L’utopie
Introduction :
L’utopie évoque un lieu qui n’existe nulle part et qui présente des caractéristiques idéales. C’est donc un lieu imaginé. L’utilisation de l’utopie en littérature ou dans le cinéma permet une réflexion sur une société idéale qui pourrait servir de modèle et permettre d’améliorer les conditions de vie en société. L’utopie est liée au genre de la science-fiction. Le fait de placer l’action dans un temps futur permet en effet de prendre du recul sur le présent afin de mieux réfléchir sur des questions essentielles.
Nous nous interrogerons donc sur ce que peut changer l’utopie à notre vision du monde.
Nous étudierons dans un premier temps les origines de l’utopie avec le texte fondateur de Thomas More, L’Utopie. Puis nous verrons un exemple cinématographique de la mise en scène de l’utopie, à travers l’étude du film The Truman Show.
Aux sources de l’utopie
Aux sources de l’utopie
L’Utopie est un ouvrage de Thomas More paru en 1516. Il est le texte fondateur de la pensée utopique, le mot « utopie » étant lui-même issu du titre de l’œuvre de Thomas More. Il s’agit d’un récit qui s’apparente à un essai et à une satire de la société au XVIe siècle.
Essai :
Un essai est un texte argumentatif qui analyse les aspects d’un sujet.
Satire :
Une satire est un texte qui a pour but de critiquer des éléments de la société afin de les dénoncer.
Représentation de l’île d’Utopie – Rudi Palla, 1516
Les idées de Thomas More seront d’ailleurs reprises afin d’élaborer des théories économiques. Le narrateur raconte dans cet extrait quelques-unes des coutumes des Utopiens, habitants de l’île d’Utopie, isolée du reste du monde.
« Enfin, tous ceux qui ont commis quelque crime d’infamie 1 portent des anneaux d’or à leurs oreilles et à leurs doigts, des carcans d’or au cou, et des couronnes d’or sur la tête. Ainsi veillent-ils, par tous les moyens, à faire mépriser l’or et l’argent ; alors que toutes les autres nations souffrent autant d’en être privées qu’à se voir arracher les entrailles, les Utopiens perdraient toutes leurs richesses sans se considérer plus pauvres d’un sou.
Ils recueillent aussi des perles sur le rivage, et même, dans certaines roches, des diamants et des rubis : et pourtant ils ne les cherchent pas, mais quand par hasard ils en trouvent ils les polissent 2. Ils en parent les petits enfants, qui se réjouissent de tels bijoux dans leur premier âge ; mais en grandissant, ils s’aperçoivent que seuls les enfants usent de ces colifichets 3 et, sans intervention de leurs parents, d’eux-mêmes, ils les rejettent, tout comme nos enfants, avec l’âge, délaissent leurs noix, leurs bulles et leurs poupées. »
1 Action mauvaise, honteuse.
2 Conjugaison du verbe polir, qui signifie frotter un objet pour le rendre lisse.
3 Petits objets de fantaisie sans valeur.
Thomas More élabore une stratégie économique à l’opposé de celle qui est pratiquée habituellement.
L’ordre établi dans la société actuelle veut que l’or et les pierres précieuses soient les biens les plus convoités, rendant les hommes hargneux et menant à des guerres. Cette comparaison est sous-entendue par la phrase : « alors que toutes les autres nations souffrent autant d’en être privées qu’à se voir arracher les entrailles ». L’or est donc réservé aux tâches les plus viles, More en fait une marque pour les criminels. En effet, ces derniers portent des bijoux : « des anneaux d’or, à leurs oreilles et à leurs doigts, des carcans d’or au cou, et des couronnes d’or sur la tête. » Ainsi, la notion de richesse n’existe pas en Utopie.
Quant aux pierres précieuses, ils ne les cherchent pas et ne tuent pas d’être humain pour l’exploitation des mines. Ils ont bien conscience qu’il s’agit de jolis objets rares, mais font preuve de générosité et les donnent aux enfants. Ainsi, ces derniers ne s’intéressent plus à ces pierres en grandissant, tout comme les enfants d’aujourd’hui délaissent leurs « poupées ».
La critique du désir de posséder toujours plus est sous-entendue dans la description que fait More des coutumes utopiennes.
Ainsi, le lecteur peut saisir le ridicule de la soif de pierres précieuses qui s’empare des exploitants de mines, allant même jusqu’à être la cause de guerres, asservir et tuer des hommes pour un simple caillou scintillant. Que l’enfant soit fasciné par sa beauté est normal, selon More, mais il devrait s’en désintéresser ensuite, puisque cela s’apparente à un jouet.
S’apparenter :
Le verbe s’apparenter signifie ressembler.
Il dévalue les biens que nous considérons être des richesses, à l’époque contemporaine tout comme au XVIe siècle.
Ainsi, la société décrite par Thomas More paraît plus sage que la société réelle. Elle révèle par contraste les travers des modes de pensée et de fonctionnement de cette dernière. C’est toute l’économie qui se trouverait bouleversée si l’on s’inspirait de More, mais aussi les rapports humains.
- Son Utopie peut donc servir de modèle à la construction d’un nouveau mode de fonctionnement.
The Truman Show ou l’utopie contrariée
The Truman Show ou l’utopie contrariée
The Truman Show est un film américain réalisé par Peter Weir en 1998.
Ed Harris joue le rôle d’un producteur d’émission de téléréalité et Jim Carey joue Truman, le héros de cette émission, à son insu.
À l’insu de :
Sans que la chose ne soit connue, sans en avoir conscience.
En effet, Truman est né dans un monde totalement créé, fabriqué pour lui. C’est une bulle qui semble parfaite. Il fait beau tout le temps, tout le monde est gentil et courtois. Mais ce monde est un gigantesque studio de télévision. Il s’agit d’une illusion, d’un trompe-l’œil. Pourtant il constitue bel et bien la réalité de Truman. Ce monde est une utopie. Il est le fruit du rêve de Christof, le producteur de l’émission, qui rêvait d’un monde parfait. Il a tenté de le créer et y a plongé Truman.
La scène d’exposition du film nous montre Christof, en gros plan avec un regard caméra.
Scène d’exposition :
Une scène d’exposition est la première scène d’un film mais aussi d’une pièce de théâtre.
Gros plan :
Un gros plan est un plan rapproché, le cadrage est fait sur un visage par exemple.
Regard caméra :
Un regard caméra est lorsque l’acteur regarde directement l’objectif de la caméra, comme s’il s’adressait aux spectateurs.
Christof parle aux téléspectateurs. The Truman Show, réalisé par Peter Weir, 1998
Il s’adresse directement aux téléspectateurs de son émission de téléréalité. Celui-ci explique son désir de proposer un programme plus réel que n’importe quel programme de téléréalité. Il concède que le monde dans lequel Truman évolue est artificiel mais il revendique l’authenticité de son héros, qui lui, ignore la facticité de ce monde. La phrase « c’est la vie d’un homme », clôt d’ailleurs son discours.
Factice :
Ce qui est factice est faux, artificiel et fabriqué.
Suit alors un plan où l’on aperçoit Truman dans une télévision, portant lui aussi, un regard caméra.
Plan :
Un plan au cinéma est une scène tournée sans couper la caméra.
Truman parle à son reflet dans le miroir. Il ignore qu’une caméra est cachée derrière. The Truman Show, réalisé par Peter Weir, 1998
Il semble s’adresser à nous et dit « je n’y arriverai pas, vous allez devoir continuer sans moi ». Il y a ensuite le générique de l’émission de télévision.
Les personnages de l’émission défilent alors, expliquant l’authenticité du « Show », assurant tous qu’il n’y a aucun trucage. Le nom du programme, qui est aussi le titre du film, apparaît alors à l’écran : « Truman Show ». Ainsi, les deux génériques se confondent.
La création de ce minuscule univers pour les besoins d’une émission télévisée est une duperie à la fois pour Truman qui vit dans un monde factice, et à la fois pour le spectateur qui croit regarder la vie réelle d’un homme. Or la vie de Truman ne peut être considérée comme réelle puisque tout autour de lui est faux, comme les décors et les liens qui l’unissent aux autres. Le discours du producteur est donc paradoxal, il assure l’authenticité de la vie de Truman alors qu’il s’agit d’une mascarade, d’une mise en scène trompeuse.
Paradoxal :
Association de deux idées qui semblent pourtant contradictoires.
La création de ce monde utopique est cruelle puisqu’elle prive Truman de son intimité, de l’expérience de la vie en société, et de vrais rapports humains.
Truman préfèrera d’ailleurs échapper à la sécurité et à la perfection apparente de ce monde créé pour lui. Il finit par mettre tout en œuvre afin de fuir le studio, se mettant même en danger lors de la scène finale.
The Truman Show montre donc que l’utopie est relative, c’est-à-dire qu’elle dépend de chacun. En effet, le monde créé par Christof est son utopie, mais pas celle de Truman.
Conclusion :
L’utopie présente un projet pour la société tout en divertissant le lecteur. Elle a une fonction didactique puisqu’elle instruit le lecteur. Mais elle peut également, par contraste, révéler les imperfections de notre société et en faire la critique implicite.
L’utopie est également une affaire de point de vue, car quand certains voient une utopie, d’autres voient un cauchemar. Mais dans tous les cas, l’utopie nous permet de nous interroger sur le monde qui nous entoure.