui s’appelle la théorie du « cycle du crédit », que l’on illustrera à travers l’exemple de la crise des « subprimes » de 2008.
Le rôle des banques et le cycle du crédit
Le rôle des banques et le cycle du crédit
Le retour des crises financières
Le retour des crises financières
Les crises ne sont pas un phénomène récent : régulièrement, l’économie connait des périodes de prospérité et des périodes de récession. Ces fluctuations sont intrinsèques au système capitaliste, elles lui sont liées ; déjà au Moyen Âge et jusqu’au XIXe siècle, les sociétés européennes connaissaient des crises. Elles étaient dues à une production agricole insuffisante pour satisfaire l’ensemble de la demande alimentaire, entraînant la hausse des prix, donc la baisse du pouvoir d’achat et des autres consommations. En temps de guerre ou de catastrophe climatique (comme une sécheresse, des inondations, des périodes de gel intense), ces crises étaient fortement accentuées.
- Elles sont qualifiées de crises traditionnelles.
Avec l’avènement de l’âge industriel, de nouvelles crises apparaissent. Jusqu’en 1929, les industries se développent : elles mettent en œuvre de nouvelles techniques de production pour s’engager dans la consommation de masse. À tel point qu’elles finissent par affronter une situation de surproduction : l’offre est tellement développée qu’elle devient supérieure à la demande. Les industries ne parviennent plus à écouler leurs productions, elles ne peuvent plus rembourser les banques qui font faillites : ainsi, le krach boursier de 1929 va entrainer un chômage de masse, ainsi qu’une baisse de l’investissement et de la production.
- Ce type de crise de surproduction est qualifié d’industrielle.
En 1973, le choc pétrolier entraîne enfin une crise structurelle durant les Trente Glorieuses où l’économie fonctionne essentiellement grâce à l’énergie bon marché. L’augmentation subite du prix du pétrole décidée par les pays producteurs va entraîner un ralentissement soudain de l’activité, une inflation généralisée et la hausse du chômage.
Depuis ces années 1970, nos économies ont évolué : le secteur tertiaire, lié au commerce des services, s’est développé, les échanges internationaux se sont accrus, les outils financiers aussi. Les États interviennent moins sur les effets du marché, laissant au libre-échange la capacité de créer les conditions de la croissance.
Les crises « traditionnelles » comme sous l’Ancien Régime, « industrielles » comme en 1929, ou « structurelles » comme en 1974 s’éloignent. Pourtant, le nombre de crises s’intensifie depuis une trentaine d’années. Ce sont des crises nouvelles, liées au système bancaire et financier. On le voit d’ailleurs très clairement sur ce graphique : depuis le milieu des années 1980, de plus en plus de pays sont affectés par des crises bancaires.
Comment donc les banques peuvent-elles être à l’origine de crises et de périodes de récessions ? Une des principales explications repose sur un mécanisme simple, celui du cycle du crédit.
Le cycle du crédit et ses conséquences
Le cycle du crédit et ses conséquences
Un entrepreneur, en période de croissance, produit et vend beaucoup, il peut embaucher et multiplier ses bénéfices. Pour pouvoir se développer encore davantage, il sollicite un crédit auprès de sa banque qui ne prend aucun risque en le lui accordant : elle est certaine d’être remboursée. Pour attirer d’autres entrepreneurs qui présentent des perspectives de remboursement sûres, elle va même réduire très fortement ses taux d’intérêt. Les demandes de crédit vont alors se multiplier, puisque le coût final de l’emprunt sera moins élevé pour les emprunteurs.
Les consommateurs aussi se mettent à emprunter : ils ont un emploi, leurs salaires augmentent et ils cherchent à réaliser les gros achats qu’ils n’oseraient pas faire en temps normal. En réduisant leurs taux d’intérêt, les banques contribuent donc à accélérer davantage la croissance.
Pourtant, ce phénomène a un effet pervers : si la demande des consommateurs se développe plus rapidement que l’offre des entreprises, alors ces dernières vont augmenter leurs prix, produisant de l’inflation.
Et si cette augmentation des prix parvient à dépasser le niveau des taux d’intérêts, il va vite devenir plus intéressant pour les entrepreneurs d’emprunter que développer leurs stratégies de production.
Un exemple : pour produire, une entreprise doit investir, en matière première, en travail, etc. Avec une inflation de 10 %, sa production ou ses machines d’une valeur de 100 000 € aujourd’hui vaudront l’équivalent de 110 000 € dans un an.
Si les banques proposent un taux d’intérêt de 1 %, en empruntant 100 000 €, l’entreprise devra rembourser 101 000 €.
Si elle investit cette somme dans ses machines ou de la production supplémentaire, dans un an, la valeur de ces achats sera équivalente à 110 000 € alors qu’elle n’aura remboursée que 101 000 € à sa banque ! Sans innover, sans se développer, sans investir et sans embaucher, l’entreprise sera donc parvenue à augmenter ses bénéfices, développer ses marges bénéficiaires, en jouant sur les taux d’intérêt et l’inflation. C’est ce qu’on appelle la spéculation.
Mais l’enrichissement des producteurs n’est alors plus fondé sur la création de biens et de services : cela signifie pour les banques que leur situation devient plus risquée. Si l’inflation ralentit, les entreprises gagneront moins d’argent et ne pourront peut-être plus rembourser leurs emprunts. Elles vont donc décider de relever progressivement leur taux d’intérêt, au fur et à mesure que le risque s’accroît, pour n’accorder des crédits qu’aux entreprises les plus solvables…
La hausse du taux d’intérêt entraine donc la baisse de la demande de crédit : les entreprises n’ont plus d’avantages à emprunter, les ménages non plus. Leur consommation – la demande – diminue donc, entraînant la baisse des prix et l’incapacité des entreprises à rembourser leurs prêts. Les faillites commencent à se multiplier, entraînant des licenciements en grand nombre. C’est le début de la récession.
Pour résumer, en période de croissance, les banques baissent leurs taux d’intérêt car les emprunteurs sont fiables. Elles contribuent à alimenter cette croissance, mais aussi à voir apparaître l’inflation. Face à cette inflation et aux stratégies spéculatives, elles finissent par relever ces mêmes taux d’intérêt, provoquant cette fois-ci une récession.
Par leurs comportements, les banques contribuent donc directement à dégrader la situation économique et à amplifier les destructions d’emplois et le chômage. Ce phénomène s’illustre particulièrement bien à travers l’exemple de la crise de 2008.
Un exemple : la crise de 2008 et ses conséquences
Un exemple : la crise de 2008 et ses conséquences
Pour permettre aux personnes les plus défavorisées de devenir propriétaires, les banques américaines proposaient au début des années 2000 des crédits particuliers appelés « subprimes ». À l’époque, les prix de l’immobilier ne cessaient d’augmenter. Les banques proposaient donc aux ménages de leur prêter de l’argent à un taux très bas pour qu’ils puissent acheter un bien. Elles y incluaient une clause particulière : si les emprunteurs ne pouvaient pas rembourser, la banque deviendrait propriétaire du bien en question. Cette disposition leur a permis de prévenir le risque de non-remboursement : avec l’inflation immobilière, si la banque redevient propriétaire du bien et le revend à un prix plus élevé, elle pourra faire un bénéfice très important.
La demande de crédit augmente très rapidement. Quasiment tout le monde peut désormais s’acheter une maison ou un appartement et les prix des logements augmentent à une vitesse encore plus impressionnante. Malgré cette augmentation déraisonnée, les ménages continuent de leur côté à s’endetter, au-delà même de leurs capacités de remboursement : ils s’imaginent qu’en cas de difficultés financières, ils pourront toujours revendre leur bien immobilier à prix d’or.
Jusqu’au moment où les prix de l’immobilier deviennent vraiment trop importants. Malgré les taux d’intérêt bas, les ménages n’ont plus les moyens de se payer un logement. Les prix finissent donc par baisser. Pour les banques, cette baisse signifie que la valeur des logements ne leur garantit plus de se prémunir contre le défaut de paiement : elles augmentent leurs taux d’intérêt. Les ménages se retrouvent alors surendettés, contraints de revendre leur logement à des prix dérisoires.
- Les banques ont été directement responsables du phénomène.
Les conséquences se font rapidement ressentir sur la croissance américaine : les sociétés qui se finançaient via le marché de l’immobilier se retrouvent en difficultés car le cours de leurs actions s’effondre.
De leur côté, les ménages, qui voient la valeur de leur patrimoine baisser, réduisent leur consommation pour se constituer une épargne de précaution, entrainant mécaniquement une contraction de la production. Les entreprises, quant à elles, voient notamment la consommation de biens liés au logement diminuer fortement et décident de réduire à leur tour leurs investissements.
Les entreprises mondiales qui dépendent du secteur immobilier sont toutes touchées, entrainant avec elles les entreprises qui leur sont liées. Peu à peu, par ce jeu d’interdépendances, la crise se répand à l’ensemble de la planète, les croissances chutent dans la quasi-totalité des pays industrialisés, comme on peut le voir sur le graphique ci-dessous :
Graphique du taux de croissance du PIB aux États-Unis, en France et dans la zone euro
Conclusion :
Depuis une trentaine d’année, les crises financières ont tendance à se multiplier. Ces crises s’expliquent notamment par un mécanisme étroitement lié à la stratégie des banques : le cycle du crédit. Par leurs comportements, les banques contribuent parfois à générer ou alimenter encore davantage les situations de récession. En 2008, la crise des « subprimes » aux états-unis est l’un des exemples les plus révélateurs. Depuis pourtant, les pouvoirs publics, les chefs d’états, ont décidé de mettre en place de nouvelles règles destinées à mieux encadrer les activités bancaires et empêcher ce genre de situation de se renouveler.