Les élections, outils de la démocratie
Introduction :
Le droit de vote est l’un des piliers de la démocratie, et ce depuis l’Antiquité.
En France, c’est un droit issu d’un long processus de luttes et de débats. Sous la monarchie, le suffrage n’existait pas. Avec les évènements révolutionnaires, la naissance de la démocratie fait évoluer les principes de souveraineté et l’acquisition de nouveaux droits politiques, dont le droit de vote.
Il apparaît ainsi intéressant d’observer en quoi le suffrage est un élément essentiel et constitutif de la démocratie.
Pour cela, nous nous intéresserons d’abord à la construction du vote dans le processus démocratique mis en place sous la Révolution française. Dans un second temps, nous étudierons les modalités du vote dans un état démocratique à partir de l’exemple français. Puis nous verrons comment les électeurs sont les garants du fonctionnement démocratique.
La construction du vote dans le processus démocratique
La construction du vote dans le processus démocratique
C’est pendant la Révolution française que naît un nouveau droit pour les citoyens : le suffrage.
Le suffrage est l’action par laquelle le citoyen exprime ses opinions lors d’un scrutin (réalisation du vote).
Le suffrage concerne l’élection de représentants et le référendum.
La mise en place du suffrage correspond à l’exercice de la souveraineté du peuple, voulue par la démocratie.
Le rôle de la Révolution dans la mise en place du suffrage
Le rôle de la Révolution dans la mise en place du suffrage
C’est tout d’abord le suffrage censitaire qui est instauré par la Constitution de 1791.
Le suffrage censitaire est un mode de suffrage où seuls les électeurs payant l’impôt (le cens) peuvent voter.
Ces citoyens qui peuvent voter sont appelés des « citoyens actifs ». Les autres sont désignés comme des « citoyens passifs ».
- Ce mode de suffrage limite la pratique de la démocratie puisque seuls les plus riches peuvent alors voter : le droit de vote est restreint.
De plus, à cette époque, le suffrage est aussi indirect, car les électeurs élisent des électeurs de second degré (avec plus de revenus) qui élisent à leur tour les députés de l’Assemblée nationale.
En 1792, le suffrage universel masculin est appliqué brièvement sous la Terreur, mais le suffrage censitaire et indirect fait son retour dès 1795.
La Constitution de 1799 affirme de nouveau le suffrage universel pour les hommes de plus de 21 ans, mais celui-ci est en réalité limité par le système des listes de confiance : les électeurs n’élisent pas directement leurs représentants, ils se contentent de valider un certain nombre de candidats sur des listes qui sont ensuite présentées au Sénat.
Au lendemain de la Révolution française, le suffrage demeure réservé aux hommes et aux plus riches malgré les brèves tentatives d’instauration du suffrage universel masculin.
L’accès au suffrage évolue lentement : il faut en effet attendre le milieu du XIXe siècle puis la fin de la Seconde Guerre mondiale pour voir ce droit élargi.
L’élargissement du suffrage : vers le suffrage universel
L’élargissement du suffrage : vers le suffrage universel
L’élargissement du suffrage répond aux valeurs démocratiques défendues par la Révolution française, telles que la liberté et l’égalité des citoyens.
Le suffrage universel masculin est instauré en 1848 avec le retour de la République (Deuxième République) et ne sera plus remis en cause.
Cependant, les femmes n’ont toujours pas accès au suffrage : c’est la principale revendication des suffragettes.
Suffragette :
Une suffragette est une femme qui se bat pour l’accession des femmes au droit de vote.
Ce mouvement féministe est né en Grande-Bretagne au début du XXe siècle puis qui se diffuse en France.
Les suffragettes utilisent différents moyens d’actions (grèves de la faim, distribution de tracts, troubles à l’ordre public…) pour faire reconnaître leur droit au suffrage.
Suffragettes à Londres
Avec ce mouvement suffragiste, le droit de vote pour les femmes se diffuse en Europe.
Malgré de fortes revendications, les Françaises n’obtiennent le droit de vote qu’en 1944 et votent pour la première fois lors des élections municipales en 1945.
Les Françaises bénéficient ainsi de ce droit très tardivement par rapport à d’autres pays européens : par exemple, les Russes obtiennent le droit de vote en 1864, les Norvégiennes en 1913 et les Britanniques en 1918.
- En France, à partir de 1944, le suffrage devient donc universel et concerne les hommes et les femmes de plus de 21 ans.
En 1962, un référendum permet d’acter l’élection au suffrage direct du président de la République.
- À partir de cette date, les citoyens élisent directement le président.
Les évènements sociaux de mai 68 ont aussi des répercussions sur le suffrage : en 1974, sous le mandat présidentiel de Valéry Giscard d’Estaing, l’âge du vote passe de 21 ans à 18 ans.
Enfin, en 1992, avec l’instauration du traité de Maastricht, le droit de vote est accordé aux citoyens européens à certaines élections.
Porté par différents débats démocratiques, le suffrage subit une longue transformation depuis la Révolution française (suffrage universel, suffrage direct).
Cependant, dans un pays marqué par les principes démocratiques de souveraineté populaire et de libertés, il est à noter que les femmes ont bénéficié du droit de vote très tardivement.
Des débats sont toujours d’actualité concernant la question de l’extension du droit de vote.
La question de l’extension du droit de vote
La question de l’extension du droit de vote
En France, les étrangers de l’Union européenne peuvent voter aux élections municipales.
Or, depuis plusieurs années, la question de l’élargissement du suffrage aux élections municipales aux étrangers non communautaires fait débat en France.
L’ouverture des pays à la mondialisation et l’idée de citoyenneté transnationale rendue possible par l’élargissement de l’Union européenne favorisent l’apparition de ces débats.
Ouvrir le vote aux étrangers nécessiterait une modification de la Constitution qui stipule à l’article 3 que « sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques ».
En Europe, certains pays ont cependant déjà donné ce droit aux élections locales aux étrangers.
Au Royaume Uni, l’étranger non communautaire doit faire partie du Commonwealth (anciennes colonies britanniques qui reconnaissent la souveraineté de la reine) pour pouvoir voter.
La Suède, le Danemark, la Finlande, les Pays-Bas, la Belgique ou encore le Luxembourg donnent ce droit aux étrangers qui résident continuellement depuis plusieurs années dans le pays.
L’Irlande va même plus loin, puisque tous les étrangers peuvent voter aux élections locales depuis 1963, sans durée de résidence minimale sur le territoire.
Si le droit de vote est largement ouvert aux étrangers dans la plupart des pays européens, la question fait encore débat en France.
Un autre débat concerne la question du droit de vote à 16 ans.
L’objectif est notamment de faire face à l’abstention qui est très importante chez les jeunes.
Les modalités du vote dans un État démocratique
Les modalités du vote dans un État démocratique
En France, le vote s’effectue selon des modalités précises.
La campagne électorale : à la conquête des électeurs
La campagne électorale : à la conquête des électeurs
Les élections commencent par la campagne électorale, qui se déroule plusieurs mois à l’avance.
- La campagne électorale a une visée informative nécessaire afin que chaque citoyen puisse voter dans de bonnes conditions.
C’est la période durant laquelle les candidats vont à la rencontre des citoyens, c’est-à-dire des possibles électeurs, pour les convaincre de voter pour eux.
La campagne est basée sur un programme électoral élaboré par le candidat.
Le programme contient les idées du candidat et aborde les questions sociétales du point de vue économique, social et environnemental.
Le pluralisme politique (plusieurs partis) permet l’expression d’une diversité d’opinions et garantit la possibilité de choix de la part du citoyen, conformément aux valeurs de la démocratie.
Remarque :
Pour se présenter aux élections, les candidats doivent récolter 500 signatures d’élus. Ils peuvent être membre ou non d’un parti politique.
Le candidat utilise tous les moyens à sa disposition pour convaincre et séduire l’électeur (tracts, livres, presse, radio, télévision, visite de terrain).
En France, le déroulement des campagnes et leur financement sont réglementés et contrôlés par la CNCCFP (la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques).
À la fin des élections, le candidat et son parti reçoivent une subvention de l’État si le candidat a obtenu plus de 5 % des voix exprimées.
- Cette réglementation s’inscrit dans la transparence des informations, garante du bon fonctionnement de la démocratie.
À l’issue de la campagne électorale, les électeurs doivent voter : c’est le temps des élections. Pendant cette période, les candidats ne doivent plus s’exprimer.
En France, les élections donnent lieu à une campagne électorale : les candidats présentent leur programme pour répondre aux attentes des Français.
La campagne devient le terrain de l’expression de la démocratie : c’est à cette occasion qu’ont lieu de nombreux débats entre les candidats.
Le déroulement des élections
Le déroulement des élections
En France, les élections présidentielles et municipales s’organisent en deux tours.
Il existe deux types de scrutin : le scrutin majoritaire et le scrutin proportionnel.
Les élections présidentielles et législatives se font au scrutin majoritaire. Il permet d’accorder le siège au candidat ou à la liste ayant obtenu la majorité des voix.
Les élections des sénateurs et les élections européennes s’effectuent selon un scrutin proportionnel.
Scrutin proportionnel :
C’est un système électoral qui accorde aux partis politiques un nombre d’élus proportionnel au nombre de suffrages obtenu. Ce mode de scrutin reproduit le plus fidèlement possible l’image de l’ensemble du corps électoral.
Les électeurs doivent être inscrits sur la liste électorale pour pouvoir voter.
Le jour des élections, ils doivent se munir de leur carte électorale et d’une pièce d’identité.
Déroulement du vote :
L’électeur prend une enveloppe et les différents bulletins de vote, puis se rend dans un isoloir pour glisser dans l’enveloppe le bulletin de son choix.
Le secret de vote empêche toute pression sur l’électeur et favorise la protection de l’expression de la souveraineté de chaque citoyen.
L’électeur se dirige vers l’urne où il introduit l’enveloppe qui contient le bulletin de vote.
De manière très encadrée, la carte électorale est estampillée par un assesseur, prouvant ainsi que l’électeur a accompli son devoir démocratique.
Assesseur :
C’est une personne en charge du bon déroulement du vote jusqu’au dépouillement des enveloppes.
Les assesseurs sont des bénévoles choisis par les candidats. Ils peuvent aussi être choisis parmi les conseillers municipaux s’il venait à en manquer le jour des élections.
Personne introduisant son enveloppe dans l’urne, sous le contrôle des assesseurs, ©Rama
Après la clôture du scrutin, le dépouillement des bulletins a lieu.
Ce dépouillement est également très encadré pour éviter les fraudes.
Ainsi, tous les bulletins sont décomptés, puis le secrétaire du bureau rédige le procès-verbal.
Les résultats du vote sont ensuite proclamés par le président du vote.
Les élections sont l’expression du choix des électeurs : c’est à cette occasion que les citoyens désignent leurs représentants pour engager les politiques qu’ils souhaitent pour leur pays.
Le suffrage est ainsi l’outil de la démocratie, puisqu’il est l’expression la plus directe de la souveraineté du peuple.
Nous allons à présent voir de quelle façon les électeurs garantissent le bon fonctionnement de la démocratie.
Les électeurs, garants du fonctionnement démocratique
Les électeurs, garants du fonctionnement démocratique
Le vote fait partie des droits mais aussi des devoirs du citoyen français.
Le vote, un devoir politique
Le vote, un devoir politique
En France, le vote n’est pas une obligation, contrairement à certains pays européens, mais il est tout de même considéré comme un devoir citoyen.
La question de le rendre obligatoire a souvent été débattue en raison du taux d’abstention (fait de ne pas participer au vote lors d’une élection).
Lors des élections présidentielles de 2017, le taux d’abstention a été très élevé : il dépassait 22 % au premier tour et était évalué à plus de 25 % au second tour ; en 2012, il était de plus de 20 % au premier tour et de plus de 19 % au second tour.
Mais c’est aux élections européennes que le taux d’abstention est le plus important. En effet, lors des élections européennes de 2017, il était de 49,9 %.
Le taux d’abstention ne comptabilise pas les votes blancs ou nuls, seulement les personnes inscrites sur les listes électorales et n’ayant pas été voté.
L’obligation du vote est attestée dans quelques pays européens comme la Belgique, la Suisse ou encore la Grèce.
Les sanctions sont très variables dans ces pays, alors qu’en France, le citoyen abstentionniste n’est pas sanctionné.
En revanche, l’élection sénatoriale est obligatoire en France pour les grands électeurs (députés, conseillers municipaux/régionaux, etc.), qui risquent une amende de 100 € en cas d’abstention.
Le vote fait partie des droits civiques qui se distinguent des droits naturels du citoyen.
La formule inscrite sur la carte électorale le rappelle au citoyen : « Voter est un droit, c’est aussi un devoir civique. »
- Le vote engage la responsabilité des citoyens.
Source de légitimité, le vote est un droit mais également un devoir civique issu d’un long processus d’acquisition. Son exercice garantit l’expression démocratique.
Pourtant, le taux d’abstention n’a jamais été aussi important de nos jours.
L’électorat sous influences ?
L’électorat sous influences ?
Dans le cadre des élections, les médias jouent un rôle d’information qui est important : ils tiennent les électeurs informés sur la position de chaque candidat.
Or, aujourd’hui, les médias et les enquêtes d’opinion tendent à modifier les règles de fonctionnement de notre vie démocratique.
Enquêtes d’opinion :
Les enquêtes d’opinion désignent une méthode de sondage réalisée auprès de la population pour connaître ses opinions.
Ces enquêtes se basent sur les réponses d’un échantillon de la population.
- Le nouvel électeur est de plus en plus dépendant des médias et des sondages pour décider de son vote.
En France, les enquêtes d’opinion sont nombreuses (comme par exemple les enquêtes de l’institut IFOP). Cette omniprésence se constate dès les campagnes électorales. Aussi, les opinions personnelles des citoyens sont de plus en plus influencées par les médias, aussi bien à la télévision que sur Internet, notamment via les réseaux sociaux.
Cependant, l’électeur doit pouvoir exercer son libre arbitre sans être influencé par les médias.
Conclusion :
Mis en place sous la Révolution française, le vote est le fruit d’un long processus démocratique. D’abord restreint, le vote s’élargit aujourd’hui à l’ensemble des citoyens en âge de voter, exceptés les étrangers.
Pendant la période des élections, la campagne électorale permet l’expression démocratique de tous les acteurs. À l’ère du numérique, la campagne puis le déroulement des élections font l’objet d’un cadre règlementaire précis. Ce cadre garantit la neutralité et renforce la légitimité du suffrage en évitant les dérives.
En allant voter, l’électeur effectue son devoir civique et participe à l’expression de la souveraineté du peuple. Le vote est ainsi le garant du bon fonctionnement de la démocratie.
La santé du vote (participation) doit alors traduire d’une certaine manière la santé de la démocratie.