La crise de 1929 : de la crise financière américaine à la crise économique mondiale
Introduction :
Au début du XXe siècle l’économie mondiale repose sur plusieurs pays occidentaux industrialisés, situés principalement en Europe. De l’autre côté de l’océan Atlantique, les États-Unis émergent comme une économie immense, dynamique et ambitieuse. Le géant américain a en effet bénéficié de l’affaiblissement des nations européennes pendant la Première Guerre mondiale pour se hisser à la tête des premières économies mondiales. Épargnés par le grand conflit, les États-Unis en ont pourtant profité pour prêter des fonds aux pays Européens pour que ceux-ci financent le train de la guerre, puis la reconstruction. Les Américains glorifient leur modèle capitaliste qui permet l’enrichissement rapide et une croissance industrielle sans précédent. Cependant, ils sont à l’aube d’une grande crise majeure qui va affecter toute leur économie : le krach de 1929.
Nous verrons comment la crise financière de 1929, partie de Wall Street, paralyse l’économie américaine puis comment la mondialisation de l’économie favorise sa diffusion aux autres économies industrielles, provoquant une crise économique mondiale.
La crise financière : une fracture du système capitaliste
La crise financière : une fracture du système capitaliste
La spéculation financière au cœur du krach de 1929
La spéculation financière au cœur du krach de 1929
Le capitalisme connait un âge d’or avec le développement de la société industrielle. Il promet aux actionnaires des gains rapides avec des cours de bourse (c’est-à-dire le prix des actions) toujours à la hausse. Cependant, dans les années 1920, les cours de la bourse sont l’objet de fortes spéculations financières. La spéculation permet aux acteurs de gagner de l’argent facilement et donne l’impression d’une économie sans cesse croissante, or celle-ci repose sur des structures fragiles.
Spéculation :
On parle de spéculation lorsque le cours d’une action est artificiellement supérieur à son coût réel. L’acheteur fait donc un pari, estimant qu’il va pouvoir tirer un gain d’argent à partir de la fluctuation des marchés financiers.
Les États-Unis se caractérisent au début du XXe siècle comme un pays certes dynamique, mais dont les richesses sont mal réparties. L’industrie, en pleine croissance, profite de l’élan donné par la Première Guerre mondiale pour investir massivement dans de nouvelles usines et installations. Or, l’industrie américaine se trouve dans une situation de surproduction liée à l’après-guerre : les industries produisent plus qu’elles ne vendent, tirant sans cesse les prix à la baisse. Or cette situation ne semble à l’époque pas alarmiste du fait de la grande confiance des industriels américains dans leur avenir.
Cependant, le jeudi 24 octobre 1929, la valeur des actions à la bourse de Wall Street, à New York, s’effondre du fait de la vente de nombreuses actions simultanément. Les cours de la bourse qui étaient jusqu’alors le fruit de la spéculation et donc artificiels sont rapidement précipités vers les abysses. L’éclatement de la bulle spéculative le jeudi noir ou « Black Thursday » entraine en quelques heures un recul du cours des actions de près de 29 %.
La foule s’amasse devant Wall Street après le Krach, le 29 octobre 1929
Le lendemain, la panique gagne les marchés financiers et les investisseurs retirent massivement leurs actions pour éviter de perdre toutes leurs économies, amplifiant la crise de confiance. La crise se poursuit pendant une semaine, entrainant pour l’économie américaine une perte équivalente aux dépenses de guerre de la Première Guerre mondiale.
Wall Street :
Rue de New York où se situe la principale bourse américaine où s’échangent les actions.
Bulle spéculative :
Situation où une valeur d’échange d’un produit sur un marché est artificiellement supérieure à sa valeur réelle.
La crise se répand à l’ensemble de l’économie américaine
La crise se répand à l’ensemble de l’économie américaine
La crise financière a des répercussions immédiates, avec la fermeture de près de 9 000 banques aux États-Unis dans les mois consécutifs. De nombreuses entreprises, dépourvues de liquidité, sont contraintes de déclarer faillite et de mettre la clé sous la porte. Un cercle vicieux s’installe avec des licenciements massifs et l’augmentation du nombre de personnes qui se trouvent sans emplois. Les usines américaines, qui tournaient déjà en surproduction, ne trouvent dès lors plus d’acheteurs pour leurs biens de consommation. L’absence de la consommation aux États-Unis du fait de la crise économique est accentuée par les politiques protectionnistes de l’État fédéral : le pays, tourné vers le marché intérieur, n’exporte que marginalement ses produits vers les autres pays industrialisés. De plus, le protectionnisme a freiné mécaniquement l’acquisition de devises étrangères qui devraient normalement servir à amortir l’effondrement de la valeur du dollar en situation de crise.
Protectionnisme :
Le protectionnisme consiste à imposer des droits de douane élevés afin d’inciter les consommateurs nationaux à privilégier l’industrie nationale plutôt que des produits importés de l’étranger.
Une mère migrante, victime de la crise de 1929. Photographie de Dorothéa Lange en 1936
Le chômage de masse s’installe rapidement aux États-Unis, dont l’économie est entrée dans un cycle déflationniste : la valeur des biens s’effondre, mais ceux-ci ne trouvent pas d’acheteurs. En effet, les consommateurs craignant que le chômage et la pauvreté ne les touchent à leur tour cessent de consommer pour se concentrer sur les biens de première nécessité. L’absence de consommation provoque de nouvelles faillites et mécaniquement, fait exploser le nombre de sans-emplois. En quelques mois les États-Unis se retrouvent avec 13 millions de chômeurs dans la nécessité : la misère s’installe dans la société américaine et mine toute confiance en la politique et en l’économie. Le président républicain Herbert Hoover (1929-1933) tente vainement de réagir en créant en 1932 la Reconstruction Finance Corporation, une agence qui vise à consolider le système financier américain, mais se heurte à l’insuffisante confiance en l’économie américaine.
La mondialisation de la crise
La mondialisation de la crise
Bien que d’origine américaine, la crise de 1929 s’étend rapidement à d’autres territoires du fait de la mondialisation des économies. Le monde est touché par le chômage de masse et l’inflation galopante. Face à une absence de concertation, chaque pays réagit différemment.
Une économie mondialisée touchée par la vague
Une économie mondialisée touchée par la vague
Si la crise financière américaine se répand facilement aux économies des autres pays industrialisés, c’est que les économies mondiales sont imbriquées dans une série de liens et d’échanges qui les rendent interdépendantes. La mondialisation, commencée dès le XVe siècle, trouve en ce début de XXe siècle une réalité tangible. Les premiers territoires touchés par le recul de l’économie américaine sont les pays d’Amérique latine, qui dépendaient économiquement presque entièrement de leurs exports de matière première à destination des États-Unis. Sans acheteurs des États-Unis, ces économies enregistrent un fort recul.
Dans un second temps, la crise affecte l’Europe. Le continent, en pleine reconstruction depuis la Grande Guerre (1914-1918) avait contracté des emprunts de guerre auprès des banques américaines. Or celles-ci font faillite, entrainant dans leur chute les États et banques européennes.
Mondialisation :
Système d’interdépendance des économies et des territoires.
De plus le système de changes (règles qui organisent les échanges de monnaies entre elles) utilisé à l’époque, le gold standard, rendait les pays d’Europe dépendant les uns des autres, mais également par rapport à la valeur du dollar. L’affaissement de la valeur du dollar entraine dans sa chute les autres monnaies européennes. En mai 1931, la faillite de la banque autrichienne Kreditanstalt provoque un séisme dans le milieu financier : la banque viennoise contrôlait le tiers de l’industrie autrichienne et inondait de crédits les autres économies d’Europe centrale. En quelques mois, les économies du continent se mettent à l’arrêt. Les empires coloniaux sont également touchés à leur tour, entrainant une crise économique mondiale appelée la Grande dépression.
La Grande dépression affecte toutes les économies mondialisées
La Grande dépression affecte toutes les économies mondialisées
Alors que la Grande dépression s’installe dans l’ensemble du monde, la production mondiale se réduit d’un tiers par rapport aux niveaux de 1928. La crise affecte tous les pays, tous les secteurs.
Des chômeurs manifestent à Toronto, au Canada en 1930
Le chômage s’installe dans de nombreux pays industrialisés, et surtout dans les pays les plus fragiles comme l’Allemagne. Le pays, qui connait depuis 1919 une crise de confiance, s’effondre économiquement sous le poids de l’inflation galopante. Dans tous les pays, des réactions politiques similaires sont mises en place pour essayer de faire repartir l’industrie nationale : le libre-échange étant accusé d’être responsable de la contagion de la crise, des mesures protectionnistes sont adoptées un peu partout.
Les États-Unis sont les premiers à expérimenter ces mesures, en doublant les taxes sur les importations (de 25 % à 50 % de la valeur du produit importé).
Inflation :
Augmentation des prix.
Politique d’austérité :
Politique qui consiste à réduire les dépenses publiques.
Dévaluation :
Création massive de monnaie dans le but d’en faire diminuer la valeur pour rendre l’économie plus compétitive sur les marchés internationaux.
Autarcie :
Développement d’un pays en se privant de tout commerce international et en ne se basant que sur ses ressources intérieures.
Les États européens, en pleine crise, décident des mesures d’austérité afin d’éviter les endettements massifs.
Or cette politique entraine des licenciements de la fonction publique et le retrait de l’État du financement de projets importants, ne faisant qu’accroitre le nombre de chômeurs.
Des enfants jouent avec les Deutsch Mark en 1923 : la dévaluation de la monnaie allemande a fait perdre toute valeur à l’argent
Pour essayer de faire repartir la production, les États dévaluent leurs monnaies sans aucune concertation avec leurs voisins, entrainant un cycle inflationniste. Le manque de concertation entre les pays pour sortir de la crise entraine des politiques complètement individuelles, s’affaiblissant les unes par rapport aux autres. À la conférence d’Ottawa (1932), les Britanniques décident la « préférence impériale », c’est-à-dire qu’ils privilégieront les échanges à l’intérieur de leur empire colonial au détriment des échanges internationaux. D’autres pays, comme l’Italie fasciste, choisissent l’isolationnisme complet et un développement économique autarcique, à l’image de l’URSS, qui ne participe pas à l’économie de marché mondiale et n’a donc pas été affaiblie par la crise de 1929. Dans les démocraties, la prolongation de la crise et du chômage de masse érode la confiance des masses en la démocratie et le parlementarisme, ouvrant la voie à des voies populistes qui proposent des solutions rapides et concrètes. En Allemagne, le NSDAP et le KPD gagnent des voix lors des élections qui se succèdent.
Conclusion :
La crise de 1929, déclenchée par les excès de la spéculation boursière à Wall Street, affecte gravement l’économie américaine, entrainant un chômage de masse et poussant des millions d’Américains dans la précarité. La mondialisation de l’économie favorise la diffusion de la crise dans les autres régions du monde, touchant gravement l’Europe, dont les économies sont alors interdépendantes du géant américain. La Grande Dépression plonge des millions de personnes dans le plus grand désarroi, à la recherche d’une issue politique pour sortir du marasme économique.