Les enjeux géopolitiques de la conquête spatiale
Introduction :
Au cours des derniers mois de la Seconde Guerre mondiale, les services secrets américains (imités en cela par leurs homologues soviétiques) mirent en œuvre une grande opération d’exfiltration de scientifiques et d’ingénieurs nazis vers les États-Unis (Opération Paperclip). Parmi eux se trouvait Wernher von Braun, inventeur du V2, premier missile balistique de l’histoire. Ces scientifiques furent principalement employés par les deux grandes puissances rivales de la guerre froide (1947-1991) sur un terrain d’affrontement symbolique : la conquête spatiale.
L’écho considérable rencontré dans le monde par la mise en orbite réussie du Spoutnik par l’Union soviétique le 4 octobre 1957 marque le début d’une course à l’espace acharnée entre les deux grandes puissances rivales de la guerre froide.
La course à l’espace culmine avec l’envoi du premier humain sur la Lune puis se déplace vers des objectifs moins symboliques et plus scientifiques. Elle évolue ensuite avec la chute de l’URSS : depuis les années 1990, de nouveaux acteurs, étatiques comme privés, ont relancé la course à l’espace avec des projets de plus en plus ambitieux, parmi lesquels la colonisation de la planète Mars figure en bonne place.
On peut alors se demander quels sont les acteurs et les enjeux géopolitiques de la course à l’espace.
Pour répondre à cette question, nous verrons tout d’abord quels ont été et quels sont aujourd’hui les enjeux géopolitiques de la course à l’espace, avant de nous intéresser, à travers le cas de la station spatiale internationale, au développement d’une nouvelle ère spatiale entre coopération et rivalités.
Les enjeux géopolitiques de la course à l’espace
Les enjeux géopolitiques de la course à l’espace
La course à l’espace : un enjeu symbolique majeur de la guerre froide
La course à l’espace : un enjeu symbolique majeur de la guerre froide
Le 4 octobre 1957, l’URSS stupéfiait le monde en réalisant un exploit technologique et scientifique hors norme : la mise en orbite du Spoutnik, premier satellite artificiel de l’histoire.
Face au succès de l’opération, qui marque le point de départ de l’ère spatiale et qui fut extrêmement médiatisée, les dirigeants communistes décidèrent de faire de leur programme spatial la clé de voûte de la propagande soviétique, donnant du même coup l’impulsion à la course à l’espace qui opposa l’URSS aux États-Unis pendant une grande partie de la guerre froide.
La propagande désigne une stratégie de communication recourant à des techniques de persuasion pour diffuser une idée ou une idéologie et favoriser ainsi l’adoption de certains comportements au sein d’une population.
Le 29 juillet 1958, soit l’année suivant la mise en orbite du Spoutnik, les États-Unis créent la NASA (National Aeronautics and Space Administration), l’agence spatiale américaine.
L’URSS est encore avancé dans le domaine spatial, et le prouve le 12 avril 1961. Ce jour-là, Youri Gagarine, officier de l’Armée rouge, est le premier homme à faire le tour de la Terre à bord d'une capsule Vostok 1 placée en orbite à 200 kilomètres d'altitude.
Les Soviétiques continuent de gagner des étapes dans la course à l’espace, avec notamment la première sortie extravéhiculaire (cosmonaute en combinaison dans l’espace) réalisée par Alexeï Leonov en 1965.
- Aux yeux du monde, l’URSS affirme sa suprématie dans le domaine scientifique, tandis que les États Unis paraissent un temps déclassés.
Du côté américain, le camouflet est des plus sérieux. Pour la première fois, les États-Unis ont le sentiment d’un déclin et redoutent de perdre le combat idéologique, technologique et économique qui les oppose à leur adversaire soviétique.
C’est dans ce contexte que le président Kennedy (1961-1963) décide de lancer un audacieux programme spatial, dont la conquête de la Lune serait le point d’orgue. Dans un discours devant le Congrès, le 25 mai 1961, c’est-à-dire quelques jours après le vol de Gagarine, le président américain annonce sa volonté de faire voyager des cosmonautes américains sur la Lune et de les ramener sur Terre dans un délai de moins de 10 ans : le programme Apollo est né. Huit ans plus tard, il aboutit au premier pas de l’homme sur la Lune : le 21 juillet 1969, l’astronaute Neil Armstrong accomplit cet exploit, concrétisant le rêve de Kennedy, assassiné le 22 novembre 1963.
Programme Apollo :
Lancé en 1961 à l’initiative du président Kennedy, le programme Apollo a pour objectif de permettre aux américains d’envoyer un homme sur la Lune et de le ramener sur Terre dans un délai de 10 ans.
Le programme mobilise alors pas moins de 400 000 scientifiques (parmi lesquels Wernher von Braun), militaires et personnels techniques et demande un effort budgétaire colossal (25 milliards de dollars de l’époque, c’est-à-dire environ 200 milliards de dollars actuels). Il s’agit du plus important programme spatial mené à terme jusqu’à nos jours. Il prend fin en 1972.
- À partir de 1969, le rapport de force s’équilibre et les États-Unis s’affirment progressivement comme la première puissance spatiale au monde devant l’URSS, même si cette dernière conserve un fort potentiel scientifique.
En 1975, les soviétiques enregistrent encore d’importants succès, en parvenant à poser une sonde (Venera 9) sur la surface de la planète Vénus et à en renvoyer des images en noir et blanc sur Terre.
Néanmoins, il s’agit de l’une des dernières missions spatiales soviétiques d’envergure. Économiquement affaiblie, l’URSS se détourne en partie de son programme spatial.
La course à l’espace est motivée par différents enjeux géopolitique.
Sur le plan idéologique, la course à l’espace est la vitrine de la puissance politique et idéologique des nations en jeu, leur permettant ainsi de justifier aux yeux du monde la position dominante de chaque modèle politique et social.
Cet aspect est particulièrement vrai pendant la guerre froide.
La course à l’espace représente aussi plus simplement la vitrine de la puissance économique et matérielle d’un État : le pays qui domine cette compétition jouit d’une économie prospère et déploie une technologie de pointe pour s’inscrire dans une vision de modernité.
De l’exploration à l’exploitation des ressources de l’espace
De l’exploration à l’exploitation des ressources de l’espace
Si la course à l’espace qui oppose l’URSS aux États-Unis pendant la guerre froide est principalement motivée par des enjeux symboliques, les ressorts de son renouveau depuis le milieu des années 1990 sont davantage économiques.
- L’espace regorge en effet de matières précieuses, principalement de minerais et de terres rares mais aussi de fabuleuses ressources énergétiques.
Les acteurs engagés aujourd’hui dans l’exploration spatiale voient dans l’espace une nouvelle frontière à conquérir, un nouveau front pionnier riche en ressources.
Front Pionnier :
Un front pionnier est un territoire considéré comme inhabité, inoccupé ou inapproprié qui est convoité par une ou plusieurs sociétés humaines en raison de ses ressources et de son espace.
La conquête de l’Ouest américain fut en grande partie motivée par la ruée vers l’or et la présence de terres fertiles à coloniser. Il en va de même avec l’espace. Certaines planètes et astéroïdes regorgent en effet de ressources minérales et énergétiques rares.
Sur Mars, par exemple, on trouve du cuivre, du nickel, du platine et du fer.
Quant au sous-sol lunaire, il est encore plus prometteur.
Hormis les métaux déjà cités, on trouve sur la Lune d’importants gisements de matières énergétiques.
La sonde chinoise Chang’e 1 a par exemple apporté la preuve en 2009 de la présence sur notre satellite de réserves d’hélium 3 (un gaz à très fort potentiel énergétique) estimées à plus ou moins 100 000 tonnes. Lorsque l’on considère que quelques dizaines de tonnes de ce gaz suffiraient à couvrir les besoins énergétiques des États-Unis pour une année, on comprend mieux l’enjeu économique et géostratégique que représente la conquête spatiale aujourd’hui. Ainsi, la présence de ressources dans le Système solaire permet d’envisager la possibilité de ravitailler un vaisseau en chemin.
Or, les règles régissant l’exploration et la conquête spatiale sont, comme dans le cas du Far West, relativement peu contraignantes.
Le traité de l’espace, adopté en 1967 lors de la première course à l’espace afin d’encadrer cette dernière, régit les activités des États en matière d'exploration et d'utilisation de l'espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes. Il est par conséquent la principale source de droit international concernant l’exploration spatiale et l’exploitation des ressources extra-atmosphériques.
- Dans les faits, le traité de l’espace interdit à un État de s’arroger le contrôle ou la propriété d’un corps céleste, et donc implicitement (mais logiquement !) des ressources qu’il recèle. Concrètement cependant, les principes qu’il énonce n’ont pas toujours été respectés par les principales puissances signataires, qui profitent ainsi d’un certain flou juridique.
Par exemple, les États-Unis ont rompu unilatéralement ce traité en 2015 par le biais d’une loi baptisée « Space Act » qui stipule que « les citoyens américains peuvent entreprendre l'exploration et l'exploitation commerciales des ressources spatiales ».
- Cette loi ouvre donc la voie à l’appropriation des ressources spatiales par des acteurs privés ou étatiques du domaine spatial. De facto, elle ouvre alors également la voie à la colonisation (occupation et peuplement) de l’espace.
Nombreux sont aujourd’hui les projets de colonisation de l’espace. La NASA mais également les agences spatiales russe, chinoise, européenne et japonaise ambitionnent de renvoyer un homme sur la Lune.
Cependant, actuellement, seule la Chine semble résolue à installer une base habitée permanente sur notre satellite dans un avenir proche. Cette base aurait, au-delà d’un rôle scientifique, deux objectifs plus ou moins avoués :
- constituer une première étape pour de futurs vols habités vers Mars ;
- permettre d’amorcer l’exploitation par la Chine des ressources minérales et énergétiques du sous-sol lunaire.
Plus prudente, la NASA se fixe comme objectif d’envoyer une mission d’exploration humaine sur la planète rouge en 2033.
D’autres projets liés à la colonisation de la planète Mars existent.
Les plus avancés à ce jour sont ceux d’Elon Musk, PDG de Tesla. Ce dernier a pour objectif d’envoyer un homme sur Mars au cours de la décennie 2020 et d’établir une colonie humaine de plus d’un million d’habitants sur la planète rouge d’ici la fin du siècle.
Cependant, la réalisation de ses projets se heurte à des contraintes techniques et financières d’envergure encore non résolues.
L’exploration spatiale a mis en évidence la présence de très importants gisements de ressources minérales et énergétiques potentiellement exploitables par l’homme dans l’espace.
Or, si le traité de l’espace, signé en 1967 par les puissances spatiales interdit à un État de s’approprier un corps céleste, la législation internationale reste peu contraignante et relativement floue : plusieurs pays, dont les États-Unis, ont récemment légiféré afin d’autoriser leurs ressortissants à exploiter les ressources spatiales, ouvrant la voie à un processus de colonisation des corps célestes les plus proches de la Terre, comme la Lune et Mars.
Vers une nouvelle ère spatiale entre coopérations et rivalités
Vers une nouvelle ère spatiale entre coopérations et rivalités
Depuis la fin de la guerre froide, de nouveaux acteurs font leur apparition dans la conquête spatiale.
Les nouveaux acteurs dans la conquête spatiale
Les nouveaux acteurs dans la conquête spatiale
Avec la fin de la guerre froide en 1991, de nouveaux acteurs de la conquête spatiale sont apparus.
Il s’agit d’acteurs étatiques et privés dont l’intérêt pour l’exploration spatiale est attisé par la possibilité d’exploiter des ressources minérales et énergétiques considérables.
- Les acteurs étatiques
Une grande partie des États concernés sont des puissances émergentes, qui désirent affirmer leur puissance.
C’est notamment le cas de la Chine, de l’Inde, ou encore des Émirats arabes unis.
- Avec un budget spatial annuel estimé à plus de 8 milliards de dollars, la Chine revendique désormais le statut de seconde puissance spatiale derrière les États-Unis et affiche sans complexes son ambition de les détrôner d’ici le milieu du XXIe siècle.
- Quant à l’Inde, si elle a récemment essuyé un échec avec le crash d’une sonde destinée à explorer le sol lunaire, elle est néanmoins parvenue à construire un programme spatial ambitieux en partant de zéro en 1972.
- Enfin, les Émirats arabes unis sont le dernier pays à avoir rejoint le club très fermé des puissances spatiales en envoyant un astronaute dans l’espace, Hazza Al Mansouri en 2019. Alors que l’agence spatiale émiratie n’a été créée qu’en 2014, les Émirats arabes unis ont placé une sonde – baptisée Mars Hope – en orbite autour de Mars en 2021, date éminemment symbolique puisqu’elle coïncide avec le cinquantième anniversaire de la fondation du pays.
Au-delà de la volonté d’affirmer leur puissance aux yeux du monde ou d’ambitionner d’exploiter les ressources de l’espace, de nombreux États investissent dans le domaine spatial afin de ne plus dépendre des États-Unis, en particulier en ce qui concerne les satellites de télécommunications et de géolocalisation.
- La majeure partie des États du monde dépend aujourd’hui dans ce domaine du GPS américain, ce qui assure pour le moment aux États-Unis un avantage technologique et militaire décisif.
Géolocalisation et navigation par satellite :
Système de positionnement par satellite qui permet de fournir à un utilisateur sa position 3D, sa vitesse 3D ainsi que l’heure par l’intermédiaire d’un récepteur portable.
C’est cette volonté d’indépendance qui a incité les Russes, les Européens et les Chinois à créer leurs propres alternatives au GPS, avec respectivement GLONASS, Galileo et Beidou.
Cependant, les investissements que nécessite un pareil système de positionnement par satellite sont colossaux. Ainsi, le programme Galileo, lancé en 2003, n’est pas encore pleinement opérationnel. Constitué à terme de trente satellites (aujourd’hui seuls 22 sont opérationnels), le programme aura nécessité plus de 5 milliards d’euros d’investissements sans pour autant permettre à l’Europe de s’affranchir totalement des États-Unis dans le domaine de la géolocalisation, puisque, contrairement au GPS, Galileo ne possède pas de volet militaire.
- Les acteurs privés
Aux côtés des acteurs étatiques, de plus en plus d’acteurs privés émergent dans le domaine spatial, notamment aux États-Unis où leur essor est fortement encouragé et subventionné par l’État via la NASA.
L’écrasante majorité de ces acteurs est rattachée à des firmes transnationales (FTN) qui voient dans l’exploration, la colonisation et la conquête spatiale une formidable opportunité de croissance économique.
Firme transnationale (FTN) :
Entreprise qui contrôle des filiales implantées dans plusieurs pays et qui a des activités de production et de vente à l'étranger.
L’exemple le plus emblématique est sans conteste celui de SpaceX, branche spatiale de Tesla fondée en 2002, et dont le PDG, Elon Musk, ambitionne d’être le premier à créer une base habitée permanente sur Mars. Cependant, de nombreuses autres firmes transnationales spécialisées dans le domaine de l’aéronautique, investissent également dans le domaine spatial.
Un autre exemple est celui de Jeff Bezos, PDG d’Amazon, qui envisage de permettre à la NASA d’envoyer à nouveau des astronautes sur la Lune d’ici 2024 grâce à un projet d’alunisseur développé par sa société spatiale Blue Origin, qu’il finance à hauteur d’un milliard de dollars par an.
C’est aussi le cas de Boeing qui développe avec la NASA la capsule spatiale Starliner, initialement destinée à convoyer des astronautes à bord de la station spatiale internationale (ISS) dès 2020, mais qui a rencontré de sévères retards.
La Chine n’est pas en reste : depuis 2018, une société privée, One Space, y procède à des tirs de fusées et espère envoyer des touristes dans l’espace à partir de 2025.
Avec la fin de la guerre froide, de nouveaux acteurs sont apparus dans le domaine de l’exploration spatiale.
En dehors des pays émergents, comme la Chine, l’Inde ou encore les Émirats arabes unis qui ambitionnent d’affirmer leur puissance par le biais de la conquête spatiale, la majorité de ces nouveaux acteurs sont des acteurs privés, en particulier des FTN, principalement américaines, qui espèrent être les premières à bénéficier des colossales retombées économiques d’une potentielle colonisation et exploitation des ressources de l’espace.
La station spatiale internationale : un exemple de coopération pour développer la recherche
La station spatiale internationale : un exemple de coopération pour développer la recherche
Plus grand objet artificiel en orbite terrestre, la station spatiale internationale (ISS) mesure 110 mètres de long pour 74 mètres de large et 30 mètres de haut. Elle avoisine un poids de 400 tonnes.
À l’origine, ce projet de station spatiale occupée en permanence par un équipage international est initié par la NASA en partenariat avec l’Europe, le Japon et le Canada. Il a alors pour objectif de promouvoir la coopération scientifique dans le domaine spatial. Sa réalisation est annoncée en 1983 par le président américain Ronald Reagan. Cependant, faute de budget et de volonté politique, il n’est pas réalisé.
Il est relancé dix ans plus tard, en 1993, lorsque la Russie est officiellement invitée à devenir un membre majeur du projet. L’ISS devient alors un symbole d’espoir et de paix dans le contexte de fin de la guerre froide. Les ambitions de ses concepteurs sont néanmoins plusieurs fois revues à la baisse, faute de budget suffisant, tant du côté américain que du côté russe.
La réalisation de l’ISS a nécessité un budget de pas moins de 115 milliards de dollars. Si 16 pays participent à ce projet, la majeure partie du budget a été prise en charge par les États-Unis et la Russie, ce qui démontre, si cela est encore nécessaire, que les deux puissances rivales du temps de la guerre froide demeurent des acteurs incontournables de l’exploration spatiale.
La construction et l’assemblage dans l’espace des différents modules constituant l’ISS ont lieu entre 1998 et 2011.
Concrètement, des équipages de 6 astronautes de différentes nationalités occupent continuellement la station spatiale avec pour mission d’effectuer une série d’expériences en physique, physiologie, science des matériaux et étude de l’espace.
Ces équipages sont cependant majoritairement composés de russes et d’américains, puisque chaque agence spatiale partenaire du projet utilise l’ISS au prorata de sa participation au financement du projet.
Si le projet de station spatiale internationale a remporté un vif succès dans les années 1990, du fait notamment du symbole de paix qu’il renvoyait, l’enthousiasme du grand public et du monde scientifique est aujourd’hui retombé, notamment du fait de son coût, jugé disproportionné par rapport aux résultats obtenus et des inimitiés croissantes entre les États-Unis et la Russie, qui en sont les principaux bailleurs de fonds.
En mai 2014, la Russie a en effet indiqué qu’elle se désengagerait de l’ISS en 2020 pour protester contre les sanctions économiques adoptées à son encontre par les États-Unis lors de la crise ukrainienne de 2013-2014.
- L’ISS, dont la fin du financement est programmée pour 2024 ne devrait donc pas avoir de remplaçante (une partie de la structure pourrait néanmoins être louée à des acteurs privés pour une reconversion dans le domaine du tourisme spatial après 2024), scellant en grande partie la fin de la coopération entre les États Unis, l’Europe, la Russie, le Japon et le Canada dans le domaine spatial.
La Chine, en revanche, commence à assembler une nouvelle station spatiale, baptisée Tiangong 3 (« palais céleste »), dont la mise en orbite débutera au début de la décénie 2020.
Bien que ses dimensions soient loin de celles de l’ISS (elle pèsera 60 tonnes et pourra accueillir un équipage de trois taïkonautes), la station spatiale chinoise devrait remplir les mêmes missions que l’ISS : recherche, préparation des équipages chinois à des séjours de longue durée dans l’espace et mise au point de nouvelles technologiques spatiales.
Les femmes et hommes envoyés dans l’espace portent des noms différents selon les pays : astronaute aux États-Unis, cosmonaute en URSS/Russie, spationaute en France, taïkonaute en Chine.
Pékin a indiqué en 2018 que sa station spatiale sera ouverte à des projets de recherche autres que chinois, y compris américains, mais il n’en demeure pas moins que son but premier sera de permettre à la Chine de renforcer son propre programme spatial plutôt que de devenir un nouvel exemple de coopération internationale dans ce domaine.
Née en 1983 de la volonté des États-Unis et de leurs partenaires de coopérer dans le domaine de la recherche spatiale afin d’en partager les coûts, l’ISS ne vit le jour qu’après 1993 et l’association de la Russie au projet.
Symbole de paix et de coopération scientifique dans le domaine spatial, l’ISS, dont le coût est jugé trop lourd à porter par les États-Unis et la Russie, ne devrait pas voir un projet de coopération internationale similaire lui succéder.
La logique actuelle n’est plus à la coopération mais à la compétition entre États. Seule la Chine ambitionne de se doter d’une station spatiale similaire, quoique de dimensions moindres. Or, ce projet est avant tout destiné à permettre à l’empire du Milieu de prendre une longueur d’avance dans la course à l’exploitation des ressources de l’espace.
Conclusion :
La course à l’espace, alimentée dans un premier temps par la rivalité idéologique entretenue par l’URSS et les États-Unis pendant la guerre froide, a connu son point d’orgue en 1969, lorsque la mission Apollo 11 a permis à l’être humain de marcher pour la première fois sur la Lune.
Après la fin de la guerre froide, l’exploration spatiale a été au cœur d’un processus de coopération scientifique entre anciennes puissances rivales, notamment dans le cadre de la station spatiale internationale (ISS).
Cependant, depuis le milieu des années 1990, de nouveaux acteurs, étatiques comme privés, ont relancé la course à l’espace, avec pour ambition de coloniser l’espace et d’en exploiter les ressources minérales et énergétiques.
Dans ce contexte de renouveau de la course à l’espace, l’espace apparaît comme une nouvelle frontière à conquérir, déterminante pour l’avenir de l’espèce humaine. En effet, certains acteurs de cette course à l’espace, comme Elon Musk, considèrent que la survie de l’humanité ne peut passer que par la colonisation d’autres corps célestes.
Sans entrer dans ce genre de considérations, certains gouvernements, comme le gouvernement chinois ou celui des États-Unis, voient dans l’exploitation future des ressources énergétiques de l’espace un moyen de répondre aux besoins de leur population dans le futur, alors que les gisements de ces mêmes ressources s’épuisent sur Terre.
Le renouveau de la course à l’espace et la volonté des acteurs étatiques comme privés d’en tirer profit pourrait néanmoins avoir des conséquences néfastes.
L’espace est déjà pollué : 900 000 débris de plus d’un centimètre de diamètre circulent actuellement dans l’orbite terrestre. Qui plus est, l’exploitation des ressources de l’espace en dehors de tout cadre juridique international pourrait faire naître de vives tensions, voire des conflits armés, entre les puissances spatiales. Enfin, l’idée que l’humanité pourrait survivre en colonisant l’espace pourrait aggraver les périls écologiques qui menacent la Terre en faisant de la protection de l’environnement un enjeu secondaire.