Évolutions de l’emploi et lutte contre le chômage
Introduction :
Nous allons aborder ici les moyens à disposition des pouvoirs publics pour lutter contre le chômage. Nous verrons que les solutions possibles face au chômage sont de deux ordres : elles sont conjoncturelles quand elles visent à répondre à une situation économique particulière, et sont structurelles quand elles visent à modifier durablement les caractéristiques du marché du travail.
Rappels
Rappels
Le Bureau international du travail, le BIT, définit le chômage comme la situation d’une personne en âge de travailler qui répond à trois conditions :
- être sans emploi, c’est-à-dire ne pas avoir travaillé pendant une certaine période ;
- être disponible pour accepter un emploi dans les 15 jours ;
- rechercher activement un emploi.
Il existe plusieurs types de chômage :
- tout d’abord, le chômage frictionnel qui concerne les personnes qui rentrent sur le marché du travail, comme les jeunes diplômés ou les personnes qui ont quitté un emploi récemment. On le qualifie de chômage « naturel » ;
- ensuite, le chômage conjoncturel qui dépend de l’activité économique. Quand celle-ci ralentit, les entreprises ont besoin de moins de main d’œuvre pour produire, alors elles licencient ;
- et enfin, le chômage structurel qui dépend des changements de la structure économique et donc du progrès technique. Il correspond au temps nécessaire à l’offre pour se mettre en adéquation avec la demande.
Le chômage a toujours existé, mais il s’est fortement développé depuis les années 1970, en particulier depuis le choc pétrolier. Il se situe aujourd’hui à environ 10 %, ce chiffre correspondant au taux de chômage.
Taux de chômage :
Le taux de chômage est le rapport entre le nombre de chômeurs et la population active.
Avec un chiffre aussi important on parle donc de chômage de masse. Si la lutte contre le chômage est une priorité pour l’État, c’est parce qu’il est à la fois facteur de pauvreté, l’absence de travail entrainant une diminution des revenus, et facteur d’exclusion, puisqu’il a aussi une incidence sur les relations sociales. Les politiques de l’emploi visent à accroître le taux d’emploi.
Taux d’emploi :
Le taux d’emploi est la proportion d’individus possédant un emploi parmi toute la population active.
Les politiques de l’emploi visent à accroître le taux d’emploi, autrement dit la proportion d’individus qui a un emploi parmi toute la population en âge de travailler. Les politiques de lutte peuvent être conjonturelles ou structurelles.
Les politiques conjoncturelles de lutte contre le chômage
Les politiques conjoncturelles de lutte contre le chômage
Les explications du chômage varient selon les économistes. Pour les néoclassiques, c’est le non-respect des règles du marché qui en est la cause, pour les keynésiens, les partisans des théories de Keynes, c’est en revanche l’insuffisance de la demande.
La mise en œuvre des politiques publiques de lutte contre le chômage dépend donc du diagnostic de départ : le chômage néoclassique se résout par la baisse du coût du travail, le chômage keynésien par l’instauration de politiques de relance.
Chômage néoclassique et baisse du coût du travail
Chômage néoclassique et baisse du coût du travail
Pour les néoclassiques, le chômage est le résultat d’un excès d’offre de travail (il y a trop de travailleurs) et d’une insuffisance de la demande (il n’y a pas assez d’employeurs qui recrutent). Les causes résident dans l’augmentation des coûts de production :
- l’entreprise va cesser de recruter en raison de l’augmentation de ses coûts de production (du fait par exemple de nouveaux investissements indispensables, du remplacement de matériel, ou de la baisse de ses ventes en raison de l’arrivée de nouveaux concurrents) ;
- produire coûtera désormais plus cher ;
- la rentabilité va donc baisser ;
- c’est en raison de cette baisse de rentabilité qu’elle décidera de ne plus créer de postes : il n’est plus rentable d’embaucher puisqu’un salarié supplémentaire coûtera plus cher qu’il ne rapportera.
Pour relancer la demande d’emplois, il faudrait donc réduire au maximum les coûts du travail de l’entreprise de façon à compenser l’augmentation des coûts de production pour rendre les embauches à nouveau rentables. En baissant les coûts du travail pour les entreprises, on améliore leur rentabilité, elles peuvent à nouveau embaucher, entraînant la réduction du chômage.
Coût du travail :
Le coût du travail se compose de toutes les dépenses liées à l’utilisation du facteur travail par une entreprise. Il comprend le salaire brut avec les primes, les congés payés et les cotisations patronales.
- Pour réduire le coût du travail, les pouvoirs publics peuvent alors soit réduire les cotisations sociales des employeurs, soit réduire le niveau du salaire minimum, le SMIC.
Pour les néoclassiques, l’État est donc responsable de l’existence du chômage, puisque le SMIC et les cotisations patronales empêchent le taux de salaire réel de baisser.
- On dit qu’il est rigide à la baisse, puisque la loi impose un certain niveau de salaire minimum à payer à tout salarié.
Pour qu’un équilibre de plein emploi soit possible, le taux de salaire réel doit pouvoir s’ajuster librement en fonction de l’offre et de la demande :
- Le salaire minimum étant supérieur au salaire d’équilibre, il empêche la courbe de l’offre et la courbe de la demande de se croiser. Le marché ne s’ajuste plus et du chômage involontaire apparaît. Plus ce salaire minimum s’éloigne du salaire d’équilibre, qui assurerait l’équilibre de plein emploi, plus le chômage est élevé.
Ainsi dans l’analyse néoclassique, si un chômage involontaire apparaît, c’est parce que le taux de salaire n’est pas flexible. Pour rétablir cette flexibilité l’État doit alors intervenir, en supprimant le SMIC et toutes les autres charges qui augmentent les coûts pour les entreprises.
Cette analyse n’est pas partagée par tous les économistes. Pour les keynésiens, une baisse des salaires aura un effet exactement inverse, en renforçant encore davantage le chômage. La lutte contre le chômage keynésien doit donc passer par ce que l’on appelle les politiques de relance.
Chômage keynésien et politique de relance
Chômage keynésien et politique de relance
John Maynard Keynes est un économiste anglais du XXe siècle qui a révolutionné la pensée économique en réfutant l’idée que le marché se régule automatiquement.
Il conteste l’analyse du chômage néoclassique en termes de coûts et préfère raisonner en termes macro-économiques. Pour lui, si le chômage se développe, c’est parce que la demande de biens et de services est trop faible.
Les causes du chômage keynésien résident donc dans la baisse de la demande, car quand la demande diminue, les ventes des entreprises diminuent avec elle. Ces entreprises doivent réduire leur production et décident de licencier.
Keynes analyse les conséquences de la baisse des salaires comme solution proposée par les néoclassiques pour lutter contre le chômage. Il estime qu’elle est non seulement inefficace mais qu’elle a même des effets négatifs, car elle entrainera une baisse des revenus pour les ménages et une baisse de leur consommation.
- La demande de biens et de services auprès des entreprises sera donc réduite, entrainant la hausse du chômage.
L’État a ici un rôle déterminant pour réduire le chômage : il doit agir sur la demande. Il peut le faire en améliorant d’une part la demande immédiate, d’autre part la demande anticipée.
Demande immédiate :
La demande immédiate est la demande de biens et de services, elle est liée aux consommateurs. Pour la stimuler, il faut donner aux consommateurs les moyens de consommer, en rehaussant le salaire minimum par exemple ou en augmentant les prestations sociales, de façon à agir sur leur niveau de vie.
- Les entreprises augmentent leur production pour répondre à cette nouvelle demande de biens et de services et embauchent de nouveaux travailleurs pour réaliser cette production.
Demande anticipée :
La demande anticipée est la quantité de biens et de services que les entreprises prévoient de vendre : des entrepreneurs optimistes sur des ventes futures embaucheront pour anticiper une demande plus forte. À l’inverse, s’ils sont pessimistes, ils réduiront leurs investissements au cas où leurs bénéfices diminueraient.
Pour stimuler la demande effective, l’État doit mener des politiques de relance de l’économie.
- La finalité de ces politiques est de stimuler la croissance pour réduire indirectement le chômage.
Pour stimuler la demande effective, l’État doit mener des politiques de relance de l’économie. La finalité de ces politiques est de stimuler la croissance pour réduire indirectement le chômage. Il s’agit notamment de baisser les impôts, pour que les revenus des ménages augmentent et qu’ils puissent consommer. Il peut s’agir aussi d’augmenter les dépenses publiques avec des politiques de grands travaux qui vont permettre de faire travailler les entreprises sur des chantiers financés par l’État, comme les lignes de TGV ou des bâtiments publics importants. Pour se préparer à une augmentation prochaine de la demande, les patrons embaucheront pour produire en conséquence, participant ainsi à la baisse du chômage.
L’État agit à la fois sur la consommation des ménages et sur l’investissement des entreprises. Pour les keynésiens, le salaire n’est pas seulement un coût pour les entreprises, c’est aussi un revenu pour les salariés qui permet la consommation.
- Alors que l’augmentation des salaires est désastreuse dans l’analyse néoclassique, elle présente un réel intérêt dans l’analyse keynésienne.
Ces politiques sont qualifiées de conjoncturelles, ce sont des politiques à court terme, limitées dans le temps, qui ont pour but de faire face à un déséquilibre momentané de l’économie en stimulant la croissance. Elles sont cependant assez compliquées à mettre en œuvre notamment en raison de l’inadéquation qui intervient parfois entre les compétences des travailleurs et les besoins des employeurs. Il s’agit alors de mettre en place des politiques destinées à lutter activement contre la composante structurelle du chômage.
La réduction de la composante structurelle du chômage
La réduction de la composante structurelle du chômage
Nous avons vu que l’économie se transforme au fil du temps. L’appareil productif se modifie, le progrès technique apporte des innovations qui bouleversent à la fois la production et la consommation. Les structures démographiques, économiques, sociales et institutionnelles évoluent à tel point que la main-d’œuvre n’est plus en capacité de répondre aux besoins des employeurs.
On parle de chômage structurel pour qualifier le chômage chronique lié à un déséquilibre profond du marché du travail : il n’y a plus d’emplois correspondant aux qualifications des travailleurs. Pour remédier à ce chômage structurel, l’État doit faire en sorte que l’offre de travail se réajuste à la demande. Il peut le faire soit en formant la main-d’œuvre aux besoins du marché, soit en introduisant davantage de flexibilité sur le marché du travail.
Les politiques de formation
Les politiques de formation
Observons tout d’abord la répartition des chômeurs en fonction de leur niveau de diplômes.
On constate que 14,4 % des personnes qui ne sont jamais allées au collège sont au chômage en 2015, un chiffre à peu près équivalent à celui concernant celles qui ont arrêté leurs études après le brevet (14,8 %). Si on comptabilise les chiffres des titulaires d’un CAP, d’un BEP, d’un bac (professionnel, général ou technologique), on obtient une proportion de près de 25 %, soit presque une personne sur quatre, qui est au chômage. À l’inverse, seuls 4 % des doctorants, et 5 % des titulaires d’un BTS sont au chômage. On peut donc affirmer que l’intensité du risque du chômage varie selon le niveau de diplôme, cela signifie qu’en France, le chômage touche davantage les personnes non qualifiées que les personnes diplômées.
- Ainsi, c’est parce que les chômeurs manquent de qualifications qu’ils ne trouvent pas d’emploi : ils n’ont pas les capacités pour exercer les missions d’un poste de travail déterminé.
L’objectif des politiques de formation vise donc à renforcer ces qualifications, de façon à modifier la structure de la demande de travail
Pour que les travailleurs les plus exposés au chômage puissent augmenter leurs chances de trouver un emploi, il faut mieux les former afin de rétablir l’adéquation entre la demande et l’offre de travail.
Les politiques de formation peuvent être de deux ordres :
- il peut tout d’abord s’agir de promouvoir la formation initiale, c’est-à-dire la première formation que l’on suit pendant ses études. Par exemple, en développant les filières, en distribuant des bourses aux élèves dont la situation financière est précaire ou en développant davantage l’information sur l’orientation. L’objectif de la formation initiale est de renforcer l’employabilité des jeunes afin qu’ils trouvent plus facilement un emploi à l’issue de leurs études ;
- il s’agit ensuite de la formation continue, celle que l’on peut suivre une fois que l’on est rentré dans la vie active. La formation continue est un droit depuis 1971. Elle est destinée à améliorer les compétences professionnelles des travailleurs pour qu’ils restent en phase avec l’évolution des techniques, des savoirs et des technologies. L’objectif de la formation professionnelle est de mettre à jour les qualifications, pour qu’elles continuent à correspondre aux nouvelles exigences du marché.
La mise en œuvre de politiques de formation s’inscrit dans le cadre de l’amélioration du capital humain tel que défini par Gary Becker : en acquérant davantage de connaissances, les individus formés parviennent à gagner en productivité et compétitivité.
Le second levier pour agir contre les causes structurelles du chômage est la flexibilité.
Les enjeux de la flexibilisation
Les enjeux de la flexibilisation
Flexibilité :
La flexibilité consiste à ajuster à tout moment la quantité de travail ou les salaires à la quantité de biens et de services produits.
On considère que le chômage apparaît et se développe car le marché du travail est rigide : il est incapable de s’ajuster aux évolutions structurelles et conjoncturelles de l’économie.
Il existe plusieurs types de flexibilité :
- d’abord, la flexibilité salariale, qui consiste à lier les niveaux de salaires aux résultats des entreprises. Ainsi, quand une entreprise réalise un bénéfice important, elle rémunère davantage ses employés. La contrepartie est que dans les moments de difficultés, les salaires peuvent du coup aussi être réduits ;
- ensuite, la flexibilité quantitative. Elle peut être externe, quand il s’agit de faire varier les effectifs de l’entreprise avec ses besoins, en recrutant des personnes extérieures. Cela suppose des facilités d’embauches mais aussi de licenciements. L’intérim, les CDD, les stages rémunérés ou les contrats d’apprentissage permettent cette flexibilité quantitative externe. Et elle peut être aussi interne, en modulant les heures d’activité des salariés en fonction des besoins. Par exemple, il peut s’agir de payer des heures supplémentaires, d’annualiser le temps de travail ou d’utiliser le temps partiel obligatoire ;
- puis enfin, la flexibilité fonctionnelle : on emploie des travailleurs polyvalents qui pourront effectuer des tâches ou des fonctions différentes en fonction de l’activité.
La recherche de la flexibilité est un objectif d’inspiration néoclassique, puisqu’elle vise à supprimer les rigidités qui vont à l’encontre du fonctionnement opérationnel du marché. Elle peut présenter de réels intérêts dans un monde globalisé où la concurrence entre firmes se développe et où celles-ci doivent pouvoir maintenir un niveau de compétitivité élevé. Mais elle produit aussi des effets négatifs en accentuant la précarisation du travail, en renforçant la segmentation et en réduisant la capacité de consommation des ménages.
- Une alternative serait peut-être le modèle scandinave, qui allie une très grande flexibilité du travail (avec des licenciements rapides ou l’obligation pour un chômeur d’accepter tout emploi qui lui est proposé) et d’importants avantages sociaux (comme une forte indemnisation du chômage et des dispositifs gratuits de formation accessibles à tous). Ce modèle s’appelle la « flexisécurité ».
Conclusion :
Les politiques de lutte contre le chômage se répartissent donc entre enjeux conjoncturels et structurels. Il existe deux analyses du chômage : le chômage néoclassique et le chômage keynésien.
Pour résorber le chômage néoclassique, l’État doit faire en sorte de réduire les coûts du travail en abaissant les salaires et les cotisations patronales, afin de renforcer la rentabilité des entreprises qui pourront ainsi se remettre à embaucher. L’analyse de Keynes remet en cause ce postulat en considérant le salaire non pas comme un coût, mais comme un revenu qui permet la consommation. Le rôle de l’État est alors de garantir un certain niveau des salaires et de mener des politiques de relance de façon à stimuler la demande anticipée, appelée aussi demande effective. L’idée est de redonner confiance aux patrons dans l’avenir pour qu’ils anticipent une hausse prochaine de leur production et qu’ils se remettent ainsi à embaucher.
D’un point de vue structurel, à plus long terme, il est possible de favoriser la réduction du chômage en développant les dispositifs de formation initiale et continue à destination des travailleurs pour améliorer leurs qualifications. Certains économistes et politiques préconisent aussi de renforcer la flexibilité du travail pour que les entreprises soient vraiment en capacité d’ajuster leur main d’œuvre en fonction de leurs besoins.
On constate donc, qu’en fait, il n’existe pas de solution-type pour lutter contre le chômage : c’est un phénomène complexe qui a de multiples causes, avec un contexte bien spécifique pour chaque situation.