Le continent américain, entre tensions et intégrations régionales
Introduction :
Quand on parle de l’Amérique, on pense très souvent aux États-Unis d’Amérique. S’il est vrai que les États-Unis pèsent énormément dans les domaines économique, financier et militaire, le continent américain c’est aussi l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud. La domination des États-Unis n’entrave pas la montée en puissance de l’Amérique latine. De cette cohabitation entre puissances naissent de très nombreuses tensions politiques, économiques et sociales.
Nous ferons d’abord quelques rappels sur l’histoire de la colonisation du continent américain, avant de nous intéresser à l’influence des États-Unis en particulier. Nous étudierons ensuite les tensions nationales et internationales, avant de voir qu’il existe aussi des processus d’intégration régionale.
Rappels
Rappels
Il existe en réalité plusieurs Amériques. À y regarder de plus près, on perçoit très vite deux Amérique, avec chacune une histoire coloniale particulière, ainsi que des bases culturelles, politiques et économiques très différentes.
Carte du développement humain du continent américain
On peut voir sur cette carte d’un côté, au Nord, le duo formée par le Canada et les États-Unis, et plus au Sud, l’Amérique latine, composée de tous les pays du continent ayant comme langues officielles l’espagnol ou le portugais.
Principal point commun : ce sont les Européens qui ont colonisé ce qu’ils appelaient alors les Amériques. L’Espagne et le Portugal pour l’Amérique latine, les Anglais en grande majorité, mais aussi les Français ou les Hollandais pour l’Amérique du Nord.
- Ces conquêtes furent menées au détriment des populations amérindiennes déjà installées.
En plus des colons venus d’Europe, la traite négrière a amené des millions d’Africains sur ce continent, victimes des activités économiques des différentes colonies américaines. L’immigration européenne s’est étalée sur plus de deux siècles, elle fut très active en Amérique du Nord, au XIXe siècle surtout.
L’Amérique du Nord est anglo-saxonne, basée sur le protestantisme et le capitalisme libéral, mais l’histoire de sa population est très originale. Des WASP (white anglo-saxon protestants), originaires des îles britanniques, ont d’abord peuplé les États-Unis, qui ont ensuite accueilli des vagues successives de migrants venus de toute l’Europe jusqu’en 1945.
Depuis 1945, ce sont l’Asie et surtout l’Amérique latine, qui fournissent le plus gros de l’immigration. L’immigration est d’ailleurs la source de débats politiques et sociétaux houleux aux États-Unis.
Symbole de la construction de la société américaine, on peut voir ici des immigrants débarquant à Ellis Island aux portes de New York. Des millions d’immigrés sont passés par là pour accéder à « l’eldorado » qu’ont représenté les États-Unis pendant un siècle.
Immigrants à Ellis Island, artiste inconnu, 1902
Si les États-Unis forment une société très cosmopolite, il ne faut pas oublier que les natifs indiens sont très marginalisés suite aux multiples massacres qu’ils ont subis au XIXe siècle.
L’Amérique latine était d’abord peuplée d’Indiens issus d’anciennes civilisations comme les Mayas ou les Aztèques. Puis, Espagnols et Portugais ont colonisé cette partie du continent, apportant ensuite des millions d’esclaves noirs pour travailler dans les plantations de canne à sucre, principalement au Brésil.
- Le développement économique fut en effet basé sur le système esclavagiste, dans le cadre d’une économie liée aux grands propriétaires terriens. Café, or, cacao et canne à sucre furent les principales ressources du continent.
Aujourd’hui, la mainmise des riches propriétaires terriens pose un problème majeur, symbolisé par les millions de paysans sans terre. Peu de réformes agraires efficaces ont été appliquées et c’est toujours un problème récurrent.
Sur le plan religieux, si les colonisateurs ont imposé le christianisme, un syncrétisme très vivant règne en Amérique latine, surtout dans les pays andins.
Syncrétisme :
Mélange des croyances et des rites de plusieurs religions.
L’histoire de l’Amérique latine sur le plan démocratique et économique est donc différente de celle de l’Amérique du Nord.
Les indépendances par rapport à l’Europe se sont déroulées à partir de la fin du XVIIIe siècle. Les États-Unis ont été les premiers à rompre avec la métropole européenne, et déclarent leur indépendance en 1776. Ce fut non sans mal, et grâce à une guerre menée contre les Britanniques.
Le XIXe siècle est le siècle de l’indépendance des colonies espagnoles et portugaises sous la figure emblématique du vénézuélien Simon Bolivar, surnommé El Libertador, ou « le libérateur » en français. Il fut l’un des principaux acteurs de l’émancipation des anciennes colonies de l’Empire espagnol.
- Ces indépendances donnent lieu à des États qui n’ont pas toujours d’unité et sont rivaux. Les guerres entre États sud-américains qui suivirent ont durablement divisé les populations, ce qui a profité au grand voisin du Nord.
L’influence des États-Unis
L’influence des États-Unis
Les États-Unis, puissance montante à l’époque, en ont profité pour imposer une nouvelle politique à l’échelle du continent américain.
La doctrine Monroe de 1823, du nom d’un président américain, déclare que les Européens doivent s’occuper de leurs affaires et laisser les États-Unis gérer le continent librement. L’Amérique latine devient de fait leur « chasse gardée ».
La doctrine Monroe c’est aussi plus tard la fameuse politique du bâton, c’est-à-dire la force employée contre tous les pays récalcitrants. Cette politique de la force s’accompagne d’investissements et d’une mainmise nord-américaine sur les économies de ces pays.
La volonté des États-Unis de dominer tout le continent s’est affirmée tout au long du XXe siècle notamment pendant la guerre froide.
- En 1947, les USA créent l’OEA, l’Organisation des États Américains, qui regroupe la quasi-totalité des pays d’Amérique du Nord et du Sud et permet, par exemple, de mener des politiques de sécurité communes.
- En 1961, ils créent l’Alliance pour le progrès. Le but est ici de maîtriser les pays par une politique économique généreuse basée sur la monnaie américaine, le dollar. Face au péril de la révolution communiste, les USA ont soutenu de nombreux gouvernements de droite et d’extrême droite.
- Aujourd’hui, Cuba est d’ailleurs encore sous embargo américain même si celui-ci va prendre fin peu à peu.
Depuis plusieurs années, l’offensive des États-Unis est surtout économique.
La création de l’ALENA, zone de libre-échange entre les États-Unis, le Canada et le Mexique, est une mesure centrale dans le cadre de leur politique économique.
Les États-Unis rêvent d’une zone de libre-échange sur tout le continent. Ils se heurtent aux changements politiques de plusieurs pays, en particulier au Venezuela.
Le Venezuela tente d’ailleurs de fonder une alliance économique des pays d’Amérique du Sud appelée ALBA. Mais en 2014 cette demande d’alliance reste lettre morte, d’autant que l’Amérique du Sud compte déjà plusieurs alliances politiques et économiques efficaces.
- On peut notamment penser au Mercosur, marché commun de libre-échange, et à l’Unasur, alliance inspirée de l’Union européenne.
Tensions
Tensions
La concurrence économique et les disparités sociales amènent des tensions.
Les PNB, PIB, IDH du Nord sont souvent très différents de ceux de nombreux pays du Sud. Richesses, niveau de vie et comportement démographique sont tous nuancés. Cependant, les pays émergents comme le Brésil ou des pays intermédiaires comme le Chili ou l’Argentine ne peuvent être comparés à Haïti, au Pérou ou au Paraguay.
Les situations sont très diverses et il serait dangereux de généraliser en opposant une Amérique du Nord riche, à un Sud très pauvre.
Les guerres entre pays ont elles aussi laissé des traces en Amérique latine. Les frontières ont été très longues à se dessiner et à être acceptées et sont encore aujourd’hui l’objet de disputes entre pays, comme on peut le voir sur cette carte.
Les tensions frontalières sur le continent américain
Les principales raisons des disputes autour des frontières sont souvent économiques.
- Le Pérou et le Chili se disputent par exemple des zones d’exploitations au large de leurs côtes.
- Le Nicaragua et la Colombie se déclarent, eux, chacun propriétaire légitime de l’archipel de San Andrès.
Les différentes intégrations
Les différentes intégrations
Ce sont les États-Unis qui ont initié la première intégration que fut l’ALENA, un accord de libre-échange signé entre le Canada, les États-Unis et le Mexique en 1994. Marchandises et capitaux peuvent depuis circuler librement.
Les accords de coopération sur le continent américain
L’ALENA, en rouge sur cette carte, représente 460 millions d’habitants et un quart de la richesse mondiale. Ce sont les États-Unis qui en bénéficient le plus, et l’ALENA a déséquilibré les économies du Canada mais surtout celle du Mexique.
Plus au sud, le Mercosur fut créé en 1991.
Carte du Mercosur
Le Brésil, l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay en sont membres permanents. Il s’est élargi à la Colombie, au Venezuela, à la Bolivie, au Chili, au Pérou et à l’Équateur qui ont le statut de pays associés.
Au-delà des échanges commerciaux, le Mercosur implique la liberté de circulation des Hommes et une volonté de coordonner beaucoup de politiques, comme celle de l’énergie ou des matières premières. Les pays membres recherchent aussi une cohérence politique et géostratégique face aux États-Unis et à l’ALENA.
En 2004 est née l’Unasur, l’Union des nations sud-américaines, une fusion entre le Mercosur et la Communauté andine des Nations (CAN). Cette nouvelle union voit la mise en place de grands travaux (infrastructures routières et portuaires), l’application de politiques communes sur le plan énergétique, et la création d’une banque commune pour gérer les investissements nécessaires.
- Autour du Brésil, le pays vraiment émergent du continent, l’Amérique latine est en train de se redessiner sur de nombreux plans.
Carte des Caraïbes
L’espace Caraïbes, très morcelé et très divisé, reste encore sous domination des États-Unis et de certaines puissances européennes qui ont gardé des territoires issus des premières colonisations. L’espace Caraïbes n’a pas d’unité malgré le CARICOM, alliance économique de nombreux pays de la zone, dont les effets sont très modestes. L’espace Caraïbes est donc très dépendant des États-Unis, de l’Europe et des marchés internationaux.
Conclusion :
Ce que l’on a coutume d’appeler l’Amérique, ce sont en réalité des Amériques. Au Nord, on trouve la super puissance des États-Unis, qui essaye depuis le siècle dernier d’étendre son influence sur les pays du sud du continent. Après des années d’intervention directe et indirecte pour combattre le communisme en Amérique latine, la domination des USA passe par un contrôle économique appuyé par l’ALENA.
Au Sud, les pays, issus du morcellement de colonies européennes et théâtre de nombreux conflits territoriaux, s’organisent tout de même en alliances économiques et politiques, emmenés par le Brésil et les pays émergents qui se tournent vers la mondialisation.