La raison
Problématiques
- Comment définir la raison ?
- À quels critères la raison répond-elle ?
- Quelles sont les limites de la raison ?
Définitions à connaître : raison, logos, discursif, entendement, rationalisation.
- La raison comme « faculté universelle » selon Descartes
Les Grecs concevaient la raison comme un principe universel, une façon de percevoir le monde. On peut restreindre ce sens et faire de la raison avant tout une faculté, donc une propriété individuelle, liée à des êtres vivants, plutôt qu’un principe dont relèverait tout ce qui existe. C’est ce que fait Descartes au début du Discours de la méthode.
- Selon lui, la raison en tant que faculté est universellement répartie entre tous les êtres humains.
Pourquoi alors tous ne pensent pas la même chose, demande Descartes, et pourquoi certains se trompent ? Ce n’est pas la raison, en tant que faculté cognitive, qui est en cause, mais la manière dont nous nous en servons.
- Les règles de la raison selon Aristote
Puisque la raison est une faculté universelle, cela signifie qu’elle peut répondre à un certain nombre de critères constants. Aristote identifie des principes logiques dont relève la raison :
- Le principe d’identité : tout raisonnement et toute activité mentale identifiée comme rationnelle postule qu’une chose est ce qu’elle est. Cela signifie : partir du principe que les objets que je désigne ne sont pas susceptibles de changer à tout moment d’identité ;
- Le principe de non-contradiction : il est contraire à la raison de postuler qu’une même chose puisse, sous un même rapport, en même temps être et ne pas être. Par exemple, je peux dire qu’une personne est coupable selon tel code juridique mais innocente selon tel autre. Mais je ne peux pas dire que cette autre personne est à la fois morte et vivante ;
- Le principe de causalité : tout effet a une cause (rien ne se produit sans cause), et dans les mêmes circonstances, la même cause produira le même effet : autrement dit, les choses ne surviennent pas de façon aléatoire.
- La raison comme fondement de la dignité humaine selon Kant
C’est parce que la raison est universellement répartie qu’elle est, selon Kant, ce qui fonde la dignité humaine et qui exige que l’être humain soit respecté.
La raison, pour Kant, fait que les êtres humains, en tant qu’êtres de raison, sont des fins en soi, c’est-à-dire qu’ils portent en eux-mêmes leur propre fin, qu’ils valent par eux-mêmes, de façon absolue et non relativement à d’autres choses qu’eux.
- La raison fait que les humains sont toujours des fins et jamais uniquement des moyens.
- Les limites de la raison selon Kant
Pour Kant, identifier les limites de la raison théorique, celle qu’il appelle la « raison pure », est un prérequis de l’activité philosophique. Pour exercer pleinement notre raison, il faut en effet être également conscient de ce qu’elle n’est pas capable de faire. Or selon Kant, la raison n’est pas légitime dans tous les domaines.
Kant distingue la raison et l’entendement.
- La raison (désir d’absolu) produit des idées et de la pensée, l’entendement (faculté de connaître) produit des concepts et des connaissances.
Ce n’est pas un rejet de la raison que prône Kant ; mais, en délimitant le rôle de celle-ci, il montre que la raison peut « ne pas avoir raison ».
Comment comprendre ce paradoxe ? On peut distinguer la raison de la rationalisation. Rationaliser, c’est réfléchir aux moyens et essayer de les rendre les plus efficaces possible. Mais lorsque la réflexion se porte sur les moyens uniquement sans s’interroger sur la fin pour laquelle on déploie ces moyens, la raison tourne à vide et peut se retourner contre elle-même : il n’est pas rationnel d’être uniquement rationnel.
- La raison est une faculté de juger qui permet à l’homme de connaitre le monde (aspect théorique), et d’orienter ses actions (aspect pratique).
- En tant que faculté de l’universel, la raison tend spontanément à tout englober et à outrepasser ses propres limites. Elle risque alors de statuer sur des objets qui lui sont en réalité inaccessibles (Dieu, la liberté par exemple), ou bien de mettre sa puissance calculatoire au service de fins destructrices (processus totalitaires, optimisation économique). Il faut donc user raisonnablement de la raison.
- Paradoxalement, la raison disparaît lorsqu’on lui accorde une place unique ou qu’on se trompe sur la place à lui réserver. C’est donc pour défendre la raison qu’il faut en opérer la critique, au sens kantien, c’est-à-dire réfléchir également à ses limites.