Propriétés spectrales des substances chimiques et solutions
Introduction :
La spectroscopie est une technique d’analyse basée sur l’étude de l’interaction des radiations électromagnétiques et de la matière. Il existe différents types de spectroscopies.
Dans ce cours, nous nous intéresserons tout d’abord à la spectroscopie UV-visible qui traite de l’absorption des radiations électromagnétiques par la matière. Ainsi, nous définirons la notion d’absorbance d’une espèce et décrirons le principe de fonctionnement du spectrophotomètre qui fournit un spectre UV-Visible dont on peut extraire des informations sur l’espèce étudiée. Nous montrerons ensuite que l’absorbance d’une espèce en solution est proportionnelle à sa concentration en quantité de matière, et qu’il est possible de réaliser un dosage par étalonnage en utilisant la spectrophotométrie UV-visible. Enfin, nous nous pencherons sur une autre technique d’analyse qui apporte des informations complémentaires sur l’espèce étudiée : la spectroscopie infrarouge (IR).
Spectroscopie UV-visible
Spectroscopie UV-visible
Lorsqu’une radiation lumineuse traverse une substance, elle est en partie transmise et en partie absorbée. C’est cette propriété physique propre à chaque espèce que l’on utilisera en spectroscopie UV-Visible, technique d’analyse très couramment utilisée. L’appareil employé est appelé spectrophotomètre UV-visible.
Spectrophotomètre
Spectrophotomètre
Spectrophotomètre :
Un spectrophotomètre est un appareil qui permet de mesurer l’absorbance d’une solution à une longueur d’onde donnée.
En spectroscopie UV-visible, les longueurs d’onde utilisées sont comprises entre $400\ \text{nm}$ et $800\ \text{nm}$. Un spectrophotomètre UV-visible comporte :
- une source de lumière, imposée par la gamme des longueurs d’onde que l’on souhaite étudier ;
- un monochromateur, composé d’un réseau de diffraction et d’une fente (au niveau du diaphragme), qui permet de sélectionner une radiation monochromatique de longueur d’onde précise ;
- une cuve qui contient l’échantillon à étudier ;
- un détecteur, qui mesure l’intensité lumineuse transmise par l’échantillon.
Schéma du principe d’un spectrophotomètre monofaisceau
Sur le schéma ci-dessus, on remarque que le faisceau de lumière traversant la cuve voit son intensité modifiée.
Le spectrophotomètre mesurera alors l’absorbance de la solution étudiée en fonction du rapport entre l’intensité lumineuse transmise $(I)$ et l’intensité lumineuse incidente $(I_0)$.
Sur un spectrophotomètre monofaisceau, il faut réaliser une opération appelée « réglage du zéro » pour s’affranchir des causes d’absorption (cuve, solvant…) qui ne proviennent pas de l’espèce étudiée.
Pour cela, on sélectionne la longueur d’onde appropriée (longueur d’onde à laquelle l’échantillon sera analysé), on introduit dans l’appareil la cuve contenant le solvant, et on appuie sur une touche (en général, la touche « ZÉRO ») afin de régler la valeur de l’absorbance à zéro. Le spectrophotomètre est ainsi prêt pour les mesures.
Absorbance
Absorbance
L’absorbance est une grandeur sans dimension qui représente la capacité d’une espèce chimique en solution à absorber une radiation.
Elle est définie par la relation :
$$A=\text{log} \left(\dfrac{I_0}{I}\right)$$
$I_0$ : intensité de la radiation lumineuse incidente
$I$ : intensité de la radiation lumineuse transmise
En spectroscopie UV-visible, il faut mesurer l’absorbance d’une solution à différentes longueurs d’onde, appartenant au domaine du visible $(400-800\ \text{nm})$ ou à une partie du domaine des ultraviolets $(200-400\ \text{nm})$, afin de tracer un spectre UV-visible.
Spectre d’absorption UV-visible
Spectre d’absorption UV-visible
Spectre d’absorption UV-visible :
Le spectre d’absorption UV-visible est un graphique qui représente l’absorbance $A$ d’une espèce chimique en fonction de la longueur d’onde $\lambda$ de la radiation.
Pour chaque espèce chimique, il existe une longueur d’onde caractéristique $(\lambda_{\text{max}})$ pour laquelle l’absorbance est maximale $(A _{\text{max}})$.
Exemple de spectre d’absorption UV-visible
- $\lambda_{\text{max}}$ est une caractéristique propre à chaque espèce chimique. Elle peut donc aider à identifier une espèce chimique en solution.
Il faut également tenir compte du spectre dans son ensemble (nombre de pics, forme…), car il est différent pour chaque espèce chimique en solution. Ainsi, la comparaison de ce spectre à une banque de spectres peut également aider à identifier une espèce chimique en solution.
- Le spectre d’absorption UV-visible permet également de retrouver la couleur d’une espèce chimique en solution.
Une espèce chimique incolore n’absorbe aucune radiation dont la longueur d’onde appartient au domaine du visible $(400-800\ \text{nm})$.
Une espèce chimique colorée absorbe certaines radiations dont les longueurs d’onde appartiennent au domaine du visible $(400-800\ \text{nm})$. Ainsi, si $\lambda_{\text{max}}$ appartient au domaine du visible, l’espèce chimique est colorée. Sa couleur est la couleur complémentaire (ou la somme des couleurs complémentaires) de la (des) radiation(s) absorbée(s).
La couleur de la solution à l’aide des longueurs d’onde du spectre de la lumière visible.
Une solution de sulfate de cuivre absorbe les longueurs d’onde correspondant au rouge. La couleur de cette solution est cyan.
Pour une solution de permanganate de potassium, $\lambda_{\text{max}}\approx 540\ \text{nm}$ (la solution absorbe les longueurs d’onde correspondant au vert). La couleur de cette solution est magenta.
- Il existe un lien entre la couleur perçue et la structure de la molécule.
Les hydrocarbures possédant sept doubles liaisons conjuguées ou plus sont colorés (ils absorbent des radiations dont les longueurs d’onde appartiennent au domaine du visible), alors que les hydrocarbures possédant moins de sept doubles liaisons conjuguées sont incolores.
En général, la longueur d’onde de la radiation absorbée augmente, lorsque le nombre de doubles liaisons conjuguées dans la molécule augmente.
La présence d’un groupe caractéristique dans la molécule peut également modifier sa couleur.
Dosage spectrophotométrique
Dosage spectrophotométrique
Le dosage est une méthode qui permet de déterminer la concentration d’une espèce chimique en solution.
Loi de Beer-Lambert
Loi de Beer-Lambert
Loi de Beer-Lambert :
Comme vous le savez, la loi de Beer-Lambert est définie par la relation :
$$A=\varepsilon \times l \times C$$
$A$ : absorbance de la solution (sans unité)
$\varepsilon$ : coefficient d’extinction molaire $(\text{L}\cdot \text{mol}^{-1}\cdot \text{cm}^{-1})$
$l$ : épaisseur de la cuve traversée $(\text{cm})$
$C$ : concentration en quantité de matière de l’espèce chimique $(\text{mol}\cdot \text{L}^{-1})$
En considérant que $\varepsilon \times l$ est une constante, notée $k$, pour une épaisseur de cuve donnée, une longueur d’onde donnée et une espèce donnée, la loi de Beer-Lambert peut s’écrire : $$A= k \times C$$
$A$ : absorbance de la solution (sans dimension)
$k$ : constante de proportionnalité $(\text{L}\cdot \text{mol}^{-1})$
$C$ : concentration en quantité de matière de l’espèce chimique $(\text{mol}\cdot \text{L}^{-1})$
La loi de Beer-Lambert n’est valide que dans certaines conditions :
- la lumière doit être monochromatique ;
- la solution ne doit pas être trop concentrée ;
- la solution doit être homogène ;
- le soluté ne doit pas réagir sous l’effet de la lumière incidente.
Dosage par étalonnage
Dosage par étalonnage
L’absorbance d’une espèce en solution étant proportionnelle à sa concentration en quantité de matière $C$, il est possible de réaliser un dosage par étalonnage en utilisant la spectrophotométrie UV-visible.
Méthode :
La méthode à employer, pour réaliser un dosage par étalonnage en utilisant la spectrophotométrie, est la suivante :
- On mesure, avec un spectrophotomètre UV-visible, l’absorbance de plusieurs solutions contenant l’espèce chimique $X$ à différentes concentrations connues (solutions étalons). Pour réaliser ces mesures, on utilise la longueur d’onde $\lambda_{\text{max}}$, qui correspond au maximum d’absorption, afin d’obtenir la plus grande précision possible lors du dosage.
- On trace la courbe $A=f(C)$ qui représente l’absorbance des solutions étalons en fonction de leur concentration, on obtient une droite d’étalonnage.
- On mesure ensuite l’absorbance de la solution de concentration inconnue contenant l’espèce chimique $X$, en utilisant la longueur d’onde $\lambda_{\text{max}}$.
- On exploite la droite d’étalonnage pour déterminer la concentration de la solution étudiée. Pour cela, on reporte sur la droite d’étalonnage la valeur de l’absorbance de la solution de concentration inconnue et on détermine la concentration de cette solution sur l’axe des abscisses.
Prenons un exemple pour illustrer cette méthode.
On veut déterminer la concentration d’une solution aqueuse de diiode (notée solution $S$). Pour cela, on dispose de solutions étalons (solutions aqueuses de diiode de concentrations connues) et d’un spectrophotomètre, et l’on sait qu’une solution de diiode présente un maximum d’absorbance pour une longueur d’onde $\lambda_{\text{max}}=470\ \text{nm}$.
Pour déterminer la concentration de la solution $S$, il faut réaliser un dosage par étalonnage en utilisant la spectrophotométrie.
Pour cela, on utilise la méthode précédente :
- On mesure l’absorbance de chaque solution étalon à $470\ \text{nm}$.
- On trace la droite d’étalonnage $A=f(C)$ qui représente l’absorbance des solutions étalons en fonction de leur concentration.
- On mesure l’absorbance $A_S$ de la solution $S$ de concentration inconnue $C_S$ à $470\ \text{nm}$.
- On reporte sur la droite d’étalonnage le point d’ordonnée $A_S$ et on détermine l’abscisse $C_S$ qui correspond à la concentration de la solution $S$.
Spectroscopie infrarouge
Spectroscopie infrarouge
La spectroscopie infrarouge (IR) trouve des applications dans divers domaines tels que la médecine, la biologie et la chimie.
Elle est souvent utilisée pour reconnaître des groupes fonctionnels et identifier des composés.
Principe
Principe
Les molécules subissent des mouvements de vibration. Pour faciliter l’étude des mouvements de vibration des molécules diatomiques, on utilise généralement le modèle de l’oscillateur harmonique. C’est pourquoi nous modéliserons la liaison entre deux atomes $A$ et $B$ par un ressort, de constante de raideur $k$, reliant deux masses $m_A$ et $m_B$.
Liaison entre deux atomes A et B modélisée par un ressort
Chaque type de liaison possède une fréquence d’oscillation spécifique appelée fréquence de résonance.
Lorsqu’une radiation infrarouge traverse un échantillon, les liaisons de la molécule dont la fréquence de résonance correspond à la fréquence de la radiation électromagnétique absorbent cette radiation.
La spectroscopie IR permet donc de repérer la présence de certaines liaisons et d’en déduire les groupes caractéristiques présents dans la molécule.
En spectroscopie IR, la longueur d’onde des rayonnements utilisés est généralement comprise entre $2,5\ \mu\text{m}$ et $25\ \mu\text{m}$ (ce qui correspond à un intervalle de nombre d’onde compris entre $400$ et $4000\ \text{cm}^{-1}$).
Spectre IR
Spectre IR
Spectre d’absorption IR :
Le spectre d’absorption IR d’une espèce chimique représente graphiquement la transmittance en fonction du nombre d’onde.
Spectre IR de l’heptan-2-one
Transmittance :
La transmittance $t$ est définie par le rapport entre l’intensité du rayonnement transmis $I_t$ et l’intensité du rayonnement incident $I_0$ : $$t=\dfrac{I_t}{I_0}$$
La transmittance est généralement exprimée en pourcentage. Une transmittance de $100\%$ indique que le rayonnement IR n’est pas absorbé, tandis qu’une transmittance de $0\%$ signifierait que le rayonnement IR est totalement absorbé.
Lorsqu’un rayonnement IR est absorbé, on observe sur le spectre une bande d’absorption orientée vers le bas.
Nombre d’onde :
Le nombre d’onde $\sigma$ est l’inverse de la longueur d’onde $\lambda$ : $$\sigma=\ \frac{1}{\lambda}$$ Le nombre d’onde est généralement exprimé en $\text{cm}^{-1}$.
Chaque famille chimique (alcools, acides carboxyliques, esters…) comporte un groupe d’atomes caractéristique (groupe fonctionnel) dont certaines liaisons présentent des bandes d’absorption caractéristiques pour des nombres d’ondes définis.
Pour interpréter un spectre IR, on utilise des tables IR qui regroupent les principales bandes d’absorption caractéristiques.
Famille | Liaison | Nombre d’onde $(\text{cm}^{-1})$ |
Cétone | $\text{C}= \text{O}$ | $1705-1725$ |
Aldéhyde | $\text{C}_{\text{tri}}- \text{H}$
$\text{C}= \text{O}$ |
$2700-2900$
$1720-1740$ |
Acide carboxylique | $\text{O}- \text{H}$
$\text{C}= \text{O}$ |
$2500-3200$
$1740-1800$ |
Ester | $\text{C}= \text{O}$ | $1730-1750$ |
Alcool | $\text{O}- \text{H}$ alcool lié
$\text{O}- \text{H}$ alcool libre |
$3200-3450$
$3600-3700$ |
Tableau regroupant quelques bandes d’absorption caractéristiques.
Remarque : $\text{C}_{\text{tri}}$ signifie que l’atome de carbone est trigonal.
En général, la région du spectre correspondant à des nombres d’ondes inférieurs à $1\ 500\ \text{cm}^{-1}$ est complexe et difficilement interprétable. Par conséquent, on utilisera la région du spectre correspondant à des nombres d’ondes supérieurs à $1\ 500\ \text{cm}^{-1}$ pour les analyses structurales.
Spectre IR de l’acide éthanoïque
L’acide éthanoïque $\text{CH}_3 - \text{COOH}$ est un acide carboxylique (il possède un groupe carboxyle). D’après les tables IR, son spectre IR doit posséder une large bande entre $2\ 500$ et $3\ 200\ \text{cm}^{-1}$ caractéristique de la liaison $\text{O}- \text{H}$ et une bande entre $1\ 740$ et $1\ 800\ \text{cm}^{-1}$ caractéristique de la double liaison $\text{C}= \text{O}$.
L’étude du spectre IR confirme la présence de ces bandes.
Conclusion :
Les méthodes spectroscopiques sont très couramment utilisées dans divers domaines. En effet, l’interprétation des différents spectres permet d’obtenir plusieurs informations intéressantes (présence de groupes caractéristiques, structure des molécules, etc.) qui peuvent être utilisées afin d’identifier certaines espèces chimiques. Il est également possible de déterminer la concentration d’une espèce chimique en solution en utilisant la spectrophotométrie UV-visible (dosage par étalonnage).