Conflits et tentatives de paix dans le monde contemporain
Introduction :
Alors que la fin de la guerre froide (1947-1991) laissait entrevoir la construction d’une paix internationale démocratique sous l’égide des Nations Unies, les années 1990 ont au contraire vu se multiplier les conflits armés, au point que la décennie 1990 a pu être qualifiée de « décennie du chaos » en Afrique. La définition classique de la guerre, perçue comme un conflit entre États, semble aujourd’hui dépassée du fait de l’émergence de nouvelles formes de conflits dont certaines sont héritées du passé. Dans ce contexte, le nombre de conflits interétatiques décroît, excepté dans leur dimension frontalière, faisant émerger de nouveaux acteurs comme les sociétés militaires privées, tandis que les conflits internes s’inscrivent dans la durée et contaminent des États qui en étaient jusqu’alors indemnes.
Quels sont aujourd’hui les acteurs et les formes des conflictualités ? En quoi sont-elles différentes de celles du passé ? Répondre à cette question nécessite, dans un premier temps, de saisir les évolutions des notions de guerre et de paix à travers l’histoire. Nous nous efforcerons, dans un second temps, de dresser un panorama des conflits actuels, de leurs acteurs et de leurs modes de résolution.
Guerre et paix : une histoire pluriséculaire
Guerre et paix : une histoire pluriséculaire
Évolution de la guerre en Europe depuis l’Antiquité
Évolution de la guerre en Europe depuis l’Antiquité
À partir de l’Antiquité, la guerre s’institutionnalise progressivement dans le cadre des cités-États. Elle repose sur des principes simples unanimement reconnus, comme l’inviolabilité de la personne des ambassadeurs.
Les Romains, comme la majorité des peuples antiques, considéraient que le fait de porter atteinte à l’intégrité d’un ambassadeur pouvait être un motif légitime de guerre. En d’autres termes, la personne de l’ambassadeur était considérée comme sacrée.
Dans les cités grecques, chaque citoyen participe à l’effort de guerre selon ses moyens : les aristocrates forment la cavalerie, tandis que les autres citoyens composent l’infanterie. Les péripéties de la guerre de Troie, narrées par Homère dans l’Iliade, constituent le parfait exemple de cette conception commune de la guerre dans l’Antiquité. Avec l’essor de la République romaine (509 à 27 avant J.-C.), puis de l’Empire (-27 à 476), apparaît l’armée régulière et professionnelle, encadrée par des officiers formés par l’État et dont le recrutement est organisé par l’administration et l’équipement financé par le pillage des régions conquises et l’impôt sur les peuples vaincus. La guerre est ainsi vue comme un acte civique.
La chute de l’empire romain, en 476, va entraîner un profond bouleversement de la guerre. À l’armée professionnelle permanente des Empereurs romains succède l’armée médiévale non permanente : l’ost. Convoqués à l’assemblée générale, le plaid, les hommes libres sont enrôlés dans l’armée du souverain, leur solde résidant dans le partage d’un hypothétique butin. Chaque seigneur peut ainsi lever son ost sur ses terres et appeler ses vassaux à lui prêter main-forte. L’affaiblissement du pouvoir central carolingien après le règne unificateur de Charlemagne (768-814) va voir l’apparition d’une multitude de petites armées seigneuriales aux mains des vassaux du roi.
- Leur rassemblement crée l’ost royal.
La stratégie militaire évolue, l’infanterie est remplacée par la cavalerie : c’est l’époque de la chevalerie, une aristocratie militaire entretenue par la population qui est encadrée par l’Église. La guerre est saisonnière et ne s’étend généralement pas à l’hiver. L’apparition de nouvelles armes, en particulier l’artillerie, modifie la nature de la guerre à partir du XIVe siècle et de la guerre de Cent Ans (1337-1453).
Guerre de Cent Ans :
La guerre de Cent Ans est un conflit armé qui opposa la dynastie des Plantagenêts, c’est-à-dire le royaume anglais, à la dynastie des Valois qui régnait sur la France. La cause principale de ce conflit est la revendication de la couronne de France par le roi d’Angleterre Édouard III et ses descendants en 1337. Elle s’achève par une victoire française en 1453.
La bataille d’Azincourt, en 1415, voit l’anéantissement de la chevalerie française par des archers britanniques inférieurs en nombre et marque le début de la suprématie des armes à longue distance sur les champs de bataille. Elle amorce également la salarisation de l’armée. Dans les dernières années de la guerre de Cent Ans, en 1445, le roi Charles VII interdit les compagnies privées et les remplace par une armée permanente placée sous l’autorité directe du roi.
Sous l’Ancien régime, la guerre devient le monopole de l’État mais le commandement reste réservé aux nobles. Avec la Révolution, tout s’accélère. Pour faire face aux ennemis de l’intérieur (contre révolution en Vendée) et extérieurs, la conscription (réquisition de ses citoyens par un État pour servir dans les forces armées) est mise en place.
Néanmoins, ce sont les guerres napoléoniennes qui vont complètement bouleverser les conceptions sur l’art de la guerre, l’objectif ultime de la guerre étant dès lors la destruction de l’armée adverse et la guerre ne se concevant que comme un affrontement entre États.
Enfin, au XIXe siècle, l’armée s’industrialise. À sa tête, les aristocrates cèdent peu à peu la main à des officiers professionnels formés au sein d’écoles militaires. Ce processus d’industrialisation de la guerre va conduire aux deux guerres mondiales (1914-1918 et 1939-1945) : des guerres totales, mobilisant toutes les ressources des États dans le but d’anéantir l’adversaire. Menées à l’échelle de la planète, elles se déroulent sur plusieurs fronts et provoquent des dégâts effroyables du fait de la puissance des armes employées et un bilan humain dramatique.
Leur originalité réside dans le fait qu’elles ont enfanté non pas la paix mais une nouvelle forme de conflit : la guerre froide, dans laquelle les principales puissances belligérantes, neutralisées par la dissuasion nucléaire, s’affrontent par le biais d’alliés interposés sur des champs de bataille secondaires. Des acteurs irréguliers émergent comme le Front national de libération du Sud Viêt Nam (péjorativement surnommé Vietcong par ses adversaires) qui menait des actions de guérilla au Sud-Vietnam lors de la guerre du Vietnam (1964-1975).
Initialement conflit entre cités rivales, la guerre s’est peu à peu professionnalisée et est devenue à l’époque moderne un conflit entre États. Parallèlement, ses règles et sa portée ont évolué. Restreinte à l’aristocratie et à un nombre réduit de mercenaires au Moyen Âge et se déroulant sur des territoires circonscrits, la guerre a pris une dimension totale et mondiale au cours du XXe siècle, rendant son encadrement plus difficile.
Prévenir la guerre
Prévenir la guerre
La diplomatie est le premier et le plus ancien moyen utilisé dans l’histoire pour éviter la guerre.
Diplomatie :
Représentation des intérêts d’un pays à l’étranger et conduite de négociations entre des personnes, des groupes ou des États afin de régler un différend sans faire usage de la violence.
Le chant III de l'Iliade mentionne une ambassade des Grecs menée par Ulysse auprès des Troyens afin d’éviter la guerre de Troie. À l’origine du conflit se trouve Pâris, fils du roi de Troie Priam, qui avait enlevé Hélène, épouse du roi de Sparte Ménélas. En réponse à cet affront, ce dernier avait demandé et obtenu le soutien des autres rois grecs pour récupérer son épouse. À la question de Priam de savoir quelle était la personnalité d’Ulysse, Hélène aurait répondu : « Il est expert en ruses de tout genre autant qu'en subtils pensées », décrivant en Ulysse le parfait diplomate. Si l’ambassade d’Ulysse fut un échec et n’empêcha pas la guerre, sa mention dans l’Iliade, avec d’autres, démontre que le recours à la diplomatie pour éviter la guerre était usuel dans la Grèce antique.
En 80 avant J.-C., Jules César lui-même fut chargé d’une ambassade auprès de Nicomède IV, roi de Bythinie, royaume situé en Asie mineure. Le récit scabreux de cette ambassade, qui fut un succès pour les Romains, nous est parvenu par la plume de Suétone, historien romain de la fin du Ier siècle après Jésus Christ dans ses Vies des douze Césars. La pratique des ambassades perdura au Moyen Âge.
L’exemple le plus fameux étant peut-être celui de l’ambassade envoyée par le calife de Bagdad, Harun al-Rachid, à Charlemagne, en 802, au cours de laquelle le calife offrit à son homologue chrétien un éléphant blanc nommé Abul-Abbas qui fit grande impression à la cour d’Aix-la-Chapelle au point d’ailleurs que le présent reçu par l’empereur fut plus documenté dans les chroniques franques que le résultat même de l’ambassade !
- Au Moyen Âge, la paix se fait ainsi de souverain à souverain et non d’État à État.
C’est d’ailleurs à la fin du Moyen Âge que les relations consulaires se développent avec le désir des cités marchandes italiennes de protéger leurs ressortissants qui commerçaient en Orient.
Cependant, il faut attendre le Congrès de Vienne en 1815 pour que la diplomatie se professionnalise.
Encadrer la guerre
Encadrer la guerre
En cas d’insuffisance de la diplomatie à éviter les conflits, comme dans l’exemple de la guerre de Troie, on a longtemps cherché à les encadrer. On retrouve les premières traces de ce souci de codifier la guerre pour en éviter les excès dans les monothéismes.
Le Deutéronome, qui fait partie de l’Ancien Testament, contient des interdictions de détruire les récoltes, les arbres fruitiers, d’empoisonner les sources d’eau ou encore de mutiler les combattants. L’islam interdit également ces pratiques, et oblige à protéger les civils et les prisonniers.
Les théologiens vont chercher à déterminer si une guerre est licite (jus ad bellum) et ce qu’il est juste de faire ou non au cours de la guerre (jus in bello). Pour Augustin, évêque d’Hippone (395-430) la guerre n’est légale du point de vue de l’Église que si sa cause est juste, si elle est menée dans de bonnes intentions et si elle est menée sous la conduite d’une autorité légale. Ainsi la Papauté intervient fréquemment dans les conflits de l’Europe médiévale, et peut soutenir une partie en excommuniant ses adversaires (comme lors de la conquête de l’Angleterre par Guillaume le Conquérant en 1066 ou la Bataille de Bouvines remportée par le Roi de France en 1214).
Dans son De Jure Belli ac Pacis (Le Droit de la guerre et de la paix) le diplomate et philosophe de la Renaissance Hugo Grotius décrit la guerre juste comme la poursuite d’un droit par la force armée. Ce qui importe avant tout est la justesse de la cause et le respect du jus gentium (droit des gens) qui s’applique même aux étrangers.
Progressivement cependant, de juste, la définition de la guerre évolue vers celle d’un conflit régulier entre États. Cette idée est notamment explicitée et défendue par Kant (1724-1804), pour qui la guerre « lorsqu’elle est conduite avec ordre et dans le respect sacré des droits civiques » est, « pour un État, le moyen licite de défendre son droit contre un autre État. »
Avec les guerres modernes, un droit international va être mis en place afin d’encadrer la violence de la guerre. Ce droit international repose sur trois piliers : le droit à la guerre, le droit international humanitaire et le droit à la maîtrise des armements. Ce sont ces piliers qui, aujourd’hui encore, encadrent la guerre moderne.
Née dans l’Antiquité, la diplomatie s’est progressivement professionnalisée à partir du Congrès de Vienne de 1815 avec pour objectif d’éviter la guerre. Progressivement cependant, le principe de guerre juste, élaboré entre la fin de l’Antiquité et le Moyen Âge évolue vers un droit international qui vise à circonscrire la guerre conçue comme un affrontement légitime entre États.
Panorama des conflits armés contemporains
Panorama des conflits armés contemporains
La période contemporaine se caractérise par la pérennisation, voire la multiplication de conflits de natures différentes dans le monde.
Les conflits armés contemporains peuvent être divisés en deux catégories : les conflits interétatiques et les conflits internes.
Les conflits armés contemporains interétatiques
Les conflits armés contemporains interétatiques
Conflit interétatique :
Guerre qui oppose deux ou plusieurs États souverains.
La forme la plus ancienne de la guerre interétatique est sans doute la guerre de conquête. L’objectif poursuivi par les belligérants dans ce type de conflit est l’appropriation (ou la défense) de tout ou partie d’un territoire. Par conséquent, il ne s’agit pas d’un conflit qui vise à l’anéantissement de l’adversaire comme l’ont été les guerres totales de la première partie du XXe siècle, encore que ce but semble avoir motivé la troisième guerre punique que les Romains livrèrent à Carthage (149-146 avant J.-C.) et qui se solda par la destruction totale de la cité. Le sénateur Caton l’Ancien, chef de file des partisans de la guerre au Sénat, ponctuait en effet toutes ses interventions (qu’elles qu’en aient été le sujet) par la maxime « Carthago delenda est », qui peut être traduite par « Carthage doit être détruite », ne laissant guère de place au doute quant à l’objectif poursuivi par les Romains. Les exemples de guerres interétatiques à l’époque contemporaine ne manquent pas. On peut penser par exemple à la guerre de Corée entre 1950 et 1953 au cours de laquelle la Corée du Nord, communiste, essaya de conquérir la Corée du Sud. Plus proche de nous, la guerre des Malouines vit s’opposer du 2 avril au 14 juin 1982 le Royaume-Uni à l’Argentine pour le contrôle de l’archipel des Malouines. Ayant engendré un millier de victimes, le conflit se solda par le maintien de la souveraineté britannique sur l’archipel.
Au cours de la guerre froide, le Moyen-Orient s’est également embrasé à plusieurs reprises dans des guerres interétatiques motivées par une volonté de conquête.
Plus récemment encore, l’annexion de la Crimée par la Russie – au détriment de l’Ukraine – peut être assimilée à une guerre de conquête. Entre février et mars 2014, la Russie a en effet annexé la Crimée suite à la sécession de ce territoire avec l’Ukraine. Officiellement, il n’y a pas eu de guerre entre l’Ukraine et la Russie. Néanmoins, les troupes russes sont intervenues militairement sur le terrain, grimées en partisans pro-russes. Pour la Russie, le port de Sébastopol est stratégique puisqu’il représente l’unique point d’attache de la flotte russe sur la mer Noire, c’est-à-dire un accès vital à la Méditerranée par le biais du détroit du Bosphore.
Les conflits transfrontaliers opposent deux États sur le tracé de la frontière qui délimite leur territoire respectif. De simple différend, ces conflits peuvent dégénérer en guerres interétatiques.
L’exemple le plus emblématique est sans nul doute la guerre Iran-Irak qui opposa ces deux États du Moyen-Orient pendant huit ans, entre 1980 et 1988, occasionnant plus d’un million de victimes.
La guerre qui opposa l’Érythrée (devenue indépendante de l’Éthiopie en 1993) à l’Éthiopie entre 1998 et 2000 avait aussi pour origine un litige frontalier.
Enfin, le conflit du Cachemire, région située à la frontière de l’Inde, de la Chine et du Pakistan oppose ces trois États, et plus particulièrement l’Inde et le Pakistan depuis leur indépendance en 1947.
Entre 1947 et 1949 eut lieu la première guerre indo-pakistanaise qui aboutit à la partition du Cachemire de part et d’autre de la « ligne de contrôle », l’une des frontières les plus militarisées du monde. Jamais réglé définitivement, le conflit autour du Cachemire est au cœur de tensions récurrentes entre l’Inde, le Pakistan et, dans une moindre mesure, la Chine, trois puissances détenant l’arme nucléaire ! La dernière éruption de ces tensions susceptible de conduire à une nouvelle guerre a eu lieu en 2016.
Les conflits armés contemporains intra-étatiques
Les conflits armés contemporains intra-étatiques
Les conflits internes ou intra-étatiques, s’ils concernent généralement des territoires plus restreints que les conflits interétatiques, sont cependant plus nombreux à l’échelle du globe.
Conflit intra-étatique :
Guerre qui a lieu à l’intérieur d’un État souverain, pouvant impliquer celui-ci.
On peut distinguer plusieurs types de conflits internes : les guérillas, les guerres civiles ou les guerres de religions.
Guérilla :
La guérilla (« petite guerre » en espagnol) est une guerre sans ligne de front constituée de harcèlement, d’embuscades et de coups de main menée par des unités irrégulières à l’intérieur d’un État.
Le terme guérilla désigne aussi les groupes armés qui mènent ce type de conflit.
La guérilla la plus emblématique de l’histoire contemporaine est celle des Farc (Fuerzas armadas revolucionarias de Colombia). De sensibilité communiste, cette guérilla a été active en Colombie à partir de 1966. En 2016, les FARC ont conclu un accord de paix avec le gouvernement colombien. Cependant, des éléments dissidents ont décidé de reprendre les armes en août 2019, entraînant un renouveau du conflit. Très implantée dans les zones rurales, la guérilla est principalement financée par le trafic de la drogue et la pratique des enlèvements. Ses actions combinent des opérations de sabotage d’infrastructures et des coups de mains audacieux contre des villes, des villages ou des postes militaires.
- Les guerres civiles représentent cependant aujourd’hui l’essentiel des guerres intra-étatiques.
Guerre civile :
Lutte armée qui oppose les forces armées d’un État à plusieurs groupes armés identifiables sur le territoire de cet État, ou ces différents groupes entre eux.
Parmi les nombreuses guerres civiles qui ont secoué le monde après la fin de la guerre froide, la majorité ont eu lieu sur le continent africain et au Moyen-Orient. Pour cette raison (et du fait des nombreuses famines qui y régnaient), la décennie 1990 a été qualifiée de décennie du chaos en Afrique.
Le premier conflit emblématique de cette situation a été popularisé par le film Blood Diamonds en 2007. Il s’agit de la guerre civile qui opposa le Front révolutionnaire uni à l’État en Sierra Leone, entre 1991 et 2002. Sur fond de diamants de sang et de guerre civile dans l’État voisin, le Liberia, ce conflit engendra plus de 120 000 victimes et des milliers de mutilations, en particulier d’amputations des mains.
À la même époque, dans la Corne de l’Afrique, débutait la guerre civile en Somalie (1991) qui se solda par l’échec de l’intervention des Nations Unies (1992-1995) illustré au cinéma par le film La chute du faucon noir. Toujours en cours actuellement, cette guerre a conduit au morcellement territorial du pays et est un deuxième conflit emblématique de la décennie du chaos en Afrique.
Au nord du pays, la région du Somaliland a proclamé unilatéralement son indépendance, tandis que le sud est majoritairement contrôlé par les milices islamistes Shebab, qui font régner l’insécurité dans la région de Mogadiscio, la capitale, tenue par le gouvernement et dans les pays voisins comme le Kenya. La morcellement du pays est tel aujourd’hui qu’on peut parler d’État fantôme pour le qualifier.
Les guerres de religion représentent également un type de guerre intra-étatique puisqu’elles opposent deux groupes religieux entre eux, le but étant de convertir par la force les fidèles du camp opposé ou de les éliminer.
La troisième guerre civile centrafricaine peut être qualifiée de guerre religieuse. Déclenchée en 2013, le conflit oppose les milices de la Seleka, majoritairement musulmanes et fidèles au président Djotodia à des groupes d’auto-défense animistes et chrétiens baptisés anti-balaka et fidèles à l’ancien président François Bozizé. Malgré l’intervention de l’ONU et la signature d’un accord de cessation des hostilités, le 23 juillet 2014 à Brazzaville, les tensions perdurent dans le pays.
La polémologie – étude de la guerre considérée comme un phénomène social – distingue deux grandes catégories de conflits armés : les conflits interétatiques et les conflits intra-étatiques. La première catégorie se compose principalement de conflits frontaliers et de guerres de conquête tandis que les conflits internes regroupent les guerres civiles et les guérillas, mais également des formes de conflits hybrides, comme la troisième guerre civile centrafricaine dont les caractéristiques coïncident davantage avec la guerre de religions qu’avec la guerre civile.
Acteurs et modes de résolution des conflits : essai d’une typologie
Acteurs et modes de résolution des conflits : essai d’une typologie
On dénombre trois acteurs principaux des conflits dans le monde contemporain : les armées, les groupes irréguliers (dont les groupes terroristes ou les milices) et des sociétés privées.
Les armées sont l’ensemble des forces militaires d’un État. Les conférences de la paix de La Haye en 1899 et 1907 ont défini le droit de la guerre, « c’est-à-dire l’ensemble des règles que doivent observer les belligérants dans la conduite des hostilités. » Parmi ces règles, on trouve l’obligation pour les soldats de porter un uniforme distinctif et de respecter un ensemble de règles clairement définies, notamment l’interdiction de s’attaquer aux populations civiles. En outre, les conférences de la Haye interdisent le recourt aux francs-tireurs, c’est-à-dire aux combattants organisés parallèlement à l’armée, s’ils ne portent pas de signes distinctifs assimilables à un uniforme et ne respectent pas les règles de la guerre établies par les conférences. Cette stipulation a été invoquée pour justifier la répression très dure des résistants par l’armée allemande.
Parallèlement aux forces armées régulières, les forces irrégulières sont de plus en plus présentes sur les champs de bataille. Ce terme recouvre les milices, c’est-à-dire des organisations paramilitaires, mais aussi les groupes terroristes ou les francs-tireurs, c’est-à-dire des organisations armées informelles qui ne combattent pas dans le respect du droit de la guerre et ne disposent pas du monopole légitime de la violence reconnu à l’État.
Enfin, à la fin de la guerre froide, se sont développées des sociétés militaires et de sécurité privées offrant leurs services au plus offrant. L’essor de ces sociétés a été favorisé par celui de la doctrine néo-libérale de la guerre dans les pays anglo-saxons.
Le gouvernement américain a fait massivement appel à elles au cours des conflits en Afghanistan et en Irak (elles ont déployé plus de 100 000 hommes en Irak, pour assurer la formation de la police irakienne mais aussi pour participer à la traque des membres d’Al Qaida et des groupes insurgés).
Cependant, ces sociétés ont été au cœur de nombreux scandales, le plus médiatisé étant sans doute celui de la société Blackwater. Basée en Caroline du Nord, Blackwater a connu un développement exponentiel en contractant de nombreux engagements avec le gouvernement américain pour des missions en Afghanistan et en Irak à partir du début des années 2000. En 2006, un an avant que ne survienne le scandale sur ses activités en Irak, Blackwater s’était vu octroyer pour 590 millions de dollars de contrats par le gouvernement américain. En 2007 cependant, la société est accusée de déroger aux règles du droit international au cours de ses engagements en Irak et en Afghanistan et de commettre des exactions contre des civils. Le 1er octobre 2007, un rapport de la Chambre des représentants des États-Unis recense de nombreuses dérives et exactions commises par les personnels de la société en Irak. Cette dernière perd peu à peu ses contrats sans pour autant être vraiment inquiétée.
- Le scandale n’a d’ailleurs par remis en cause le principe du recours à des sociétés privées sur des théâtres d’opérations militaires.
Comme la guerre, la paix peut prendre différentes formes. Le cas le plus commun est sans doute celui d’une médiation d’un acteur extérieur au conflit entre les principaux belligérants, qu’il s’agisse d’un État neutre comme la Suisse ou la Suède lors de la Seconde Guerre mondiale, d’un État entretenant des relations de confiance avec l’ensemble des belligérants ou d’une organisation supranationale comme l’ONU.
La pratique est ancienne : au Moyen Âge déjà, le roi de France Louis IX, futur Saint Louis (1226-1270), fut médiateur dans plusieurs conflits en Europe. L’exemple le plus emblématique est sans doute celui du Dit d’Amiens, en 1264. En 1263, le roi d’Angleterre, Henri III et ses barons, qui entretenaient un conflit, sollicitèrent l’arbitrage du roi de France. Ce dernier rendit son arbitrage, connu comme le Dit d’Amiens, en faveur de son homologue anglais. Cette médiation rétablit la paix au sein du royaume anglais.
Les exemples contemporains sont légion. Fin 2019, la Russie, alliée du régime syrien du président Bachar al-Assad et entretenant de très bonnes relations avec la Turquie, parvint à éviter un conflit armé ouvert entre les deux pays. La Turquie souhaitait en effet envahir militairement le nord de la Syrie afin d’en repousser les forces kurdes ce que Damas refusait catégoriquement étant donné qu’il s’agissait d’une violation de sa souveraineté territoriale.
Plus généralement, l’ONU joue un rôle de médiation entre les États en conflit. Au-delà de ce rôle de médiation, l’ONU peut également déployer des troupes armées (casques bleus) sur le terrain afin de faire respecter ses résolutions et d’éviter le déclenchement ou la poursuite d’une guerre. Aujourd’hui plus de 100 000 casques bleus sont déployés dans une quinzaine de pays à travers le monde comme par exemple sur le plateau du Golan pour empêcher une reprise du conflit entre Israël et la Syrie.
La paix peut également être le fruit de l’interdépendance entre les États lorsque disparaissent d’un commun accord les enjeux de leur affrontement. L’exemple le plus emblématique à l’époque contemporaine est sans nul doute celui des relations du couple franco-allemand au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
Elle peut également survenir suite à l’épuisement mutuel des adversaires. À l’issue d’un temps de latence plus ou moins long, au cours duquel les adversaires reconstituent leurs forces, le conflit peut reprendre ou bien un traité de paix être conclu.
L’exemple de la guerre de Corée (1950-1953) est emblématique de ce point de vue. À l’issue de trois années de guerre meurtrières, les belligérants, incapables de remporter la décision (à l’issue de trois ans d’une guerre ayant occasionné plus de 1,5 millions de victimes, aucun des deux camps n’était parvenu à remporter un avantage décisif et le front était stabilisé le long du 38° parallèle nord, point de départ du conflit) convinrent d’un cessez-le-feu toujours en vigueur de nos jours.
On peut également garantir la paix grâce à l’équilibre des puissances. Le principe de cette paix est relativement simple. Un système d’alliances, qui se matérialisent par des traités de paix, permet de pacifier les relations entre États. Ce fut le cas de la Sainte Alliance, conclue le 26 septembre 1815 à Paris par les monarchies victorieuses de Napoléon (Empire russe, Empire d’Autriche et royaume de Prusse) avec pour objectif de maintenir la paix en Europe. C’est aussi le cas de l’OTAN : créée le 4 avril 1949 dans le contexte de la guerre froide, l’Organisation du traité de l'Atlantique nord regroupait à l’origine le Canada, les États-Unis et la majeure partie des puissances non communistes d’Europe (dont la Turquie) afin d’assurer collectivement leur sécurité et leur défense face à l’URSS.
Enfin, la paix peut advenir après disparition des causes de l’affrontement. C’est par exemple le cas du traité de paix israélo-égyptien conclu en 1979 aux termes duquel les Israéliens acceptaient de restituer le désert du Sinaï à l’Égypte en échange de quoi les Égyptiens accordaient aux Israéliens un libre accès au Canal de Suez et au détroit de Tiran, seul point d’accès à la mer Rouge pour Israël.
Avec la fin de la guerre froide, de nouveaux acteurs sont apparus sur les champs de bataille aux côtés des armées régulières et des combattants irréguliers, les sociétés militaires privées, non sans provoquer de nombreuses dérives du point de vue du droit de la guerre. Les modes de résolution des conflits sont aussi divers que leurs acteurs. Outre la médiation, qui fait intervenir un acteur extérieur au conflit, ces derniers peuvent se résoudre par épuisement mutuel des belligérants mais aussi par la ratification de traités de paix ou d’alliance ou, plus épisodiquement, par la création d’une situation d’interdépendance, le plus souvent économique, entre deux États rivaux, comme ce fut le cas de l’Allemagne et de la France après la Seconde Guerre mondiale, qui s’engagèrent dans le processus de la construction européenne.
Conclusion :
Le droit et les règles de la guerre, tels que nous les connaissons actuellement, découlent d’une longue évolution historique, tout comme les différents moyens pour encadrer la violence qui s’exerce au cours des conflits. Alors que la fin de la guerre froide paraissait être synonyme d’une promesse de paix et de pacification du monde, la nature et les acteurs de la guerre se sont diversifiés. Aujourd’hui, de nombreux conflits, interétatiques comme intra-étatiques, menacent la stabilité du monde, en particulier en Afrique et au Moyen-Orient mobilisant des acteurs étatiques, mais également des groupes de combattants irréguliers (dont des mouvements terroristes et des sociétés militaires privées). Face à cette recrudescence des conflits et des tensions qui menacent l’équilibre des puissances dans le monde, des États neutres ainsi que l’ONU proposent leur médiation, voire interviennent directement sur le terrain pour séparer les belligérants comme c’est le cas des casques bleus, déployés par l’ONU sur une quinzaine de terrains d’opérations.