Le Second Empire (1852-1870) : un régime autoritaire au vernis démocratique
Introduction :
Le climat d’incertitude politique qui règne sur la France depuis plusieurs décennies profite à Louis-Napoléon Bonaparte qui prend le pouvoir en 1851. Jonglant habilement avec les héritages de 1789 et 1830, il finit par obtenir une prise de pouvoir totale et donne ainsi naissance au Second Empire.
Quelles sont les évolutions qui caractérisent ce Second Empire ? Nous étudierons dans un premier temps son organisation politique, puis sociale et administrative. Nous terminerons notre étude en analysant les diverses oppositions auxquelles il fait face et comment celles-ci parviennent à faire évoluer l’Empire vers un régime plus libéral.
Un régime autoritaire et démocratique
Un régime autoritaire et démocratique
La mise en place de la « République décennale »
La mise en place de la « République décennale »
Louis Napoléon Bonaparte cherche l’approbation populaire au travers d’un plébiscite organisé le 21 décembre 1851 au suffrage universel.
Plébiscite :
Un plébiscite est une consultation du peuple, appelé à se prononcer sur une question en répondant par « oui » ou par « non ». On distingue le plébiscite utilisé comme outil de légitimation dans le cadre d’un régime autoritaire, du référendum organisé dans le cadre d’une démocratie libérale.
Ce plébiscite lui accorde une immense majorité de « oui » (7,46 millions de « oui » contre 0,63 million de « non ») dans un contexte d’état de siège. Le 14 janvier 1852, une nouvelle constitution est promulguée et met en place une « République décennale », proche de la monarchie avec à sa tête le « prince-président ».
République décennale :
La République décennale désigne le régime politique mis en place au lendemain du coup d’État du 2 décembre 1851, avec à sa tête un « prince-président ».
Le suffrage universel masculin est rétabli, tandis que la liberté de la presse recule.
Le 29 février 1852, les Français élisent leurs représentants au Corps législatif, mais la pratique du vote est encadrée : le gouvernement met en place des « candidats officiels » (proposés et soutenus par le pouvoir) : tous une fois élus doivent prêter serment de fidélité au chef de l’État.
Corps Législatif :
Le Corps législatif était une assemblée votant les lois sous le Second Empire, mais ne pouvant pas les proposer.
Le passage au Second Empire et l’évolution du régime
Le passage au Second Empire et l’évolution du régime
Le 2 décembre 1852, l’Empire est proclamé à la suite d’une révision constitutionnelle.
Au sein de ce nouveau système, Louis-Napoléon (devenu l’empereur Napoléon III) a le contrôle total du pouvoir législatif. Il est à l’initiative des lois qu’il promulgue lui-même, tandis que le Corps législatif, valide ces décisions. Ce rôle n’est néanmoins qu’une façade, le Corps législatif n’étant formé que de membres favorisés par Napoléon III.
Napoléon III, par Hippolyte Flandrin, 1862
Le Second Empire connaît ensuite deux périodes.
- Une période autoritaire durant laquelle les membres du Corps législatif ne maîtrisent pas l’ordre du jour, n’ont pas le droit d’adresse aux ministres, et ne rendent pas compte publiquement de leurs débats.
L’Empire autoritaire désigne la période du Second Empire où les libertés individuelles et politiques sont réduites. Cette période débute avec le coup d’État et se termine à des dates variables selon les critères retenus.
- Puis, à partir de 1860 (droit d’adresse), 1864 (droit de coalition des ouvriers) et 1867 (droit d’interpellation), le régime se libéralise progressivement jusqu’à devenir un Empire libéral en 1869.
Droit d’adresse :
Le droit d’adresse est la possibilité donnée à partir de 1860, aux sénateurs et aux députés, de répondre au discours du trône qui ouvrait chaque session parlementaire.
Droit d’interpellation :
Le droit d’interpellation est le droit pour les députés de demander à un ministre de venir s’expliquer, devant le Corps législatif, sur la politique qu’il met en œuvre.
Durant la période de l’Empire libéral, le régime se fait moins autoritaire et autorise les opposants à s’exprimer. Le début de cette période oscille entre 1860 (avec le traité de libre-échange), 1864 (l’obtention du droit de coalition) ou 1869 lorsque les libertés politiques sont élargies.
La prospérité économique et la politique de grandeur nationale
La prospérité économique et la politique de grandeur nationale
Par ailleurs, la période du Second Empire est marquée par une conjoncture économique favorable : les salaires augmentent, les productions agricole et industrielle également. De même, les échanges s’intensifient avec le développement du chemin de fer.
Ces progrès sont mis en scène lors des deux Expositions universelles qu’accueille Paris en 1855 et 1867. L’exposition de 1867 constitue une sorte d’apogée pour le Second Empire : elle présente une France à la pointe du progrès et terre d’accueil du monde entier.
Exposition universelle 1867, Édouard Manet, 1867 ©Richard Mortel
Au moment de l’Exposition de 1867, Paris, presque entièrement rénovée suite aux travaux de Georges Eugène Haussmann, présente aux visiteurs ses ponts, avenues, places et palais sous leur plus beau jour.
Avenue de l’Opéra, soleil, matinée d’hiver, Camille Pissaro, 1898
La politique de grandeur nationale se traduit également par l’engagement extérieur : la poursuite de la conquête de l’Algérie, l’installation en Chine en 1857, l’expédition au Liban en 1860, l’annexion de la Basse-Cochinchine, au sud de l’actuel Vietnam, en 1862 par le traité de Saigon et l’expédition manquée au Mexique en 1867.
En parallèle, plusieurs transformations interviennent dans le fonctionnement interne du gouvernement.
Le renforcement de l’État et de l’administration
Le renforcement de l’État et de l’administration
Le renforcement des hauts cadres de l’État
Le renforcement des hauts cadres de l’État
Les préfets de départements (corps préfectoral initialement mis en place par Napoléon Ier) organisent et soutiennent les candidatures officielles. Ils représentent l’État dans les festivités locales comme les comices agricoles, ou les bals pour la bonne société.
Comices agricoles :
Les comices agricoles sont des rendez-vous annuels institués dans les années 1830, réunissant des propriétaires, des cultivateurs, et ayant pour objet la promotion d’innovations dans le domaine agricole.
Les préfets de départements sont aussi les yeux et les oreilles du pouvoir. Ils font remonter des rapports sur l’état de l’opinion qu’ils surveillent. Ils peuvent aussi remplacer, si nécessaire, le personnel municipal, et ont des pouvoirs de police et de règlements administratifs. Le Second Empire se caractérise d’ailleurs aussi plus précisément par le renforcement du contrôle social.
Le renforcement du contrôle social
Le renforcement du contrôle social
En ce sens, la gendarmerie se développe avec l’objectif de doter chaque canton d’une compagnie et d’un commissaire. Les procureurs généraux en place sont également remplacés par des personnes fidèles au régime, souvent issues de la bourgeoisie de province qui trouve là des débouchés.
Procureur général :
Haute fonction du corps juridique, le procureur général est un magistrat chargé de poursuivre les crimes et les délits au nom de l’État.
Les maires et les conseillers généraux sont contrôlés par le pouvoir même si, bien souvent, ils sont en place depuis longtemps car ce sont des personnes familières de la vie locale. Ainsi, on retrouve de nombreux maires légitimistes, mais aussi des orléanistes dans les conseils généraux.
Les orléanistes sont des monarchistes partisans de la branche cadette des Bourbons (Les Orléans), sur le trône avec Louis Philippe Ier de 1830 à 1848.
Car, bien entendu, les disparités et divergences d’opinions politiques perdurent.
Les oppositions politiques sous le Second Empire
Les oppositions politiques sous le Second Empire
Les opposants politiques de l’extérieur et de l’intérieur
Les opposants politiques de l’extérieur et de l’intérieur
Le régime qui établit un lien direct entre l’empereur et les Français se fait légitime par la pratique du plébiscite et des élections régulièrement convoquées. Néanmoins, les oppositions existent.
En témoignent les exilés et les proscrits, comme Victor Hugo qui dénonce le régime depuis son exil anglo-saxon sur l’île de Jersey.
Victor Hugo à Jersey sur le rocher dit « des proscrits », photographié par Charles Hugo en 1853
L’opposition peut aussi s’exprimer dans un cadre national légal, comme au sein du Corps législatif. C’est le cas de quelques députés républicains qui acceptent de prêter le serment de fidélité à l’empereur pour pouvoir siéger au Parlement, comme le fera en effet Émile Ollivier en 1858. C’est aussi le cas d’orléanistes comme Adolphe Thiers réclamant en 1864 les « libertés nécessaires » dans un discours au Corps législatif. Ils forment ainsi un petit noyau d’opposition qui accèdera au gouvernement en 1870.
Émile Ollivier, photographié par Pierre-Louis Pierson en 1870
Les attentats
Les attentats
Les oppositions politiques prennent parfois une forme violente comme l’attentat à la bombe perpétré par Felice Orsini en janvier 1858 dans le but de tuer l’empereur afin de relancer le processus révolutionnaire. Cet attentat déclenche le vote d’une loi de sûreté générale (en février 1858).
L’assouplissement du régime
L’assouplissement du régime
Cet attentat débouche aussi sur le vote d’une loi d’amnistie générale des condamnés politiques et des proscrits (15 août 1859). C’est dans le sillage de cette loi que l’Empire fait quelques concessions en direction des opposants politiques, en accordant par exemple le droit de coalition aux ouvriers en 1864 sous l’impulsion d’Émile Ollivier. Les oppositions politiques se développent ainsi après ce virage libéral pris par le régime autour des années 1860.
Lors des élections de 1863 et 1867, des républicains sont élus, mais aussi des bonapartistes libéraux et des légitimistes tandis que les candidatures officielles sont en recul. Le pouvoir autoritaire de l’Empereur s’affaiblit donc peu à peu et finalement, l’Empire cède aux opposants et devient libéral en 1870. Cette orientation est d’ailleurs approuvée par un plébiscite le 8 mai 1870.
Conclusion :
Le règne de Napoléon III sous le Second Empire s’étend sur plus de vingt ans et favorise une politique tournée vers l’économie. Ainsi, il voit naître de nombreuses modernisations et encourage les rénovations architecturales comme celles du baron Haussmann dans Paris. Le régime prend d’abord un tour autoritaire puis se libéralise peu à peu à partir des années 1860 : bien que d’abord très autoritaire, il a néanmoins permis l’enracinement de valeurs démocratiques et consolidé les bases de ce que sera la IIIeRépublique, plus mûre et réfléchie que les deux républiques qui l’ont précédée.