La satire : une arme
Introduction :
La satire est une œuvre critique dans laquelle l’auteur pointe du doigt les ridicules de son temps. Elle peut avoir une visée comique mais aussi didactique. Ainsi, l’auteur peut provoquer le rire tout en instruisant son lecteur. Cependant, la satire peut également être une arme puissante car elle dénonce de manière violente.
Nous étudierons dans ce cours différents supports du comique satirique et nous verrons comment les artistes ou les journalistes parviennent à lier information et comique. Puis, nous nous intéresserons à la satire utilisée comme une arme pour critiquer les puissants.
Le comique satirique : faire rire et dénoncer
Le comique satirique : faire rire et dénoncer
Le comique satirique a donc une double fonction. Celle de faire rire et celle d’informer en dénonçant. Cette fonction didactique de la satire est bien souvent utilisée dans les médias.
Didactique :
L’adjectif didactique désigne quelque chose dont le but est d’instruire, d’informer.
Le comique satirique dans la presse
Le comique satirique dans la presse
En effet, certains journaux se sont spécialisés dans ce registre. Ils sont qualifiés de « presse satirique ». C’est le cas notamment du Canard enchaîné. Cet hebdomadaire paraît tous les mercredis et épingle sur un ton comique et satirique les faits d’actualités.
Une du 22 mars 2017, Le Canard enchaîné, tous droits réservés
Sur la « une » du 22 mars 2017, on peut remarquer les deux canards dessinés ; ils encadrent la manchette, qui est l’endroit où on peut lire le titre du journal.
Une :
La « une » d’un journal est la première page.
On peut lire « Marine Le Pen un programme… 100 % pure peur ». Cela annonce le ton satirique du journal. En effet, les journalistes détournent la formulation publicitaire « 100 % pur beurre » non pas pour vanter les mérites de la candidate mais pour mieux en critiquer le programme.
Si l’on observe ensuite la tribune de cette une, on peut lire « Fillon, Le Pen, Le Roux : tout reste affaires ! ».
Tribune :
La tribune est l’endroit où se trouve le titre du jour sur la une du journal.
Il s’agit ici d’un jeu de mot entre l’expression « tout reste à faire » et les « affaires » judiciaires dans lesquelles les candidats sont impliqués.
Le journal dénonce ici le manque d’exemplarité de ces personnalités politiques.
Exemplarité :
L’exemplarité désigne le fait d’être exemplaire, c’est-à-dire de servir de modèle par sa conduite.
On observe le même ton satirique dans les autres articles. Les journalistes multiplient par exemple les jeux de mots sur le député Bruno Le Roux : « Le Roux de la fortune » ou encore « Sur les chapeaux de Le Roux ». Des dessins satiriques accompagnent les courts articles et donnent une touche comique à l’actualité.
Le recours à la satire dans la presse permet donc de faire passer une information tout en divertissant le lecteur mais aussi de critiquer.
Le comique satirique dans la caricature
Le comique satirique dans la caricature
Observons à présent un dessin de Plantu intitulé « Les armes ennemies », paru en 1982 dans son ouvrage Les cours du caoutchouc sont trop élastiques.
Caricature :
Une caricature est une représentation grossière, déformée de la réalité. Dans la presse, elle a bien souvent une dimension satirique.
Plantu, « Les armes ennemies », Les cours du caoutchouc sont trop élastiques, 1982, tous droits réservés
On peut voir sur ce dessin un général de l’armée qui apprend à des militaires à distinguer les « armes ennemies ». Il pointe de sa baguette un stylo-plume représenté sur un tableau où figurent des armes telles qu’un fusil d’assaut, un lance-roquettes, des grenades ou encore un revolver.
Le dessinateur met donc sur le même plan des armes destinées à tuer et un stylo-plume. Cela révèle le pouvoir de l’écriture et du dessin qui sont considérés comme tout aussi dangereux.
Mais Plantu dénonce également ici la bêtise des militaires qui voient en la presse une menace.
- Il les tourne en ridicule.
Ce dessin de 1982 fait tristement écho aux événements survenus le 7 janvier 2015, lorsque des dessinateurs du journal Charlie Hebdo ont été abattus à cause de leurs dessins.
Le comique satirique appuie là où ça fait mal, il fait rire aux dépens des puissants. Mais même sans passer par le rire, la satire peut s’avérer être une arme redoutable.
Une arme pour critiquer le pouvoir en place
Une arme pour critiquer le pouvoir en place
La satire n’appartient pas nécessairement au genre comique. Elle peut également se dévoiler sans détour. Ainsi, elle peut servir à critiquer un régime, une autorité ou une puissance.
- Elle a alors un but politique.
Jean de La Fontaine est un auteur de fables français qui se sert de ses récits pour dispenser des morales à propos de la société ou de la politique.
Dans « Les animaux malades de la peste », extrait du recueil Fables publié en 1678, c’est la justice française et le pouvoir politique qui sont visés.
Illustration de Gustave Doré pour la fables de La Fontaine « Les animaux malades de la peste »
Dans cette fable, la peste s’est abattue sur les animaux, les touchant tous. On pense alors à une colère divine punissant les animaux pour leurs péchés. Le lion, qui est le roi, demande donc à chacun de se confesser. Il espère qu’en sacrifiant le plus coupable des animaux, il apaisera cette colère divine.
Les animaux avouent tour à tour leurs crimes. Les plus puissants avouent avoir tué d’autres animaux mais se trouvent pardonnables et se déculpabilisent les uns les autres. Vient enfin le tour de l’âne :
« L’âne vint à son tour et dit : “J’ai souvenance1
Qu’en un pré de moines passant,
La faim, l’occasion, l’herbe tendre, et, je pense,
Quelque diable aussi me poussant,
Je tondis de ce pré la largeur de ma langue.
Je n’en avais nul droit, puisqu’il faut parler net.”
À ces mots on cria haro2 sur le baudet3.
Un loup, quelque peu clerc4, prouva par sa harangue5
Qu’il fallait dévouer ce maudit animal,
Ce pelé, ce galeux6, d’où venait tout leur mal.
Sa peccadille7 fut jugée un cas pendable. […]
Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. »
1 Je me souviens.
2 Crier haro signifie s’indigner.
3 Un baudet est un âne.
4 Le mot clerc signifie ici qu’il sait bien parler.
5 La harangue est un discours.
6 Être galeux désigne le fait de souffrir d’une maladie de peau contagieuse.
7 Une peccadille est une faute légère.
Dans cette fable, l’âne avoue un crime sans importance par rapport à ceux des autres animaux. La Fontaine le qualifie d’ailleurs de « peccadille ». Pourtant les animaux rejettent la faute sur lui et s’en servent de bouc-émissaire.
Bouc-émissaire :
Un bouc-émissaire est une personne désignée par un groupe pour endosser la responsabilité d’une faute ou d’un crime.
L’âne sera donc sacrifié pour tous les crimes des animaux. L’injustice de cette histoire frappe le lecteur, qui éprouve alors de la pitié pour la pauvre bête. En effet, le châtiment, la pendaison, est démesuré par rapport au soi-disant crime.
La Fontaine démontre également ici le pouvoir du discours : le loup intervient et prouve « par sa harangue » la culpabilité de l’âne. Alors que l’âne n’a rien fait de mal, il se voit condamné suite à l’intervention du loup.
Ce texte est un apologue.
Apologue :
Un apologue est un récit symbolique à visée argumentative dont on peut tirer une morale.
En effet, les animaux sont des symboles, ils sont personnifiés.
Une personnification est une figure de style qui consiste à attribuer à une chose ou un animal des caractéristiques humaines.
La morale, elle, est clairement énoncée : « Selon que vous serez puissant ou misérable, Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. »
Cette morale démontre que les puissants dirigent le monde et s’accordent sur qui devra être sacrifié.
L’âne n’a même pas de procès. Il s’agit d’une parodie de justice.
Parodie :
Une parodie est une imitation d’un système ou d’une œuvre afin de s’en moquer.
La Fontaine formule une critique de la justice qui n’est pas impartiale.
Impartial :
Être impartial signifie ne pas prendre parti, juger objectivement.
Conclusion :
La satire vise donc à se moquer des travers de notre société. Elle permet d’éveiller la conscience du lecteur et de dévoiler les problèmes ou les injustices d’une époque. Comique ou non, elle a toujours pour but de dénoncer et de critiquer afin d’améliorer la société. Les mots ont alors autant de portée que l’arme la plus puissante. Les « grands » de ce monde, écorchés par l’auteur, tremblent devant la satire et peuvent avoir des réactions disproportionnées. C’est ainsi que Victor Hugo s’est vu exilé après la parution de son recueil de poèmes Les Châtiments dans lequel il critiquait Napoléon III.