Les Fausses Confidences - Partie 2
Les Fausses Confidences, Marivaux : la victoire de la ruse
Lien vers le cours de 1re sur Les Fausses Confidences
Introduction :
Dès son titre, Les Fausses Confidences, la pièce de Marivaux plonge le lecteur et le spectateur dans une atmosphère de tromperie. Quelle est la nature de ces confidences ? Nous sommes prévenus que la vérité sera difficile à cerner. Tout l’enjeu de l’œuvre tient dans ce paradoxe : il y a stratagème, mais il ne sert pas à faire émerger un mensonge pour cacher la vérité ; au contraire, il permet de révéler la vérité des sentiments aux yeux de tous. Toutes les manipulations du valet Dubois n’ont qu’un seul objectif : rendre acceptable et officiel l’amour que porte Dorante à Araminte.
Dès lors, il apparaît nécessaire d’étudier les ressources théâtrales que l’écriture et la mise en scène utilisent pour lancer ces allers-retours entre mensonge et vérité dans la comédie. Comment Marivaux fait-il de la ruse le véhicule du rire et de la dénonciation ? Pour répondre à cette question dans ce second cours, nous nous pencherons sur ce qui fait la duplicité permanente de la pièce tant sur le plan de l’intrigue que sur le plan de la mise en scène. Nous verrons que ce principe de double lecture se retrouve dans le caractère des personnages eux-mêmes. Encore faudra-t-il expliquer en quoi ces doubles sens servent surtout à éclairer les pouvoirs de la parole.
Une pièce ambiguë
Une pièce ambiguë
Tout est à double entente dans la pièce de Marivaux. Chaque propos, geste et situation peut être sujet à quiproquos.
- C’est pourquoi la notion de « confidence » se décline à tous les niveaux.
La double énonciation et l’ironie apparaissent comme des moyens théâtraux pour que le spectateur ne se perde pas dans ces ruses.
Portrait de Marivaux avec un regard malicieux, réalisé par le peintre Louis-Michel van Loo en 1753
L’ambiguïté de l’intrigue
L’ambiguïté de l’intrigue
Marivaux avait d’abord pensé à intituler sa pièce : La Fausse Confidence (au singulier). Pour cause, toute l’histoire repose sur une confidence cruciale, celle de Dubois à Araminte à la scène 14 de l’acte I, qui consiste à révéler à la veuve que son intendant est amoureux d’elle.
Confidence :
Information qu’une personne transmet à une autre personne à la condition qu’elle la garde secrète.
Qu’est-ce qui fait que cette confidence est « fausse » ?
Une confidence implique une confiance en l’autre, et par définition elle est forcément réelle puisqu’elle révèle quelque chose d’inconnu jusqu’alors. Le caractère fallacieux de la confidence de la pièce ne tient pas dans son contenu, car il est vrai que Dorante est amoureux de la maîtresse de maison. Ce qui est faux, c’est l’attitude de Dubois qui fait mine de transmettre un secret, alors qu’il s’est mis d’accord avec Dorante pour manipuler Araminte.
Dubois simule, fait le comédien devant la jeune femme pour faire croire qu’il est de son côté. En quelque sorte, ce personnage introduit du théâtre dans le théâtre. Le comédien qui joue Dubois doit jouer un personnage qui joue.
L’usage du pluriel, dans le titre de la pièce, se justifie parce que, plus encore qu’un simple comédien, Dubois va se conduire comme un metteur en scène : il va créer d’autres fausses confidences pour semer le doute chez Araminte.
Un metteur en scène est une personne qui s’occupe de la représentation sur scène d’un spectacle.
Outre la confidence centrale de la scène 14 (acte I), l’exécution de la ruse de Dubois s’appuie sur deux temps forts : le portrait et la lettre. Le premier se retrouve dans les mains d’Araminte suite à un savoureux quiproquo. Le coup de théâtre de Dubois est de laisser entendre à la jeune veuve que non seulement Dorante est le propriétaire de ce portrait la représentant, mais qu’il en est aussi l’auteur. Quant à la lettre, ultime artifice façonné par Dorante et Dubois, et mise dans le circuit par ce dernier, elle insinue le sentiment de culpabilité et pousse Araminte dans ses derniers retranchements.
Le lecteur et les spectateurs sont à chaque fois dans la confidence puisqu’ils savent toujours qu’un tour est en train de se jouer. La confidence adressée au public est une façon pour Marivaux de le tenir en haleine.
L’intrigue est donc ambiguë puisque c’est parfois le spectateur, parfois le personnage qui est trompé et ne sait pas sur quel pied danser jusqu’à ce que tout rentre dans l’ordre à la fin de la pièce. Mais ce n’est pas seulement le déroulement de l’histoire dans son ensemble qui est ambiguë, chaque situation porte aussi son lot d’incertitudes.
L’ambiguïté des situations
L’ambiguïté des situations
Ces ruses, propres à l’histoire que nous venons de résumer, ont une grande influence sur la mise en scène et l’écriture de la pièce. Il ne s’agit pas seulement de rendre ces malentendus compréhensibles au public, encore faut-il les montrer et les rendre comiques.
- Pour les montrer, Marivaux s’appuie sur le principe de la double énonciation théâtrale.
Double énonciation :
Il y a double énonciation au théâtre quand une seule information est adressée à deux interlocuteurs différents. En général, au public et à un personnage.
Dans le passage suivant, Araminte joue la comédie à Dorante, en lui faisant croire qu’elle veut épouser le Comte. Mais le public sait très bien qu’elle ment.
« ARAMINTE. — […] je suis déterminée à épouser le comte.
DORANTE, d’un ton ému. — Déterminée, madame ?
ARAMINTE. — Oui, tout à fait résolue. Le comte croira que vous y avez contribué ; je le lui dirai même, et je vous garantis que vous resterez ici ; je vous le promets. (À part.) Il change de couleur.
DORANTE. — Quelle différence pour moi, madame ! »
Acte II, scène 13
On observe ici que l’aparté « Il change de couleur » s’adresse au public, comme l’indique la didascalie « (À part) ».
C’est une trace de la double énonciation qui permet au public d’être sûr qu’Araminte est en train de tromper Dorante.
Pour rendre ces malentendus comiques, Marivaux se sert de l’ironie.
L’ironie est un procédé qui consiste à dire le contraire de ce que l’on veut faire comprendre.
Dans Les Fausses Confidences, l’ironie permet à certaines répliques d’avoir un double sens.
Portrait d’Elizabeth Anne Linlay par le peintre William Gainsborough, 1775
La réplique de Marton aux premiers mots d’Araminte a une portée très ambivalente puisqu’à ce stade le public sait déjà que l’homme qui vient de saluer la maîtresse de maison est amoureux d’elle :
« ARAMINTE. — Marton, quel est donc cet homme qui vient de me saluer si gracieusement, et qui passe sur la terrasse ? Est-ce à vous qu’il en veut ?
MARTON. — Non, madame, c’est à vous-même. »
Acte I, scène 6
C’est le moins qu’on puisse dire : il en veut à madame car il veut l’épouser !
Un duo ambivalent
Un duo ambivalent
Outre les différents malentendus, l’ambiguïté repose souvent sur le personnage lui-même et non sur la situation. Au cœur de la dynamique de tromperie, qui innerve toute l’action, se tiennent Dorante et Dubois.
- La quête du premier fait l’objet de la pièce, l’intelligence du second permet de mener cette quête à bien.
L’amoureux incertain
L’amoureux incertain
Les Fausses confidences, Dorante, gravure de Bertall, dans Les Œuvres de Marivaux, 1878
L’incertitude que le spectateur peut avoir vis-à-vis du comportement de Dorante réside dans le fait qu’il est possible de douter de la sincérité des sentiments du jeune homme pour Araminte. Dorante est tellement inquiet pour l’argent et il rappelle si souvent qu’il n’a que trop peu de biens et qu’Araminte en possède beaucoup, qu’il est facile de penser qu’il veut se marier par cupidité.
Autre élément douteux : Dorante se présente comme une victime de Dubois dans la réplique où il avoue à Araminte toute la complexité des stratagèmes mis en place. Peu sincère en amour, il ne le serait pas non plus en amitié.
« DORANTE. — Dans tout ce qui s’est passé chez vous, il n’y a rien de vrai que ma passion, qui est infinie, et que le portrait que j’ai fait. Tous les incidents qui sont arrivés partent de l’industrie d’un domestique qui savait mon amour, qui m’en plaint, qui, par le charme de l’espérance, du plaisir de vous voir, m’a, pour ainsi dire, forcé de consentir à son stratagème ; il voulait me faire valoir auprès de vous. Voilà, madame, ce que mon respect, mon amour et mon caractère ne me permettent pas de vous cacher. J’aime encore mieux regretter votre tendresse que de la devoir à l’artifice qui me l’a acquise. J’aime mieux votre haine que le remords d’avoir trompé ce que j’adore. »
Acte III, scène 12
Notez que le terme « stratagème », issu du vocabulaire guerrier, n’est pas anodin.
Néanmoins rien n’interdit de le croire et de lui pardonner la façon dont il désigne son valet sans même prononcer son nom. Décidément, les fausses confidences sont présentes du début à la fin de la pièce.
Le valet calculateur
Le valet calculateur
Dubois sait créer un désir dans le but de parvenir à ses fins. Non seulement il cherche à accompagner son maître, mais il tient également à se réserver l’amour de Marton.
Une fois le stratagème établi entre son maître et lui à la fin du premier acte, voici ce que Dubois dit à Dorante :
« DUBOIS. — À propos, tâchez que Marton prenne un peu de goût pour vous. L’amour et moi, nous ferons le reste. »
Acte I, scène 2
Preuve en est que, s’il se consacre à Dorante, il ne perd pas de l’œil la satisfaction de ses desseins (= buts).
Néanmoins, Dubois n’est pas un valet frivole et rigolard comme peuvent l’être l’Arlequin (de la pièce et de la commedia dell’arte), ou le Scapin des pièces de Molière. Il semble sûr de lui car il a déjà exercé ses adresses de manipulateur, ailleurs que dans cette maison ce jour-là. C’est bien cette connaissance de la psychologie et de la sentimentalité d’autrui qui lui donne cette aura et cette puissance sur son entourage.
La stratégie que cherche à mettre en place Dubois tient sur la connaissance suivante du mécanisme du cœur :
- dans un premier temps il faut susciter l’amour par la curiosité et la jalousie ;
- dans un deuxième temps il faut le rendre public.
C’est pourquoi il contraint Araminte à s’interroger sur son désir profond d’épouser le Comte Dorimont, puis à lire publiquement la (fausse) lettre de Dorante.
Plus qu’un valet, Dubois est aussi un fin psychologue. Ses confidences permettent de faire avancer l’action tout en renseignant le lecteur et les spectateurs sur la personnalité des personnages.
Dubois fait partie de la famille des valets comploteurs qui se multiplient dans le théâtre du XVIIIe siècle. Le personnage de Figaro dans les pièces de Beaumarchais, et notamment dans Le Mariage de Figaro, est un exemple de ces héros du peuple qui se montrent plus habiles que leurs maîtres.
Page de titre de l’édition originale de 1785 du Mariage de Figaro de Beaumarchais
Une manipulation au service de la parole
Une manipulation au service de la parole
Les manipulations s’intriquent les unes dans les autres, mais jamais de façon gratuite. Dubois et Dorante trompent pour arriver à leurs fins, mais également pour prouver aux yeux de chacun ses travers, ses hésitations et ses lâchetés. La parole sort grandie de ces tours de passe-passe de l’esprit qui supposent une maîtrise parfaite de la langue.
Tromper pour mieux prouver
Tromper pour mieux prouver
Dubois se sert de son cerveau quand Dorante n’est à l’écoute que de son cœur.
Le valet prouve que l’intelligence est plus efficace que la sentimentalité pour se réaliser individuellement.
Plus qu’un simple élaborateur de situations, Dubois cherche aussi à changer les opinions des membres de son entourage pour les amener à le croire. Il est derrière tous les personnages de la pièce.
Cela est particulièrement parlant quand il dit : « Il faut qu’elle nous épouse » à l’acte III, scène 1. Ce « nous » l’englobant lui et son maître.
Les tromperies de la pièce servent toutes à mettre au jour quelque chose de vrai. Par exemple : Araminte joue la comédie devant Dorante seulement pour le pousser à avouer son amour, Dubois ruse pour qu’Araminte prenne conscience de l’amour de Dorante pour elle, Monsieur Remy incite Dorante à se marier parce qu’il manque véritablement d’argent.
Bien qu’il brosse un portrait exagéré de l’amour fou de Dorante, Dubois montre en même temps à Araminte quelque chose de tout à fait juste au sujet du jeune homme : il est sage et c’est un bon bourgeois. La vérité se mêle toujours au mensonge :
« DUBOIS. — Ah ! il n’y a rien de plus facile à raccommoder ; ce rapport sera que des gens qui le connaissent m’ont dit que c’était un homme incapable de l’emploi qu’il a chez vous, quoiqu’il soit fort habile, au moins ; ce n’est pas cela qui lui manque.
ARAMINTE. — À la bonne heure ; mais il y aura un inconvénient. S’il en est incapable, on me dira de le renvoyer, et il n’est pas encore temps ; j’y ai pensé depuis ; la prudence ne le veut pas, et je suis obligée de prendre des biais, et d’aller tout doucement avec cette passion si excessive que tu dis qu’il a et qui éclaterait peut-être dans sa douleur. Me fierai-je à un désespéré ? Ce n’est plus le besoin que j’ai de lui qui me retient ; c’est moi que je ménage. (Elle radoucit le ton.) À moins que ce qu’a dit Marton ne soit vrai ; auquel cas je n’aurais plus rien à craindre. Elle prétend qu’il l’avait déjà vue chez M. Remy, et que le procureur a dit même devant lui qu’il l’aimait depuis longtemps et qu’il fallait qu’ils se mariassent ; je le voudrais.
DUBOIS. — Bagatelle ! Dorante n’a vu Marton ni de près ni de loin ; c’est le procureur qui a débité cette fable-là à Marton dans le dessein de les marier. “Et moi je n’ai pas osé l’en dédire, m’a dit Dorante, parce que j’aurais indisposé contre moi cette fille, qui a du crédit auprès de sa maîtresse, et qui a cru ensuite que c’était pour elle que je refusais les quinze mille livres de rente qu’on m’offrait.” »
Acte II, scène 12
Dans ce passage, il apparaît clairement qu’en plus de l’homme fougueux qu’il a dépeint précédemment, Dubois donne de Dorante une image d’être parfaitement raisonnable. Il le dit « habile » et il relativise la « passion si excessive » dont il serait la proie. Par les fausses paroles au discours direct qu’il lui prête, Dubois donne également l’impression que c’est un être délicat et attentionné.
Il ne faut pas voir Dubois comme un simple « confident », comme il en existe beaucoup dans le théâtre classique, par exemple chez Racine.
- Marivaux fait du valet un être qui fait aussi des confidences et ainsi dévoile les hypocrisies de la noblesse et de la bourgeoisie, tout en désignant au spectateur la situation complexe des femmes dans la bonne société française de son époque.
« Scène galante dans un jardin », David Vinckboons ©Amsterdam, Rijksmuseum
La puissance des mots
La puissance des mots
Ces faux-semblants et ces ruses qui se donnent comme objectif de dire la vérité d’un cœur ou d’un fait ne sont jamais amenés par autre chose que la parole.
- C’est bien la puissance de celle-ci que teste Marivaux.
Par les mots du vocabulaire amoureux, Dubois éveille la curiosité de ses interlocuteurs. C’est parce qu’il sait improviser une histoire à toute vitesse et la raconter avec vivacité qu’il est si convaincant.
Le mensonge et la manipulation des sentiments ne sont concrets que parce que Dubois est comme Marivaux : une sorte de dramaturge qui imagine tout un monde autour des autres pour leur faire imaginer la vérité.
Un·e dramaturge est un·e auteur·e de pièce de théâtre.
Tout le pouvoir de déstabilisation de la parole se lit dans cet aparté d’Araminte après avoir entendu la première des confidences du valet, puis dans le dialogue qui s’en suit avec Dorante :
« ARAMINTE, un moment seule. — La vérité est que voici une confidence dont je me serais bien passée moi-même.
DORANTE. — Madame, je me rends à vos ordres.
ARAMINTE. — Oui, monsieur ; de quoi vous parlais-je ? Je l’ai oublié.
DORANTE. — D’un procès avec M. le comte Dorimont.
ARAMINTE. — Je me remets ; je vous disais qu’on veut nous marier. »
Acte I, scène 15
Le trouble d’Araminte est d’abord explicite dans l’aparté, puis il se remarque parce qu’elle ne sait plus pourquoi elle a fait venir Dorante, et enfin il s’éternise parce qu’elle a du mal à se « remettre » en mémoire ce qu’elle voulait dire.
- Les effets de la parole sont donc cataclysmiques et d’une grande efficacité.
En effet, Dubois ne parvient pas seulement à surmonter les réticences d’Araminte, il réussit aussi à surmonter celles de Madame Argante qui est la représentante d’une société bien-pensante. Il faut prendre en compte qu’Araminte doit avouer à sa mère qu’elle aime quelqu’un d’une classe inférieure à la sienne, et ce n’est pas un petit problème pour les bonnes familles de l’époque. Si on aime, il faut chercher à s’élever socialement en même temps.
La façon dont Araminte répond à sa mère dans ce passage est une véritable provocation. Il est possible d’y voir une rébellion non seulement d’une fille contre sa mère, mais également d’une femme contre les conventions et les normes :
« MADAME ARGANTE. — Ceci n’est pas matière à plaisanterie, ma fille. Il n’est pas question de votre monsieur Remy ; laissons là ce bonhomme, et traitons la chose un peu plus sérieusement. Vos gens ne vous font pas peindre ; vos gens ne se mettent point à contempler vos portraits ; vos gens n’ont point l’air galant, la mine doucereuse.
MONSIEUR REMY, à Araminte. — J’ai laissé passer le bonhomme à cause de vous, au moins ; mais le bonhomme est quelquefois brutal.
ARAMINTE. — En vérité, ma mère, vous seriez la première à vous moquer de moi, si ce que vous dites me faisait la moindre impression. Ce serait une enfance à moi que de le renvoyer sur un pareil soupçon. Est-ce qu’on ne peut me voir sans m’aimer ? Je n’y saurais que faire ; il faut bien m’y accoutumer et prendre mon parti là-dessus. Vous lui trouvez l’air galant, dites-vous ? Je n’y avais pas pris garde, et je ne lui en ferai point un reproche. Il y aurait de la bizarrerie à se fâcher de ce qu’il est bien fait. Je suis d’ailleurs comme tout le monde ; j’aime assez les gens de bonne mine. »
Acte III, scène 6
Cette contestation s’exprime du point de vue spirituel par une volonté de dire la « vérité » et une invitation au bon sens. Elle s’exprime aussi du point de vue formel par des questions rhétoriques percutantes, des phrases courtes et cinglantes et par des deux points qui signent assez le caractère conclusif et intransigeant de la réplique d’Araminte qui semble avoir gagné en assurance par son langage.
Questions rhétoriques :
Interrogations qui ne demandent pas de réponse immédiate, mais invitent à se questionner.
Conclusion :
Les Fausses Confidences est une pièce à lire comme une œuvre à tiroirs : elle n’a jamais fini de livrer des informations cachées pour peu que l’on sache où aller regarder. Marivaux signe un texte où ne sont visibles au premier regard que le secret et la dissimulation, la duplicité et l’ironie. En somme, la ruse produit la richesse des innovations de la mise en scène et du dialogue.
Mais ce n’est pas seulement pour trouver matière à situations cocasses qu’un tel enchevêtrement de stratagèmes est présenté au spectateur. Avec une telle architecture dans son intrigue, Marivaux crée une pièce au comique redoutable et propose une plongée originale dans les méandres de la psychologie des amoureux. Il fait du langage l’outil privilégié pour rendre compte de la complexité de ces terrains sur lesquels il s’aventure et où il puise, en dernier ordre, une gaité naïve.