La tragédie au XVIIe siècle : Bérénice de Racine

Introduction :

La tragédie au XVIIe siècle répond à un engouement du public français pour le théâtre. Elle est régie par des règles élaborées par l’Académie française autour d’un idéal de grandeur. Le courant classique dont le but est de « plaire et instruire », trouve dans la tragédie du XVIIe siècle un parfait support.

Un courant littéraire est une mode en littérature. Chaque courant possède ses caractéristiques bien spécifiques et appartient à une époque particulière. La période classique se situe au XVIIe siècle.

Un grand nombre de tragédies de cette époque sont inspirées de la mythologie grecque et des tragédies de la Grèce antique.

Afin de mieux comprendre en quoi consiste la tragédie classique nous nous intéresserons à ses règles et aux sujets qu’elle aborde. Puis, nous étudierons un extrait de tragédie pour illustrer notre propos.

La tragédie classique

Les règles de la tragédie classique

Les règles qui régissent la tragédie visent à maintenir l’attention du spectateur durant toute la représentation et à assurer la cohérence de l’intrigue.

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Définition

Intrigue :

Ce sont les événements qui forment le nœud d’une pièce, d’un roman, d’un film.

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À retenir

La règle des trois unités comprend l’unité de temps, de lieu et d’action.

  • Grâce à l’unité de lieu, l’action est bornée à un lieu unique. Le spectateur peut alors limiter la scène au seul lieu de l’action.
  • L’unité de temps, quant à elle, permet de garantir que les événements représentés sur scène ne durent pas plus d’une journée, afin que l’histoire paraisse plus réaliste et corresponde au plus près à la durée réelle de la pièce.
  • L’unité d’action propose de concentrer l’action théâtrale autour d’une crise sans ajout d’intrigues secondaires. Cela permet de limiter le nombre de personnages et de centrer l’attention du spectateur sur l’intrigue principale.
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Définition

Crise :

Dans la tragédie classique, lors de l’exposition qui est le premier temps dans l’action théâtrale, on assiste à une situation tendue, au bord de la catastrophe : c’est la crise.

Après les péripéties, le dénouement doit résulter de la crise de départ et apporter des réponses claires sur le sort des personnages principaux. Il doit également être rapide afin de concentrer l’émotion du spectateur.

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Définition

Péripéties :

Les péripéties sont les événements qui viennent modifier la situation de départ.

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Définition

Dénouement :

Le dénouement correspond à la fin de la pièce. Le spectateur est alors fixé sur le sort des personnages. Il n’y a plus d’obstacle ni de crise et une nouvelle situation voit le jour.

La règle de vraisemblance précise que l’action doit demeurer plausible et réaliste. Cela permet à la fois de ne pas noyer l’attention du spectateur dans une intrigue trop farfelue mais aussi de rester crédible. Comme le dit Boileau dans son Art Poétique, « l’esprit n’est point ému de ce qu’il ne croit pas ».

Enfin, la règle de bienséance interdit tout ce qui pourrait choquer le public durant la représentation. Les personnages doivent par exemple mourir en coulisses et non sur scène, et un temps du récit est consacré à la narration de ces faits.

L’action tragique

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À retenir

L’action tragique est placée sous le signe de la fatalité.

Par une ironie tragique, les dieux ou le destin semblent se jouer du héros. Le héros est comme pris au piège et tout ce qu’il fait se retourne contre lui. L’intrigue est souvent construite autour d’un conflit dont l’enjeu est la mort.

Le héros peut affronter un conflit intérieur, comme dans Phèdre de Racine, où cette dernière se trouve submergée par un amour impossible qui la consume. Tous les choix qui s’offrent à elle mènent à des conséquences fatales.

Le héros peut également faire face à une volonté divine ou un destin inéluctable. Par exemple dans Iphigénie de Racine, les Dieux ordonnent à Agamemnon de sacrifier sa propre fille, Iphigénie.

Le héros tragique

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À retenir

Pour plaire au public aristocratique du XVIIe siècle, le héros tragique est toujours de condition illustre.

Il occupe un rang élevé ou prestigieux dans la société.

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À retenir

Le héros n’est ni tout à fait bon, ni tout à fait mauvais. Il est capable d’erreurs mais attire la compassion du spectateur.

Chez Corneille, le héros tragique est généreux et capable de sacrifices. Il s’engage avec courage dans un combat qu’il sait perdu d’avance et il en sort grandi.

  • La grandeur du personnage, non seulement par sa condition mais surtout par ses qualités d’homme, impose l’admiration du spectateur.
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À retenir

La tragédie a d’ailleurs une fonction morale : le spectateur s’identifie aux héros. Ainsi, il éprouve et rejette en même temps que les personnages les passions et les souffrances. Cela s’appelle la catharsis.

  • Le spectateur se « purge » de ses propres passions à travers les héros.

Un exemple de tragédie classique : Bérénice de Racine

Racine traite dans Bérénice de la séparation de l’empereur Titus et de la reine Bérénice. Dans l’extrait suivant, Titus vient d’annoncer à Bérénice sa décision de la quitter pour des raisons politiques. Voici la réaction de Bérénice :

«  BÉRÉNICE :
Ah ! Cruel ! Est-il temps de me le déclarer ?
Qu’avez-vous fait ? Hélas ! je me suis crue aimée.
Au plaisir de vous voir mon âme accoutumée
Ne vit plus que pour vous. Ignoriez-vous vos lois,
Quand je vous l’avouai pour la première fois ?
À quel excès d’amour m’avez-vous amenée !
Que ne me disiez-vous : “Princesse infortunée,
Où vas-tu t’engager, et quel est ton espoir ?
Ne donne point un cœur qu’on ne peut recevoir.”
Ne l’avez-vous reçu, cruel, que pour le rendre,
Quand de vos seules mains ce cœur voudrait dépendre ?
Tout l’Empire a vingt fois conspiré contre nous.
II était temps encore : que ne me quittiez-vous ?
Mille raisons alors consolaient ma misère :
Je pouvais de ma mort accuser votre père,
Le peuple, le sénat, tout l’Empire romain,
Tout l’univers, plutôt qu’une si chère main.
Leur haine, dès longtemps contre moi déclarée,
M’avait à mon malheur dès longtemps préparée.
Je n’aurais pas, Seigneur, reçu ce coup cruel
Dans le temps que j’espère un bonheur immortel,
Quand votre heureux amour peut tout ce qu’il désire,
Lorsque Rome se tait, quand votre père expire,
Lorsque tout l’univers fléchit à vos genoux,
Enfin quand je n’ai plus à redouter que vous. »

Bérénice exprime ici un tumulte d’émotions. La passion qui la rendait jusqu’alors heureuse est désormais source de souffrance.

La passion racinienne

Bérénice passe par différents états émotionnels. Elle oscille entre colère, amour et étonnement. Elle a une attitude d’amante offensée lorsqu’elle qualifie Titus de « cruel », mais elle ne lui manque pas de respect puisqu’elle l’appelle « Seigneur ». Elle sait rester digne. On perçoit à travers son langage soutenu et la complexité de son discours son rang élevé.

Les multiples points d’interrogation et d’exclamation montrent les émotions de Bérénice. Par exemple, les interjections « Ah cruel ! » et « Hélas ! » révèlent la tristesse et le désarroi de Bérénice. On peut alors parler de tonalité élégiaque. Bérénice se plaint et partage sa peine. Le spectateur est ainsi enclin à la pitié face au discours pathétique de Bérénice.

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Définition

Registre pathétique :

Il concerne une situation ou un style qui suscite l’émotion et la compassion.

Les phrases interrogatives reflètent son incompréhension. « Ignoriez-vous vos lois, / Quand je vous l’avouai pour la première fois ? » s’interroge Bérénice. Ou encore « Ne l’avez-vous reçu, cruel, que pour le rendre, / Quand de vos seules mains ce cœur voudrait dépendre ? ».

C’est également un moyen pour Bérénice d’interpeler Titus. Elle est vindicative et en colère contre lui. Elle ne s’oppose pas au fond à son choix mais dénonce la décision tardive de celui-ci qu’elle considère alors comme un lâche.

Bérénice fait tantôt appel à sa raison tantôt à son cœur, ce qui montre la fluctuation de ses sentiments à l’égard de Titus. Elle est marquée par un sentiment de désarroi mais aussi par la passion qui l’anime, ce qui lui donne la force de lutter.

Un combat

L’amour de Bérénice est un véritable combat. Son discours révèle ses nombreux ennemis dans sa lutte pour son amour. La gradation croissante « votre père,/Le peuple, le sénat, tout l’Empire romain,/Tout l’univers » représente les ennemis de Bérénice, puisqu’ils sont aussi ennemis du couple qu’elle formait avec Titus.

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Définition

Gradation :

La gradation croissante est une énumération de termes dont le sens va crescendo. La gradation décroissante est l’inverse.

Cette gradation vient se heurter à « une si chère main » qui est ici une métonymie pour désigner Titus.

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Définition

Métonymie :

La métonymie consiste à remplacer un mot par un autre ayant avec lui un lien logique, sous-entendu.

  • Ce contraste illustre la surprise de la trahison de Titus. C’est bien cela qui est le plus douloureux pour Bérénice.

Le champ lexical évoquant le conflit « conspiré », « haine déclarée », ou « coup cruel » montre que Bérénice était engagée depuis longtemps dans un combat pour sa relation avec Titus.

Titus est plongé dans le dilemme tragique, c’est en effet lui qui se voit contraint de quitter la femme qu’il aime pour régner sur Rome. Mais c’est Bérénice qui incarne ici la dimension du personnage tragique. À la fois impétueuse, aimante et bafouée, le spectateur la plaint mais admire sa dignité et la grandeur du personnage.

Conclusion :

La tragédie classique connaît donc sa grande époque durant le XVIIe siècle. Elle met en scène des personnages illustres dans des situations déchirantes. La fatalité s’abat sur le héros qui tente de s’en sortir. Mais quoi que le personnage fasse, l’issue sera funeste et plus il se débat, plus il s’enlise. Bien que la tragédie ait souvent recourt au divin, elle est révélatrice des passions humaines et de ce qu’il y a de plus destructeur dans l’Homme.