La révolution industrielle, facteur de rupture entre l'Homme et la nature
Introduction :
Les paysages ont subi d’importantes mutations (changements) depuis le Moyen Âge. Ils se voient en effet bouleversés principalement au cours du XIXe siècle avec la révolution industrielle. Si cette dernière a apporté de nombreux progrès, elle est également responsable de changements néfastes et irréversibles. Nous verrons donc dans un premier temps en quoi l’industrialisation a modifié les paysages et les modes de vie. Puis nous étudierons les dérives que de tels bouleversements peuvent entrainer, à travers la lecture du roman d’anticipation.
L’industrialisation responsable de l’évolution des paysages
L’industrialisation responsable de l’évolution des paysages
Depuis deux siècles, le monde a connu une évolution majeure. Les révolutions industrielles ont considérablement transformé les paysages et les modes de vie.
- La première révolution industrielle au XIXe siècle fait en effet basculer les pays d’Europe d’une ère agraire à l’ère industrielle.
Agraire :
L’adjectif agraire désigne ce qui relève du domaine de l’agriculture.
La révolution industrielle se traduit par des changements majeurs tirant la société entière vers une nouvelle ère. Au XIXe siècle, l’industrialisation marque cette nouvelle ère et modifie profondément les paysages.
L’implantation d’usines bouleverse les paysages mais aussi les modes de vie des populations qui se regroupent autour de ces nouveaux centres d’activités qui offrent du travail. C’est le début du monde ouvrier, avec l’émergence de banlieues qui se créent autour des grandes villes. En France, l’exploitation des mines de charbon a considérablement marqué le territoire. Des habitations sont construites pour les ouvriers et leurs familles autour des gisements de charbon, formant ainsi des cités ouvrières. Des monticules de déchets miniers, nommés terrils, forment des montagnes noires et transforment les paysages.
Les conditions de travail des ouvriers sont en outre très difficiles.
Femmes devant un terril, Gustave Marissiaux, 1904, Musée de la Vie Wallonne, Liège
Sur cette photographie prise en 1904, on peut voir des femmes travaillant dans un bassin houiller.
Houille :
La houille désigne une sorte de charbon.
Les rails dessinent une ligne de fuite en direction de l’immense terril, soulignant ainsi la perspective.
Ligne de fuite :
Une ligne de fuite est une ligne formée par un élément de la photo et destinée à guider l’œil du spectateur vers quelque chose, cela donne de la profondeur à une image mais aussi accentue l’effet de perspective.
Deux femmes, à gauche sur la photographie, poussent un wagonnet rempli de charbon tandis qu’une autre s’appuie sur la rambarde. Une tour d’acier destinée à l’extraction du charbon borde la photo sur la gauche.
La photographie révèle le dur travail des femmes, mais aussi l’industrialisation avec la présence de l’acier, des rails et du monticule de charbon.
Les risques encourus et la pénibilité du travail inspirent notamment Zola, qui dépeint le quotidien des mineurs dans son roman Germinal en 1885. Il y évoque la misère des ouvriers et les luttes sociales qui touchent la société en cette fin du XIXe siècle.
Si l’ère industrielle a apporté le confort moderne, elle n’est pourtant pas synonyme de progrès social. De plus, la présence croissante de la science et de la technologie dans le quotidien peut inquiéter.
Certains auteurs de romans d’anticipation s’interrogent ainsi sur les limites de l’industrialisation.
Les dérives de l’industrialisation en masse
Les dérives de l’industrialisation en masse
Écrit sous l’occupation nazie en 1943, Ravage est un roman d’anticipation de René Barjavel imaginant une société où la technologie viendrait à disparaître.
Roman d’anticipation :
Le roman d’anticipation est un genre romanesque. Il présente une fiction qui se déroule dans un futur plausible, un monde qui pourrait être le futur du nôtre. Ce genre est lié à la science-fiction.
Ravage s’interroge sur notre dépendance à la technologie et au confort qu’apportent les sciences. Dans une époque future, l’électricité disparaît et les machines cessent de fonctionner. Paris sombre alors dans le chaos. François, le personnage principal du roman, décide de partir s’installer en Provence, dans son village natal, afin de mener une existence paysanne et effectuer un retour aux sources. Dans cet extrait, François évoque les modes de cultures et élevages de cette société futuriste.
« L’humanité ne cultivait presque plus rien en terre. Légumes, céréales, fleurs, tout cela poussait à l’usine, dans les bacs.
[…] Des ondes et des lumières de couleurs et d’intensité calculées, des atmosphères conditionnées accéléraient la croissance des plantes et permettaient d’obtenir, à l’abri des intempéries saisonnières, des récoltes continues, du premier janvier au trente et un décembre.
L’élevage, cette horreur, avait également disparu. Élever, chérir des bêtes pour les livrer ensuite au couteau du boucher, c’étaient bien là des mœurs dignes des barbares du XXe siècle. Le “bétail” n’existait plus. La viande était “cultivée” sous la direction de chimistes spécialistes et selon les méthodes, mises au point et industrialisées, du génial précurseur Carrel, dont l’immortel cœur de poulet vivait encore au Musée de la Société protectrice des animaux. Le produit de cette fabrication était une viande parfaite, tendre, sans tendons, ni peaux, ni graisses, et d’une grande variété de goûts. […] Pour les raffinés, une maison célèbre fabriquait des viandes à goût de fruit ou de confiture, à parfum de fleurs. »
L’auteur décrit l’évolution des modes de vie dans cette société futuriste. L’agriculture est désormais obsolète.
Obsolète :
L’adjectif obsolète signifie que quelque chose ne se fait plus, est hors d’usage.
La première phrase offre un paradoxe : on ne « cultivait presque plus rien en terre ».
Paradoxe :
Un paradoxe est une contradiction qui paraît illogique.
Les végétaux poussent désormais « à l’usine ». La société a évolué vers une industrialisation totale.
On peut d’ailleurs observer un contraste entre le champ lexical de l’agriculture et celui de la science et de la technique. Ainsi les termes « légumes, céréales, fleurs », « plantes », « intempéries saisonnières », et « élevage » s’opposent aux « ondes », « intensité calculées », « atmosphères conditionnées », « chimistes », « industrialisées », et « usine ».
Mais dans cette époque futuriste, ils cohabitent et se complètent. L’idée d’une agriculture devenue entièrement industrielle, maîtrisée par la science, effraie le lecteur. L’élevage n’est pas en reste. La viande est désormais « cultivée ». On peut remarquer l’ironie de l’auteur au sujet de l’élevage.
Ironie :
L’ironie est un procédé comique qui consiste à dire le contraire de sa pensée.
Il écrit en effet « l’élevage, cette horreur ». Il montre qu’il est cruel de tuer des animaux pour se nourrir : Barjavel voit cela comme une coutume « barbare ». On peut remarquer également que la viande au goût de confiture est une absurdité, puisque si elle a le goût de confiture, ce n’est justement plus de la viande.
Absurdité :
Une absurdité est quelque chose de contraire à la logique, d’insensé.
L’auteur dénonce à travers cet exemple le fait qu’à vouloir tout transformer, l’Homme dénature tout, même l’essentiel, conduisant alors à commettre des absurdités.
Le narrateur semble satisfait de cette nouvelle ère. Ce nouveau mode de production est valorisé. La viande est décrite comme « parfaite ». Grâce aux progrès techniques, la croissance des plantes se fait rapidement et les récoltes peuvent se faire toute l’année.
Cette nouvelle société est en quête de perfection et d’efficacité. On n’accepte plus les aléas de la nature et sa lenteur.
Derrière les propos d’un narrateur en apparence satisfait se cache la critique de l’auteur, opposé à l’industrialisation et aux progrès absurdes de la technique. Barjavel donne donc un aperçu de ce vers quoi la société tend si elle ne prête pas attention aux conséquences de ces progrès scientifiques et technologiques.
Conclusion :
La première des révolutions industrielles au XIXe siècle marque le début de profonds changements dans les paysages et impacte également les modes de vie. L’industrialisation de la société a fait basculer les pays dans une nouvelle ère.
Mais si les révolutions industrielles ont apporté sans conteste de nombreux progrès techniques, l’exploitation industrielle de ces avancées engendre de plus en plus de pollution visuelle, auditive et surtout environnementale. Nous pouvons alors légitimement nous demander jusqu’à quel point la science et la technique transformeront notre environnement et nos vies.