La conscience
Problématiques
- La conscience est-elle une caractéristique du vivant ou bien le propre de l'être humain ?
- À quoi peut bien servir la conscience ?
- La conscience est-elle indépendante du Moi, agit-elle de manière autonome ?
Définitions à connaître : conscience, inconscience, morale, phénomène, phénoménologie, Ça/Surmoi/Moi.
- Qu’est-ce que la conscience
Le terme conscience désigne trois réalités distinctes :
- la conscience morale (être conscient de ses actes) ;
- la conscience comme éveil (être présent à la réalité) ;
- la conscience comme savoir (par opposition à l’ignorance).
On dit que la conscience est réflexive :
- L’esprit est simultanément l’initiateur qui a décidé de faire quelque chose, l’exécutant qui fait agir le corps et le critique qui juge et corrige en cas d’erreur ;
- L’esprit mobilise des savoirs acquis dans le passé pour résoudre une difficulté du présent.
- La conscience est donc un « pouvoir de réflexion » dans les deux sens du terme.
- Aristote et la connaissance de soi
Le terme « conscience » n’est apparu qu’aux alentours du XVIIe siècle, pour autant dès l’Antiquité Aristote parlait déjà de « connaissance de soi ». Or, selon lui, seul un ami qui est « un autre soi-même » peut aider à comprendre qui on est :
« Apprendre à se connaître est très difficile et un très grand plaisir en même temps ; mais nous ne pouvons pas nous contempler nous-mêmes à partir de nous-mêmes […] aveuglés que nous sommes, pour beaucoup d’entre nous, par l’indulgence et la passion qui nous empêchent de juger correctement. Par conséquent […] c’est en tournant nos regards vers notre ami que nous pourrions nous découvrir, puisqu’un ami est un autre soi-même. Concluons : la connaissance de soi est un plaisir qui n’est pas possible sans la présence de quelqu’un d’autre qui soit notre ami ; l’être humain qui se suffit à soi-même aurait donc besoin d’amitié pour apprendre à se connaître soi-même. »
Aristote, Éthique à Nicomaque, Livre II, Chap. XV
- Descartes et la conscience de soi
Au XVIIesiècle, Descartes fait l’expérience du doute, il se demande jusqu’où peut-on remettre en question la réalité :
« […] considérant que toutes les mêmes pensées, que nous avons étant éveillés, nous peuvent aussi venir quand nous dormons, sans qu’il n’y en ait aucune, pour lors, qui soit vraie, je me résolus de feindre que toutes les choses qui m’étaient jamais entrées en l’esprit, n’étaient non plus vraies que les illusions de mes songes. Mais, aussitôt après, je pris garde que, pendant que je voulais ainsi penser que tout était faux, il fallait nécessairement que moi, qui le pensais, fusse quelque chose. Être marquant que cette vérité : je pense, donc je suis, était si ferme, […] je jugeai que je pouvais la recevoir, sans scrupule, pour le premier principe de la philosophie que je cherchais. »
Descartes, Discours de la Méthode, 1637
On peut douter sauf sur la vérité suivante « je pense donc je suis ». Car si je pense, je suis donc j’existe. Descartes le dit sous la forme du « cogito ergo sum » : on peut douter de nos sens qui nous trompent, de notre propre existence qui peut n’être qu’illusion, mais on ne peut douter du fait qu’on pense.
Cette expérience de Descartes montre le dualisme corps-esprit : le corps et l’esprit sont deux choses séparables et séparées, on peut penser sans avoir de corps, ce dernier est un automate dirigé par l’esprit.
- La conscience chez Descartes est donc d’abord conscience de soi.
- Hegel et la conscience pour soi
Pour Hegel, la conscience des êtres humains leur permet d’avoir une double existence :
- l’être humain est « en soi » : le corps vivant existe au même titre que ce que l’on trouve dans la nature ;
- l’être humain existe « pour soi » : l’être qui existe est doué de conscience de soi.
Dans la conception hégélienne, nous retrouvons la notion de dualisme corps-esprit conçue par Descartes : mais Hegel va plus loin. Selon lui, l'être humain existe « pour soi ».
- C'est-à-dire qu'il modifie le monde et se reconnait dans ses actions, comme l’enfant qui en jetant une pierre dans l’eau contemple le résultat de son action.
Par ailleurs, l’être humain change en permanence, notamment grâce à sa conscience qui lui permet de se regarder et de se juger : il peut refuser ce qu’il est et se transformer continuellement. C'est donc par la conscience que l’être humain existe.
- Husserl et la conscience comme intentionnalité
Au XIXesiècle, Husserl critique la séparation que fait Kant entre les phénomènes et les noumènes (choses en soi), pour lui tout est phénomène.
- Selon Husserl, « toute conscience est conscience de quelque chose ».
Nous avons conscience d’une chose extérieure parce que nous avons l’intention de la regarder, nous projetons sur cette chose des significations, des affects que Husserl appelle des « intentions ». L’intentionnalité est donc une caractéristique essentielle de notre conscience et pour percevoir les choses de manière la plus pure, sans intention, il faudrait – selon le philosophe – passer par la méditation.
- Selon Husserl, le réel n’existe que par notre esprit. La conscience fait exister le monde et les autres, et ce monde est toujours empreint d’une certaine intentionnalité. Cette idée est révolutionnaire car elle implique que le monde et les objets ne préexistent pas à la conscience.
- Aujourd’hui on considère généralement que la conscience est définie par sa réflexivité et son intentionnalité, elle rend l’humain particulier.
- C'est en transformant le monde que l’être humain prend conscience de lui-même : d’abord il prend conscience de lui-même par l’éducation, il transforme la nature par le travail et transforme la société et ses institutions par l’action politique.
- Grâce à la conscience, l’être humain existe en soi et pour soi.