Le vocabulaire poétique
Introduction :
La poésie est un jeu entre le fond et la forme. Elle obéit à des règles précises qu’il convient de connaître dans le cadre de son étude. Les différentes notions de versification, des strophes aux figures de style en passant par le vers et la rime seront traitées dans ce cours.
Les strophes et les vers
Les strophes et les vers
Les strophes
Les strophes
Strophe :
Ensemble de vers regroupés par un système de rimes et possédant la plupart du temps une unité de temps et de rythme.
Elles sont séparées entre elles au sein d’un même poème par un blanc typographique. On distingue les types de strophes selon le nombre de vers qu’elles contiennent. Voici les plus courantes :
- un tercet : une strophe de trois vers ;
- un quatrain : une strophe de quatre vers ;
- un quintil : une strophe de cinq vers ;
- un sizain : une strophe de six vers ;
- un dizain : une strophe de dix vers ;
- un douzain : une strophe de douze vers.
Vers :
Un vers est une unité métrique qui contient un nombre déterminé de syllabes. On peut identifier le type de vers, ou mètre, par le décompte de ces dernières. Un vers commence toujours par une majuscule et se clôt par un retour à la ligne.
La règle des e muets
La règle des e muets
Pour compter les syllabes d’un vers, il faut prendre en compte la règle dite des e muets.
Règle des e muets :
On compte le e lorsqu’il est placé devant une consonne et on ne le compte pas lorsqu’il est placé devant une voyelle, ou bien lorsqu’il est en fin de vers.
Par exemple dans le vers « Il tire, traîne, geint, tire encore et s’arrête. » (Victor Hugo, Les Contemplations), les deux premiers e soulignés se prononcent à la diction car ils sont suivis d’une consonne, à l’inverse des deux e suivants, qui sont suivis d’une voyelle. Enfin le e final dans « s’arrête » ne se prononce pas car il est en fin de vers.
Les différents types de vers
Les différents types de vers
On classe les vers selon leur nombre respectif de syllabes. Voici les vers les plus utilisés en poésie :
- l’hexasyllabe : vers de six syllabes ;
- l’heptasyllabe : vers de sept syllabes ;
- l’octosyllabe : vers de huit syllabes ;
- le décasyllabe : vers de dix syllabes ;
- l’alexandrin : vers de douze syllabes.
Poème isométrique :
Un poème qui regroupe des vers d’un même mètre est un poème isométrique.
Le poème d’Yves Bonnefoy, issu du recueil Les planches courbes, est par exemple composé uniquement d’hexasyllabes :
« […]
Que ce monde demeure,
Que la feuille parfaite
ourle à jamais dans l’arbre
L’imminence du fruit !
[…] »
Poème hétérométrique :
À l’inverse, une strophe ou un poème composé de vers différents est hétérométrique. On dira également que c’est un poème en vers libres.
« Les chars d’argent et de cuivre
Les proues d’acier et d’argent
Battent l’écume,
Soulèvent les souches des ronces.
Les courants de la lande,
Et les ornières immenses du reflux,
Filent circulairement vers l’est,
Vers les piliers de la forêt,
Vers les fûts de la jetée,
Dont l’angle est heurté par des tourbillons de lumière. »
Arthur Rimbaud, « Marine », Illuminations, 1886
La structure du vers
La structure du vers
Hémistiche :
Les vers longs sont composés de deux hémistiches, c’est à dire deux moitiés de vers autour d’une césure.
Césure :
La césure est une rupture au milieu du vers. Elle constitue une pause dans la lecture et donne son rythme au poème.
Par exemple, le vers suivant : « Et rose elle a vécu / ce que vivent les roses » (Malherbe, Consolation à M. Du Périer) est composé de deux hémistiches, de six syllabes chacun.
L’enchaînement des vers
L’enchaînement des vers
Enjambement :
C'est lorsque la phrase déborde du vers sur le vers suivant.
On peut observer ce phénomène dans cet extrait du poème des Orientales de Victor Hugo :
« La sultane regarde et la mer qui se brise,
Là-bas, d’un flot d’argent, brode les noirs îlots. »
Rejet :
On appelle rejet un enjambement qui décale un mot important pour la compréhension de la phrase et sur lequel le poète veut mettre l’accent.
« Le Loup, par ce discours flatté,
S’approcha ; mais sa vanité
Lui coûta quatre dents : le Cheval lui desserre
Un coup ; et haut le pied. Voilà mon loup par terre »
La Fontaine, « Le Renard, le Loup et le Cheval », Fables, 1673
Contre-rejet :
Le contre-rejet est le phénomène contraire, un bout de la phrase reste en fin de vers, alors qu’il est lié au vers suivant par le sens.
« Et de longs corbillards sans tambour ni musique
Défilent lentement dans mon âme ; l’Espoir
Vaincu pleure et l’Angoisse atroce, despotique
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir. »
Baudelaire, « Spleen IV », Les Fleurs du mal, 1857
Les différents systèmes de rimes
Les différents systèmes de rimes
Rime :
La rime en poésie constitue la reprise d’un même son ou phonème à la fin de deux vers au minimum.
Dans l’étude d’un poème, il faut prendre en compte le genre, la disposition et la richesse des rimes.
Le genre des rimes
Le genre des rimes
Rime masculine :
On appelle rime masculine une rime où la dernière syllabe du vers n’est pas suivie d’un e muet.
Exemple : battant / marchand
Rime féminine :
On obtient une rime féminine lorsque le vers se termine par un e muet comme dans la rime « blesse / jeunesse ».
La disposition des rimes
La disposition des rimes
Rimes plates ou suivies :
Elles suivent le schéma AA, BB, CC…
« Dans un mois, dans un an, comment souffrirons-nous, (A)
Seigneur, que tant de mers me séparent de vous ? (A)
Que le jour recommence et que le jour finisse, (B)
Sans que jamais Titus puisse voir Bérénice » (B)
Jean Racine, Bérénice, 1670
Rimes croisées :
On appelle rimes croisées des rimes disposées selon la structure A/B/A/B.
« Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle (A)
Sur l’esprit gémissant en proie aux longs ennuis, (B)
Et que de l’horizon embrassant tout le cercle (A)
II nous verse un jour noir plus triste que les nuits. » (B)
Baudelaire, « Spleen IV », Les Fleurs du mal, 1857
Rimes embrassées :
Des rimes organisées selon le schéma A/B/B/A sont dites « embrassées ».
« Le temps a laissé son manteau (A)
De vent, de froidure et de pluie, (B)
Et s’est vêtu de broderie (B)
De soleil, clair et beau. » (A)
Charles d’Orléans, « Le temps a laissé son manteau », Rondeaux
La richesse des rimes
La richesse des rimes
Rimes pauvres :
Elles ont un seul son en commun : bleu / feu.
Rimes suffisantes :
Elles sont faites de deux sons en commun : flattant / temps.
Rimes riches :
Elles ont trois sons et plus en commun : bateau / gâteau.
Les figures de style dans l’écriture poétique
Les figures de style dans l’écriture poétique
On distingue deux figures dites d’harmonie imitative en poésie : l’allitération et l’assonance.
Allitération :
L’allitération est une répétition régulière de la même consonne.
Assonance :
L’assonance est une répétition régulière de la même voyelle.
« Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime
Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend. »
Paul Verlaine, « Mon rêve familier », Poèmes saturniens, 1866
L’allitération en m dans cette strophe évoque la douceur du rêve et de la femme imaginée.
« Tout m’afflige et me nuit et conspire à me nuire. »
Ce célèbre vers de Phèdre de Racine est rythmé par une assonance en i qui souligne la douleur et la plainte du personnage.
Anaphore :
Il s’agit d’une reprise du même mot en début de vers. Elle crée un rythme entêtant que l’on retient facilement.
C’est le cas par exemple dans le poème suivant d’Arthur Rimbaud intitulé « Enfance III » et extrait des Illuminations :
« Au bois il y a un oiseau, son chant vous arrête et vous fait rougir.
Il y a une horloge qui ne sonne pas.
Il y a une fondrière avec un nid de bêtes blanches.
Il y a une cathédrale qui descend et un lac qui monte.
Il y a une petite voiture abandonnée dans le taillis, ou qui descend le sentier en courant, enrubannée.
Il y a une troupe de petits comédiens en costumes, aperçus sur la route à travers la lisière du bois.
Il y a enfin, quand l’on a faim et soif, quelqu’un qui vous chasse. »
Comparaison :
Il s’agit d’une analogie entre un élément comparé et un élément comparant. Ces deux éléments sont rapprochés au moyen d’un outil de comparaison (comme, pareil à, semblable à, tel que, etc.).
La célèbre comparaison de Baudelaire dans « L’Albatros » peut ici servir d’exemple :
« Le Poète (comparé) est pareil au (outil de comparaison) prince des nuées (comparant) »
Métaphore :
C'est également une comparaison mais qui n’emploie pas d’outil de comparaison. Ce dernier est implicite dans le texte.
Par exemple, dans le vers de Verlaine extrait du poème « Clair de Lune », « Votre âme est un paysage choisi », l’âme est comparée à un paysage, mais il n’y a pas de mot de comparaison pour lier les deux.
Métaphore filée :
Si une métaphore est développée tout au long d’une strophe ou du poème, on dit que la métaphore est filée.
« L’empereur était là, debout, qui regardait.
Il était comme un arbre en proie à la cognée.
Sur ce géant, grandeur jusqu’alors épargnée,
Le malheur, bûcheron sinistre, était monté ;
Et lui, chêne vivant, par la hache insulté,
Tressaillant sous le spectre aux lugubres revanches,
Il regardait tomber autour de lui ses branches. »
Victor Hugo, « L’Expiation », Les Châtiments, 1853
Dans ce poème de Victor Hugo, Napoléon est comparé à un arbre au deuxième vers et le poète file ce rapprochement tout au long de la strophe en employant un vocabulaire lié à l’arbre.
Conclusion :
La poésie est un genre complexe dont il faut maîtriser tous les aspects et pour comprendre le contenu d’un poème, il faut d’abord en reconnaître les caractéristiques formelles.