La puissance des États-Unis aujourd’hui
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Introduction :
Les États-Unis se démarquent à l’échelle mondiale par la diversité et l’ampleur de leurs atouts. Ils apparaissent comme les chefs d’orchestre de la mondialisation, la première puissance mondiale, dans un monde devenu multipolaire.
Quels sont les leviers du rayonnement et de l’influence des États-Unis, qui leur permettent de continuer de dominer l’ordre international au début du XXIe siècle ?
Le leadership des États-Unis s’appuie sur des facteurs de puissance multiples que nous allons évoquer à travers des points d’appui sur leur territoire et dans le monde, mais aussi à partir de leurs choix stratégiques.
Les lieux et les formes de la puissance internationale des États-Unis
Les lieux et les formes de la puissance internationale des États-Unis
De nombreux lieux emblématiques de la puissance des États-Unis sont situés sur le territoire national et rayonnent à travers le monde.
Nous allons évoquer trois lieux du soft power étatsunien, trois pôles décisionnels de portée internationale, situés dans des grandes métropoles, au sein de mégalopoles, notamment la Megalopolis du Nord-Est des États-Unis, appelée « Bos-Wash » (de Boston à Washington), et non loin des façades maritimes atlantique ou pacifique.
Le soft power est une stratégie de domination théorisée par l’Américain, Joseph Nye. Cette forme de domination est fondée sur le pouvoir de séduction Elle se manifeste par l’influence d’un modèle culturel, de valeurs et d’un mode de vie attractifs. La puissance douce est une redoutable stratégie de domination puisqu’elle ne nécessite pas le recours à la force pour s’imposer dans le monde.
Un lieu de puissance culturelle : Hollywood
Un lieu de puissance culturelle : Hollywood
Globalement, les États-Unis s’appuient sur une industrie culturelle forte, largement exportatrice, qui domine les marchés mondiaux avec des productions très rentables, que ce soit dans le domaine musical, télévisuel ou cinématographique.
Située en Californie, à Los Angeles, la ville de Hollywood est un vecteur de puissance au rayonnement mondial. Hollywood incarne le soft power de la culture populaire mondialisée à travers la puissance cinématographique.
Les plus gros succès cinématographiques mondiaux sont en effet américains, tels que Avatar qui totalisait 2,9 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2023 et Titanic avec 2,2 milliards de dollars.
Depuis les années 1960, les États-Unis diffusent leur American way of life qui s’opposait au modèle communiste durant la guerre froide. Ce mode de vie américain attrayant repose sur la prospérité.
Si le consumérisme (société de consommation) est rendu possible grâce à un pouvoir d’achat conséquent des classes moyennes, il est facilité aussi par le crédit et la publicité. L’abondance est représentée au cinéma à travers les maisons individuelles suréquipées et la possession de grosses voitures.
Le modèle de l’American way of life véhiculé à travers les films hollywoodiens qui sont de grands succès mondiaux s’appuie notamment sur les valeurs qui composent le « rêve américain » : la quête du bonheur et de la réussite personnelle, le courage et la combativité, l’amour de la liberté. De nombreux films relatent ainsi l’histoire de self-made men.
C’est le thème de Rocky, avec Sylvester Stallone, ou Wall Street, un film de Oliver Stone. Les films de super-héros, qu’il s’agisse de Superman, Batman, Spiderman, du film Avengers ou des films Marvel, fascinent le monde entier et mettent en image le patriotisme des États-Unis.
Le panneau géant Hollywood, installé en 1923, surplombe la ville de Los Angeles à une altitude de 478 mètres, ©Clementp.fr (CC BY-SA 4.0)
Un lieu de puissance scientifique : le MIT
Un lieu de puissance scientifique : le MIT
Le Massachussetts Institute of Technology (MIT) se situe au Nord-Est des États-Unis, dans l’État du Massachussetts, près de Boston.
Les États-Unis possèdent de nombreuses universités de premier rang, symboles de culture et de savoir. Parmi ces universités privées, on compte d’ailleurs huit universités d’élite du Nord-Est des États-Unis qui sont regroupées sous l’appellation d’Ivy League : Harvard, Princeton, Yale, Columbia, Brown, Dartmouth, Cornell et Penn.
Si l’institut universitaire de recherche du MIT n’en fait pas partie, il est l’une des plus prestigieuses universités en sciences et technologies et incarne la puissance scientifique des États-Unis dans le monde.
Ce pôle d’excellence, qui se trouve au cœur de l’innovation, est particulièrement attractif et accueille des étudiants de 129 nationalités différentes. Il est considéré comme une université globale, c’est-à-dire qu’elle accueille et forme des cerveaux du monde entier. Plus de 100 prix Nobel ont été décrochés par des chercheurs de cette université, dont le prix Nobel d’économie et celui de médecine en 2024.
Le grand dôme du MIT, une université privée fondée en 1861 et à la pointe de la recherche scientifique et technologique au XXe siècle, ©Fcb981 (CC BY-SA 3.0)
Un lieu de puissance diplomatique : le siège de l’ONU
Un lieu de puissance diplomatique : le siège de l’ONU
New York n’est pas la capitale politique des États-Unis mais est souvent représentée, en tant que ville globale, comme la « capitale du monde », et la presqu’île de Manhattan comme l’hypercentre du monde. C’est là que se situe le siège de l’ONU qui bénéficie d’un statut extraterritorial. Cela signifie que les 5 000 représentants des 193 États membres qui travaillent à l’ONU bénéficient d’un statut spécial et ne peuvent pas être poursuivis par les autorités américaines.
La présence du siège de l’ONU sur le territoire américain symbolise la grande influence des États-Unis dans la diplomatie mondiale.
Le président Roosevelt est à l’origine de la création de l’ONU en 1945 lors de la conférence de San Francisco. Les États-Unis disposent d’un siège permanent au Conseil de Sécurité de l’ONU et d’un droit de veto. Ils en sont également le premier contributeur (à hauteur de 22 %).
Néanmoins, au cours de leur histoire, ils ont parfois montré des réticences à se plier aux contraintes de la diplomatie multilatérale. Leur attitude trahit leur souhait que le système onusien agisse en faveur de leurs intérêts.
Le siège actuel de l’ONU a été inauguré en 1951. Au premier plan sont alignés les 193 drapeaux des États membres, ©Veni Markovski (CC BY-SA 4.0)
Unilatéralisme et multilatéralisme en débat
Unilatéralisme et multilatéralisme en débat
Serge Sur définit la puissance comme une capacité : « capacité de faire ; capacité de faire faire ; capacité d’empêcher de faire ; capacité de refuser de faire ».
- Cette définition s’applique parfaitement aux États-Unis qui parviennent à la fois à garantir leur liberté d’action et à peser sur le comportement des autres dans le sens de leurs intérêts.
La politique étrangère des États-Unis est parfois ambigüe car les stratégies sont multiples. Ils peuvent ainsi être amenés à choisir entre l’unilatéralisme ou le multilatéralisme, en fonction de la défense de leurs intérêts et sans véritablement subir de contrainte de la part des autres puissances internationales.
La stratégie unilatérale
La stratégie unilatérale
L’unilatéralisme est la tentation, pour les États-Unis, de prendre seuls leurs décisions en fonction de leurs propres intérêts et sans concertation, ni au sein de l’ONU, ni avec leurs alliés de l’OTAN.
Cette tentation est d’autant plus forte que les États-Unis sont la première puissance militaire du monde. En 2023, le budget militaire s’élevait à 843 milliards de dollars, un budget inégalé qui est l’expression de leur hard power. L’objectif d’un tel budget est de dissuader tout adversaire de se lancer dans une nouvelle course aux armements, de gagner des guerres asymétriques et de soutenir l’industrie nationale d’armement.
Le hard power est une stratégie de domination fondée sur la force. Elle se manifeste par la guerre (dimension militaire), mais aussi par toute autre forme de pression ou de coercition, notamment économique et financière.
La stratégie unilatérale s’accompagne le plus souvent d’une politique isolationniste, l’objectif étant toujours de rendre sa grandeur à l’Amérique.
Par exemple, « America first », « Make America great again » sont des slogans de campagne du président Donald Trump en 2016 et en 2024, slogans déjà exprimés par un autre président républicain, Ronald Reagan en 1980.
Donald Trump portant une casquette avec l’inscription de son slogan lors de la campagne présidentielle en 2016, ©Gage Skidmore (CC BY-SA 2.0)
En 2017, Donald Trump a rompu un accord de libre-échange transocéanique avec des États asiatiques du Pacifique, il a retiré les États-Unis de l’accord de Paris contre le réchauffement climatique et remis en cause les conclusions de la COP21. Il a également décidé le retrait des États-Unis de l’UNESCO, un symbole du multilatéralisme, tout comme l’avait fait Ronald Reagan en 1984, un retrait qui avait duré 18 ans.
En 2024, Donald Trump n’a pas changé de discours. Il tient également un discours protectionniste consistant à augmenter fortement les droits de douane et limiter les importations de produits manufacturés afin de réindustrialiser son pays.
Ces velléités unilatérales et isolationnistes se confrontent au cadre de la mondialisation et de la multipolarité. Les États-Unis ne sont plus une hyperpuissance comme dans les années 1990. Le multilatéralisme n’est-il pas nécessaire dans un monde de plus en plus interdépendant ?
La politique d’unilatéralisme dépasse les clivages politiques : elle n’est pas l’apanage de quelques présidents républicains américains, mais bien de tous, y compris les démocrates.
Le multilatéralisme
Le multilatéralisme
Contrairement à l’unilatéralisme, le multilatéralisme vise à établir des règles communes à l’échelle internationale, à choisir la coopération et à privilégier le dialogue diplomatique.
Mais cette stratégie a des difficultés à cohabiter avec certains principes qui ont fondé les relations internationales entre les États-Unis et le reste du monde, notamment le messianisme qui repose sur l’idée d’une mission civilisatrice des États-Unis, justifiée par leur modèle de développement basé sur la démocratie libérale.
Cette conception d’exceptionnalisme américain, qui représenterait le gouvernement le plus abouti et le plus parfait, sert à justifier l’idée d’une « destinée manifeste » des États-Unis, qui les conduit à diffuser leur système de valeurs et de gouvernement à travers le monde.
- Une telle confiance dans la supériorité de son modèle a fondé la politique extérieure des États-Unis.
Le président démocrate Barack Obama a tenté d’atténuer l’unilatéralisme sans pour autant l’éliminer. Sous son premier mandat, Hillary Clinton, secrétaire d’État aux Affaires étrangères, définit dès sa prise de fonction en 2009 une nouvelle stratégie dans les relations internationales, après les années Bush marquées par un unilatéralisme brutal : « Nous devons faire usage de ce que l’on appelle le smart power, c’est-à-dire la panoplie complète des outils qui sont à notre disposition (diplomatie, économie, armée, politique, droit, culture) en utilisant chacun d’entre eux ou une combinaison de tous ces outils. Grâce au smart power, la diplomatie deviendra l’avant-garde de la politique étrangère ».
Le smart power est une stratégie élaborée par Joseph Nye et soutenue par Hillary Clinton, qui privilégie la diplomatie dans la résolution des conflits. Le smart power apparaît comme une combinaison harmonieuse du hard power et du soft power.
Néanmoins, Barack Obama, comme ses prédécesseurs, souhaite bien évidemment maintenir le leadership mondial des États-Unis. S’il affirme une volonté de multilatéralisme, l’exécution de Ben Laden au Pakistan en 2011 a par exemple été décidée par les États-Unis seuls, sans consulter leurs alliés.
Il veut néanmoins adapter le leadership américain au monde du XXIe siècle. Après le retrait des forces américaines d’Irak fin 2011, le retrait des forces américaines d’Afghanistan en août 2021, sous la présidence de Joe Biden, laisse ce pays aux mains des Talibans, ce qui apparaît comme un échec de la politique étrangère américaine.
Points d’appui et zones d’influence dans un monde multipolaire où la concurrence est grandissante
Points d’appui et zones d’influence dans un monde multipolaire où la concurrence est grandissante
Des points d’appui militaires et diplomatiques dans le monde
Des points d’appui militaires et diplomatiques dans le monde
La présence militaire états-unienne en dehors des frontières nationales est exceptionnelle et leur permet d’intervenir rapidement partout dans le monde.
Les 800 bases militaires à l’étranger accueillent près de 200 000 soldats. Outre les bases terrestres, la flotte américaine est présente sur tous les océans. Leur puissance maritime est inégalée et les États-Unis sont une véritable thalassocratie. Ils possèdent 11 porte-avions.
Cette domination militaire s’appuie sur un complexe militaro-industriel aéronautique et électronique performant. Les États-Unis sont les premiers exportateurs d’armes dans le monde. Sur le plan diplomatique, le réseau de représentation est le premier au monde avec 270 ambassades et consulats.
La montée de puissance rivales et l’antiaméricanisme
La montée de puissance rivales et l’antiaméricanisme
Dans le monde multipolaire, les États-Unis doivent prendre en compte la montée de puissances rivales.
Des puissances concurrentes cherchent à s’affirmer notamment les pays émergents, et en particulier la Chine, puissance régionale en Asie et deuxième puissance économique mondiale. Les tensions commerciales entre les deux puissances sont importantes. La Chine est bien aujourd’hui le principal rival des États-Unis dans tous les domaines : économique, technologique, stratégique et militaire. Les « Nouvelles routes de la soie », projet lancé en 2013 par le président Xi Jinping, concurrencent les États-Unis et façonnent une mondialisation sous hégémonie chinoise.
Rencontre entre Donald Trump et Xi Jinping en 2018 lors du sommet du G20 à Buenos Aires
Les États-Unis font également face à l’hostilité d’une partie de l’opinion publique mondiale qui refuse la domination culturelle du modèle américain. La manifestation la plus traumatisante de cette hostilité est le terrorisme, avec les attentats du World Trade Center le 11 septembre 2001. Le rejet perdure dans une grande partie du monde arabe, notamment à cause du soutien indéfectible des États-Unis envers Israël.
Conclusion :
La puissance étatsunienne est multiforme et durable à l’échelle mondiale. Il existe un débat aujourd’hui difficile à trancher entre d’une part les déclinistes, qui défendent la thèse du déclin de la puissance américaine face à la montée de la puissance chinoise alliée à la Russie, et les exceptionnalistes, qui pensent que les États-Unis ont construit un ordre libéral et occupent une place à part dans le monde multipolaire.
Certes les zones d’influence des États-Unis dans le monde multipolaire sont plus limitées, mais les facteurs de puissance n’ont pas disparu. Les choix diplomatiques à venir seront déterminants pour définir la place des États-Unis dans un monde de plus en plus complexe et polycentriste.