Le Parnasse, le symbolisme et le dadaïsme
Introduction :
Le XIXe et le XXe sont des siècles mouvementés de l’Histoire. La littérature et plus précisément la poésie se fait le reflet de l’instabilité politique, sociale et religieuse qui traverse cette période. Effectivement, on constate que de nombreux mouvements poétiques se succèdent depuis le romantisme au surréalisme, en passant par le Parnasse, le symbolisme et le dadaïsme. Ces trois derniers courants seront étudiés dans ce cours, en mettant en valeur chaque fois à leur doctrine et auteurs respectifs.
Le Parnasse ou la doctrine de « l’art pour l’art »
Le Parnasse ou la doctrine de « l’art pour l’art »
Les poètes principaux du mouvement du Parnasse sont Théophile Gautier, qui en est l’initiateur, Charles Leconte de Lisle et José-Maria de Heredia. Tous les trois ont écrit des recueils de poèmes respectant les principes du mouvement.
Parnasse :
C’est un courant qui se développe en parallèle du mouvement romanesque réaliste. Il intervient en réaction au romantisme du début du XIXe siècle auquel on reproche la dimension trop idéaliste et intime.
Le Parnasse revendique quant à lui une poésie plus impersonnelle et moins sentimentale. Le lyrisme de la poésie romantique est peu à peu abandonné. Aussi Théophile Gautier décrit-il, dans son Histoire du Romantisme, le détachement dont le poète doit faire preuve vis-à-vis de ses propres émotions :
« Le poète, selon lui, devrait voir les choses humaines comme les verrait un dieu du haut de son Olympe ; les réfléchir sans intérêt dans ses vagues prunelles et leur donner, avec un détachement parfait, la vie supérieure de la forme. »
Il met ainsi en valeur le caractère omniscient, quasi divin du poète, qui n’est plus tourné vers lui-même.
Aussi le « je » est-il proscrit dans la poésie parnassienne, au profit le plus souvent de la troisième personne.
Les auteurs du Parnasse tendent par ailleurs à concevoir l’écriture comme une discipline scientifique :
« L’art et la science, longtemps séparés par suite des efforts divergents de l’intelligence, doivent donc tendre à s’unir étroitement, si ce n’est à se confondre. »
Leconte de Lisle, préface des Poèmes Antiques, 1852
Ce courant est également connu pour sa théorie de « l’art pour l’art » c’est-à-dire un art purement esthétique, qui ne revendique aucune utilité sinon sa beauté. En ce sens, la poésie parnassienne n’est pas une poésie engagée mais un art dédié à l’écriture de beaux textes.
C’est Théophile Gautier qui revendique le premier cette idée de « l’art pour l’art » dans la préface de Mademoiselle de Maupin, publié en 1835. On lui connaît d’ailleurs ce propos célèbre :
« Il n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien ; tout ce qui est utile est laid. »
Le mouvement parnassien s’inspire par ailleurs très fortement de l’Antiquité dans cette recherche de beauté poétique mais aussi dans son appellation. Effectivement, le Parnasse est à l’origine la montagne où séjournait Apollon, dieu de la poésie, et ses neufs muses. L’Orient et son exotisme représentent également un sujet de prédilection des parnassiens.
Les procédés poétiques du Parnasse vont par ailleurs reposer sur des formes poétiques contraignantes comme le sonnet en alexandrins par exemple. Ils vont aussi cultiver des rimes rares et un lexique savant et recherché.
- Le Parnasse s’essouffle rapidement, en grande partie à cause de ses trop grandes exigences formelles. Se forme alors la doctrine du « symbolisme », une mouvance poétique plus libre dans sa forme et son contenu.
Le symbolisme : recréer une nouvelle réalité
Le symbolisme : recréer une nouvelle réalité
Symbolisme :
C’est un courant poétique de la fin du XIXe siècle, dont le nom a été inventé par Jean Moréas dans un article publié en 1886 dans Le Figaro. Charles Baudelaire, Paul Verlaine, Stéphane Mallarmé et Arthur Rimbaud en ont été les partisans les plus reconnus.
C’est un mouvement qui vient rompre avec le rationalisme et le matérialisme de la fin du XIXe siècle, et qui entend réhabiliter une approche sensible et spirituelle du monde.
Contrairement aux réalistes et aux naturalistes qui s’attachaient à reproduire la réalité dans ses moindres détails, les symbolistes veulent découvrir les secrets qui selon eux se cacheraient derrière la réalité visible. Il ne s’agit plus de décrire le réel tel qu’il est mais de l’imaginer, et de mettre en valeur les signes et les correspondances entre la réalité et le rêve, comme le dit Mallarmé dans le propos suivant :
« Nommer un objet, c’est supprimer les trois quarts de la jouissance du poème qui est faite de deviner peu à peu : le suggérer, voilà le rêve… Il doit y avoir toujours énigme en poésie, et c’est le but de la littérature, il n’y en a pas d’autres qu’évoquer les objets. »
Déclaration extraite d’un entretien entre Mallarmé et le journaliste Jules Huret, retranscrite dans son Enquête sur l’évolution littéraire, 1891
Le symbolisme se rapproche par ailleurs du mouvement romantique par l’importance qu’il assigne au « moi » et à l’idéalisme, tout en revendiquant le caractère désengagé de l’art à la manière des Parnassiens.
Comme le dit Mallarmé à nouveau, « le monde est fait pour aboutir à un beau livre ». Il s’agit donc de créer un poème original et percutant, qui dans sa perfection permettra d’accéder à la connaissance des secrets cachés de l’univers.
On reconnaît de plus l’écriture symboliste à des procédés d’écriture nouveaux. Certains poètes par exemple construisent leurs poèmes sur des vers au nombre impair de syllabes. Paul Verlaine, dans « Art poétique », écrit en 1884, choisit par exemple d’employer des vers de neuf syllabes car il trouve le rendu plus musical :
« De la musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l’Impair
Plus vague et plus soluble dans l’air,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose. »
Les symbolistes mettent également au goût du jour le vers libre, apprécié alors pour sa fluidité et son rythme inattendu. Les analogies comme la métaphore ou la comparaison sont employées par ailleurs pour mettre en valeur les correspondances entre le réel et le monde abstrait du rêve.
- Mais l’idéalisme du symbolisme ne survit pas face aux atrocités de la Première Guerre mondiale au début du XXe siècle, et laisse place au mouvement Dada.
Le dadaïsme : provoquer, détruire, créer
Le dadaïsme : provoquer, détruire, créer
Dadaïsme :
Il s’agit d’un courant littéraire et artistique fondé par Tristan Tzara en 1916.
Son nom original a été choisi à l’aide d’un coupe-papier pointé au hasard sur les mots d’un dictionnaire.
Inventé au beau milieu d’une Première Guerre mondiale sanglante, le mouvement Dada entend remettre en question toute notre civilisation, car elle n’y voit qu’absurdité et horreur.
Anarchistes et révolutionnaires, les auteurs dada veulent transformer notre langage en en abandonnant tous les repères.
« Nous voulons changer le monde avec rien, nous voulons changer la poésie et la peinture avec rien, et nous voulons en finir avec la guerre avec rien », déclare Richard Huelsenbeck, l’un des partisans du mouvement. Il s’agit à travers le dadaïsme d’interroger les codes artistiques et l’ordre du monde en occultant toute règle ou code, comme le souligne bien Tristan Tzara dans Manifeste Dada 1918 :
« Je détruis les tiroirs du cerveau et ceux de l’organisation sociale : démoraliser partout et jeter la main du ciel en enfer, les yeux de l’enfer au ciel, rétablir la roue féconde d’un cirque universel dans les puissances réelles et la fantaisie de chaque individu. »
On comprend donc que la logique est détrônée par la provocation et la fantaisie. C’est cette même extravagance que l’on retrouve chez les adeptes du mouvement comme les poètes Guillaume Apollinaire, Philippe Soupault et Paul Éluard ou encore l’artiste Marcel Duchamp, qui expose à New York en 1917 un urinoir en tant qu’œuvre d’art, qu’il nommera Fountain. Il fonde alors ce qu’on appelle à l’époque aux États-Unis le « ready-made », art provocateur qui consiste à faire d’un objet déjà formé et usé, une œuvre à part entière.
La poésie Dada est ouverte à tous champs des possibles ; aussi les auteurs passent-ils souvent par le collage, c’est-à-dire par l’assemblage de matériaux divers et variés, comme des morceaux de journaux découpés par exemple. Voici un exemple de collage du poète André Breton fait à partir de fragments de quotidiens de l’époque :
André Breton, Relève
- Le caractère révolutionnaire du mouvement Dada s’essouffle peu à peu et disparaît en 1923 pour laisser place au surréalisme.
Conclusion :
Le XIXe et le début du XXe siècle sont donc parcourus par des mouvements poétiques très différents. Le Parnasse et le symbolisme se rejoignent dans la conception d’une poésie non engagée, mais si le poète parnassien ne cherche que le caractère esthétique et parfait du poème, le poète symboliste entend quant à lui déceler grâce au poème les secrets cachés de l’univers. Enfin le mouvement Dada, qui apparaît lors de la Première Guerre mondiale, cherche à montrer dans l’abandon de toute règle et code poétique, la cruauté et l’absurdité du monde.