L'individu, la société, la politique
Introduction :
La littérature selon Baudelaire est le « meilleur témoignage que nous puissions donner de notre dignité ». Dire ce qu’est l’Homme et l’individu a toujours été l’une des missions premières de la littérature et particulièrement celle des genres de l’argumentation. Mais tenter de cerner l’Homme, c’est aussi prendre en compte la société dans laquelle il évolue et son fonctionnement.
C’est pourquoi la question de l’individu, de la société et de la politique dans les genres de l’argumentation sera étudiée dans ce cours.
L’individu dans les genres de l’argumentation
L’individu dans les genres de l’argumentation
L’étude de l’individu chez les écrivains passe d’abord par la tentative de se peindre soi-même.
Michel de Montaigne
Au XVIe siècle, Montaigne, dans les Essais par exemple, se cherche à travers de multiples textes argumentatifs sur la nature humaine. Il décrit son projet dans le préambule intitulé « Au lecteur » :
« Ainsi, lecteur, je suis moi-même la matière de mon livre […] Je veux qu’on m’y voie en ma façon simple, naturelle et ordinaire, sans contention ni artifice : car c’est moi que je peins. Mes défauts s’y liront au vif. »
- L’entreprise de Montaigne est en ce sens représentative de l’humanisme.
Humanisme :
C’est un courant intellectuel qui veut mettre l’Homme et non Dieu au centre de l’univers.
Jean-Jacques Rousseau
Mais la peinture de soi sert aussi d’autojustification. C’est le cas chez Rousseau avec ses Confessions en 1782. Persuadé qu’il existe un complot contre lui à la fin de sa vie, l’écrivain écrit son autobiographie dans la logique de se justifier et de dire la vérité sur lui-même. Il écrit par ailleurs dans le préambule de son œuvre, s’adressant à Dieu :
« Être éternel, rassemble autour de moi l’innombrable foule de mes semblables ; qu’ils écoutent mes confessions, qu’ils gémissent de mes indignités, qu’ils rougissent de mes misères. Que chacun d’eux découvre à son tour son cœur aux pieds de ton trône avec la même sincérité ; et puis qu’un seul te dise, s’il l’ose : "Je fus meilleur que cet homme-là" ».
En partant de son cas particulier, Rousseau tend à montrer la nature imparfaite de chaque individu.
L’autoportrait prend en ce sens une valeur argumentative.
Le rapport de l’Homme à sa communauté
Le rapport de l’Homme à sa communauté
Imaginer une autre société
Imaginer une autre société
Si la littérature s’occupe de l’individu, elle ne peut occulter la question de la société dans laquelle il évolue.
Imaginer une société où l’Homme pourrait s’épanouir, c’est l’ambition des auteurs d’utopies.
Utopie :
L’utopie se définit comme la description d’un lieu imaginaire et idéal. C’est un genre privilégié pour explorer des formes de société possibles, mais aussi pour prendre du recul sur sa propre communauté et en constater les échecs.
François Rabelais
Rabelais, grand humaniste du XVIe siècle, imagine une autre forme de société idéale au sein de l’abbaye de Thélème dans Gargantua. Cette abbaye, qui prône les idéaux humanistes de liberté, d’éducation et de vie en communauté cache en creux une critique sévère des codes traditionnels de l’Église.
Le Supplément au voyage de Bougainville de Diderot est un dialogue philosophique entre deux amis qui se promènent. L’un des locuteurs se rappelle de ce qu’un vieux Tahitien lui avait dit sur sa communauté : c’est une société où il n’y a pas de propriété, pas de « distinction du tien et du mien » et où « tout est à tous ».
- Ce texte permet de faire réfléchir le lecteur quant à la notion d’égalité entre les hommes au XVIIIe siècle.
Au XIXe siècle, les écrivains tentent de repenser l’espace urbain. Jules Verne par exemple dans la nouvelle La journée d’un journaliste américain en 2889, décrit une métropole géante de 300 mètres de hauteur, dans laquelle la population est aidée dans tous ses gestes par des appareils rationnels et perfectionnés. Il imagine en quelque sorte notre société actuelle.
Bien vivre ensemble
Bien vivre ensemble
Littérature moraliste :
La littérature moraliste est constituée d’œuvres qui réfléchissent sur les mœurs d’un temps donné. Elle tend à corriger et à parfaire les conduites à tenir en communauté.
Des écrivains comme Jean de La Bruyère dans ses Caractères ou La Rochefoucauld dans ses Maximes décrivent l’Homme dans ses plus grands vices pour mieux tenter de transformer les mœurs et le vivre ensemble, notamment à la cour du roi.
Le fossé entre le l’Homme et la société
Le fossé entre le l’Homme et la société
La littérature est aussi le reflet des désaccords entre l’Homme et la société, et du fossé qui peut se creuser entre l’individu et les mœurs d’une communauté.
Le roman Les Choses de Georges Perec montre par exemple la folie matérialiste et la frustration créée par la nouvelle société de consommation des années 50 et 60. Il raconte l’histoire d’un jeune couple sans personnalité, sans intimité, condamné à vouloir toujours plus d’objets sans être jamais satisfait. L’inscription de l’Homme dans la société invite à réfléchir également à sa participation à la vie politique.
La réflexion politique
La réflexion politique
Faire partie d’une société, c’est forcément participer à la vie politique.
Quand la littérature se mêle de la politique
Quand la littérature se mêle de la politique
Certains auteurs, comme Victor Hugo, Lamartine, ou encore Chateaubriand ont eu des carrières politiques, et ont tenté d’exercer le pouvoir.
Écrire, c’est aussi tenter d’agir sur la politique de son pays. Les écrivains se sont engagés au fil de l’histoire pour dénoncer les inégalités, l’intolérance, l’inhumanité ou encore l’illégitimité des modes de pouvoir.
L’Encyclopédie, œuvre des Lumières par excellence, a été écrite entre 1751 et 1772 et rassemble plus de 60 000 articles attenants à toutes les formes de savoir.
Ces articles sont le moyen de faire la synthèse et de vulgariser les connaissances, mais aussi de dénoncer les préjugés, les intolérances et les ordres politiques sous l’apparence inoffensive d’un article de dictionnaire.
L’Encyclopédie aide les esprits à se révolter et sera l’un des emblèmes de la Révolution Française.
En 1898, le romancier Émile Zola milite pour la réhabilitation de l’officierDreyfus, accusé à tort de complot avec l’Allemagne. Il s’oppose à ses adversaires sur la place publique par la voie de la presse dans son célèbre « J’accuse », publié dans le journal L’Aurore.
Grâce à son engagement en particulier, les charges contre Dreyfus seront abandonnées en 1906.
"J’accuse", par Émile Zola
S’indigner
S’indigner
Argumenter, c’est aussi s’indigner face aux valeurs véhiculées par les sociétés et les différentes politiques internationales.
Claude Lévi-Strauss, grand ethnologue du XXe siècle, dénonce l’ethnocentrisme dans son essai Race et Histoire.
Ethnocentrisme :
Il s’agit d’une attitude qui consiste à juger la culture d’autrui selon ses propres standards et références culturels.
Il prend l’exemple de la vision que les Espagnols avaient sur les Amérindiens pour commenter les préjugés que la société occidentale contemporaine peut avoir sur d’autres cultures.
Conclusion :
La littérature parle pour les Hommes et s’engage dans des causes diverses. Elle n’est pas qu’un constat des échecs de ce qui constitue l’Homme et son fonctionnement, elle est aussi là pour tenter d’agir et de corriger ses défaillances afin d’atteindre un idéal.