La Renaissance : valeurs, visions du monde et thèmes fondateurs
Introduction :
Au XVe siècle, dans l’Europe occidentale, un véritable raz-de-marée scientifique, technique et intellectuel entraîne une transformation radicale de la vision du monde. C’est l’âge de l’humanisme, un mouvement de contestation de l’ordre du Moyen Âge finissant qui prône l’émergence d’une nouvelle foi, non plus juste en Dieu, mais en l’être humain.
Ce cours va tenter de représenter cette nouvelle image d’un monde renaissant, à travers l’étude des valeurs et des thèmes propres aux arts du XVe et du XVIe siècles.
Valeurs et visions du monde à la Renaissance
Valeurs et visions du monde à la Renaissance
Les valeurs et la vision du monde lors de la Renaissance sont définies par ce que l’on appelle le mouvement humaniste.
Humanisme :
L’humanisme vient du latin humanitas, dont le second sens renvoie à la culture de l’esprit. Ce mouvement se base sur un retour à la culture antique, sur la foi en l’Homme mais aussi sur une nouvelle forme de pédagogie qui encourage la pensée libre.
À la Renaissance, les humanistes européens sont tout d’abord fascinés par l’héritage antique. Un retour à la culture de l’Antiquité est rendu possible par la découverte de l’imprimerie et les grands voyages entrepris par les humanistes du siècle. Avant le XVe siècle, tout ce qui avait été conservé de l’Antiquité avait été relégué au fond des monastères au profit de l’étude de la théologie religieuse. On considérait que ces œuvres n’étaient pas dignes d’étude car écrites avant la naissance du Christ et donc païennes, c’est à dire non-religieuses.
De nouveaux lieux de savoir permettent également d’étudier librement ces textes, comme le Collège de France, créé en 1530 sous l’impulsion de François Ier.
Cette nouvelle institution échappe au contrôle de l’Église et devient un haut lieu d’échange d’idées nouvelles et d’étude des philosophes antiques.
Il ne faut pas prendre cet engouement pour le passé pour un retour en arrière. Au contraire, c’est une fuite en avant qui célèbre la pensée antique, libre et détachée de tout dogme.
- Les auteurs de la Renaissance mettent également en avant leur foi en l’Homme.
Ils placent l’être humain au centre de l’univers et de toutes préoccupations, là où le Moyen-Âge voyait Dieu.
C’est pourquoi certains auteurs s’attellent à disséquer l’esprit humain comme le fait Montaigne avec ses Essais, à travers lesquels il tente de mieux connaître les mécanismes et les rouages de sa conscience. C’est le cas également de Jean Pic de la Mirandole qui écrit dans De la dignité de l’Homme en 1486 une fable où Dieu définit ce qu’est l’Homme :
« Si nous ne t’avons fait ni céleste ni terrestre, ni mortel ni immortel, c’est afin que, doté pour ainsi dire du pouvoir arbitral et honorifique de te modeler et de te façonner toi-même, tu te donnes la forme qui aurait eu ta préférence. Tu pourras dégénérer en formes inférieures, qui sont bestiales ; tu pourras, par décision de ton esprit, te régénérer en formes supérieures, qui sont divines ».
- L’Homme est donc perçu comme un être harmonieux, malléable, capable de se perfectionner et maître de sa destinée.
La culture étant à la base du perfectionnement possible de l’Homme, une nouvelle forme de pédagogie est adoptée à partir du XVe siècle, basée sur l’imitation des anciens. Il ne s’agit pas pour autant de copier simplement les écrivains antiques mais de s’en inspirer pour créer quelque chose d’original.
La mémorisation est également importante dans les apprentissages, mais on l’utilise pour mieux comprendre et réfléchir. On encourage également à penser par soi-même, ce qui constitue une véritable rupture avec l’enseignement du Moyen-Âge qui fondait la réflexion d’abord sur les textes de la Bible.
Les thèmes traités par les arts de la Renaissance
Les thèmes traités par les arts de la Renaissance
La Renaissance s’intéresse à des thèmes tels que le corps de l’Homme par exemple. L’Homme nu est synonyme de grandeur dans les travaux de Léonard de Vinci, qui reprend les travaux de l’ingénieur antique Vitruve sur les proportions humaines en 1492.
L’Homme de Vitruve - Léonard de Vinci
L’image de L’Homme de Vitruve devient le symbole du foisonnement artistique et philosophique de la Renaissance où l’homme est garant de l’ordre rationnel et harmonieux de l’univers.
David - Michel-Ange
On note également un regain d’intérêt pour le nu chez les sculpteurs qui veulent représenter à travers l’anatomie de l’homme la grandeur et la beauté humaine. On peut prendre pour exemple le David de Michel-Ange, créé entre 1501 et 1504. Chef-d’œuvre de plus de 5 mètres, il représente David (du combat de David contre Goliath), athlétique, viril et puissant, prêt à utiliser sa fronde contre son ennemi.
Le nu en peinture devient un sujet à part entière et ce même dans la peinture religieuse. Le Moyen Âge avait occulté ce thème car il était synonyme de pêché originel.
Or, dès le XVe siècle l’Église prend en compte l’importance de l’esthétique dans l’expression du message divin.
La Lamentation sur le Christ mort - Andrea Mantegna
La nudité que l’on retrouve notamment dans les figures du Christ est alors synonyme de pureté, de piété et de dévotion, non plus de sensualité et de pêché. On peut prendre pour exemple La Lamentation sur le Christ mort d’Andrea Mantegna qui représente le Christ mort, dénudé et entouré de pieux fidèles.
On peut noter un autre thème récurrent à la Renaissance, cette fois-ci en littérature : le voyage. L’explosion du genre du récit de voyage s’explique par la découverte de nouvelles terres, mais aussi par la diffusion de l’imprimerie qui rend le livre plus accessible.
Le récit de voyage est à l’époque un texte à vocation humaniste qui invite à la tolérance et au respect des nouveaux peuples découverts.
L’Histoire d’un voyage fait en la terre du Brésil de Jean de Léry peut servir d’exemple. C’est un récit de voyage doublé d’une réflexion sur l’autre. Le Brésil est une zone commerciale très importante au XVIe siècle, grâce à l’exploitation d’un bois dont on tire un pigment rouge précieux. Jean de Léry, autrefois cordonnier, appartient à une petite colonie française sur place. Le chef de colonie, catholique, abjure la religion protestante et persécute les réformés de son groupe dont Jean de Léry. Ce dernier devra se réfugier quelque temps chez les Indiens Tupinambas avant de pouvoir être rapatrié en France. Il écrit son récit afin de répondre à des accusations faites aux Indiens et de les défendre.
- Le sujet de l’éducation revient de manière récurrente à cette époque.Elle est le moyen selon les humanistes de parfaire l’Homme, de le rendre maître de son destin.
Former l’Homme nouveau est une thématique que sous-tend notamment le Gargantua de Rabelais. Le géant Gargantua s’adresse à son fils Pantagruel dans une lettre pour lui rappeler à quel point leur époque est propice à l’élévation de l’esprit, il l’encourage donc à s’instruire dans tous les domaines du savoir :
« […] Je te conjure d’employer ta jeunesse à bien profiter en étude et en vertu. […] J’entends et veux que tu apprennes parfaitement les langues, d’abord le grec […] puis le latin et l’hébreu […] le chaldéen et l’arabe […] Qu’il n’y ait aucun fait historique que tu n’aies en mémoire […] Des arts libéraux, la géométrie, l’arithmétique et la musique […] Du droit civil, je veux que tu saches par cœur tous les beaux textes, et me les commentes avec sagesse. Quant à la connaissance de la nature, je veux que tu t’y appliques avec soin : qu’il n’y ait mer, rivière ou source dont tu ne connaisses les poissons ; tous les oiseaux de l’air, tous les arbres, arbustes et buissons des forêts, toutes les herbes de la terre, tous les métaux cachés au ventre des abîmes, les pierreries de tout l’Orient et du Midi. Que rien ne te soit inconnu. »
- À son image (Gargantua et Pantagruel sont des géants), l’étendue du savoir à acquérir est gigantesque et représentative de la soif de connaissances caractéristique de la Renaissance.
Enfin, les humanistes réfléchissent beaucoup à l’idée d’une société idéale, en s’appuyant sur la vision de la cité parfaite de La République du célèbre philosophe antique Platon.
Au Moyen Âge, l’imagination d’un lieu parfait est employée à décrire le Paradis chrétien. Mais la découverte de nouveaux mondes fait rêver les écrivains, ce qui déclenche une floraison d’utopies, comme celle de Thomas More, qui inventa le terme en 1526. À l’origine, c’est un mot grec qui veut dire à la fois « nulle part » et « lieu de bonheur ». Utopia décrit une île imaginaire ne connaissant ni la propriété privée, ni la religion d’état et s’achève par cette phrase : « je confesse aisément qu’il y a chez les Utopiens une foule de choses que je souhaite voir établies dans nos cités ».
Conclusion :
L’humanisme, comme courant de pensée caractéristique de la Renaissance, a donné une image de l’Homme caractérisé par sa liberté de penser et d’agir et par sa capacité à découvrir de nouveaux horizons. Cette nouvelle foi en l’Homme a fait émerger de ce fait une nouvelle vision du monde en déterrant les héritages gréco-romains de notre civilisation, en remettant en question les institutions et les traditions du Moyen-Âge, et en renouvelant les modes de connaissances et l’éducation.